Suite de « Objectif zéro » par Jean Mas
Il y a six essais, c’est le genre de chose que je recommande à la lecture de ceux qui veulent pouvoir dire autre chose que tiens c’est du Klein ! (rires)
Dans la Revue française de psychiatrie - comme quoi ils ne font pas que des choses mauvaises il y a un article intéressant sur Klee, et son violon, c’est à dire le rapport qu’il entretenait avec la musique et sa vie, c’est indispensable pour voir son mode de construction.
Et ça c’est un livre un peu différent, que je vous invite à rencontrer, c’est de Terence, un ami ... avec quelque chose de très particulier, que j’ai saisi parce que nous sommes là au stade ... à partir de là, la compréhension peut être posée, nous sommes en deçà, c’est à dire juste avant... je vais vous lire juste ce petit passage : « Pour créer quelque chose, un roman par exemple, il faut d’abord mettre la philosophie, la théologie, la critique littéraire, à la poubelle. Brûler celle ci et disperser les cendres n’importe où ».
Les cendres n’importe où
C’est à partir de là, quand nous avons tout brûlé et dispersé les cendres n’importe où, c’est à partir de là que nous pouvons construire une compréhension, c’est quelque chose en deçà. D’ailleurs dans l’ouvrage il y a des passages où Terence dit qu’il n’est pas un surréaliste, qu’il n’est pas non plus nouveau roman, il n’est pas l’art etc. Cela s’appelle « La mort du Narcisse », c’est très intéressant. Voilà c’était la séquence Livres, et je vais faire maintenant la critique Freudienne de l’art par un auteur un peu oublié.
(Jean Mas branche son énorme radiocassette, met une musique guillerette)
Voix de Jean Mas dans la Radiocassette : LES TROIS PETITS COCHONS.
Il était une fois trois petits cochons, dodus et roses, qui habitaient dans la forêt avec leur maman. Le premier, Sniff, était un doux rêveur, le deuxième, Snops, était le plus grand des trois, et se montrait parfois un peu vantard, mais il riait tout le temps. Quant au troisième, Snaps, le plus sérieux, il préférait lire ou bricoler. Un jour, leur maman leur expliqua que la maison n’était pas assez grande pour les abriter tous les trois... Maintenant, il faut que vous viviez seuls, dit elle, vous partirez chacun de votre côté, et vous bâtirez votre propre maison. Mais attention, il faut qu’elle soit solide, car le Grand Méchant Loup n’attend qu’une occasion pour vous croquer.
Les trois petits cochons firent donc leur baluchon, un peu tristes de quitter leur maman, mais bien contents quand même de découvrir la vie. Au revoir, mes petits, et méfiez vous du loup, leur dit Maman. Ce fut Sniff qui le premier bâtit sa maison. Sans penser au danger, il la fit en paille, toute fleurie. Snaps travailla aussi rapidement que son frère pour construire sa maison en bois. Il lui suffit de réunir les planches et de les clouer. Ni l’un ni l’autre ne craignait le grand méchant loup.
(Jean Mas se lève, prend un gourdin et massacre son radiocassette en poussant des cris sauvages. Il récupère la cassette, puis, imperturbable : )
Bien. Il faut maintenant vous donner quelques éléments de compréhension. (rires) Les trois cochons, il faut articuler ça sur le sujet ... je rappelle et là c’est un point important - qu’à l’origine, les carabins en médecine employaient ce mot pour parler du cadavre. A l’origine, le sujet, c’est donc le cadavre. Nous avons trois cochons, trois sujets. Ce sont des sujets qui fonctionnent comme ça :
Le premier sujet, substance métaphysique, deuxième sujet c’est une condition transcendantale. A chaque fois qu’on parle de sujet il faut essayer de voir de quoi on parle. Le sujet produit par la substance historique c’est Hegel, Marx c’est après.
Le sujet freudien n’est pas une catégorie mais une fonction dans le cadre d’une psychologie sans âme. Donc Kantien. Pour Freud il y a un champ de phénomènes dont le sujet inconscient est la supposition nécessaire. D’où le lieu pour un inconscient qui se manifeste par un i minuscule, oui... vous le voyez écrit avec un I majuscule dans les réclames Hartman, « allez à la recherche de votre Inconscient », ça laisse supposer qu’il y a un Lieu… OK... Alors le lieu pour un inconscient qui se manifeste avec un i minuscule, et si j’interroge ce lieu où où (hou hou ... ) (rires) je ne trouve que le « où » qui peut ce soir prendre la figure de ce sujet là, celui de l’inconscient.
Ainsi lier donc :
1er petit cochon : construit avec de la paille, avec de l’air etc. sujet métaphysique
2ème petit cochon : planche de bois. Transcendantal
3ème petit cochon : historique, il emploie la technique, les briques etc.
Bon. Mais le loup, qui passe par la cheminée (entendez le cheminement) et le je miné, le je miné tombe dans le chaudron, c’est en quelque sorte l’inconscient qui fait bouillir la marmite ... (Rires)
L’enseignement ça consiste à parler au nom de ceux qui écoutent.
Dans le rêve comme dans l’art, il n’y a qu’un seul texte, qui livre son sens dans sa déformation. Le sens vrai, le contenu latent, ne se nomme que dans le contenu manifeste. Le fond ne se sépare pas de la forme. Il n’y a pas de métalangage. Le texte de l’art comme celui du rêve sont davantage dans le sens d’une figuration écoutez bien, figuration que d’une représentation référée à une présence et à un ou des signifiés extérieurs.
Je vais vous citer pour éclairer ça le travail de la photographe Bettina Rheims, qui a exposé récemment à la Galerie Beaubourg Notre Dame des Fleurs, et qui est depuis peu la photographe officielle de Mr le Président de la République.
Il s’agissait de portraits d’animaux, chats, chiens. Et vous ne pouviez éviter de renvoyer cela à entrer de plein pied dans la représentation. Et bien vous étiez piégés, puisque très rapidement vous ressentiez une espèce de malaise. Et pour cause : ce sont des photographies d’animaux empaillés. Ce qui est important c’est qu’elle arrive à présentifier l’absence. Ce qui est photographié évidemment n’est pas représenté. C’est ça qui est très fort dans ce travail.
Le mode représentatif qui est indispensable, permet à l’enfant de se glisser dans le monde adulte. C’est indispensable de dessiner des petits cochons à l’enfant, pour lui permettre de se glisser dans le monde adulte, c’est à dire celui d’une bonne mesure, d’une bonne distance. Armer un enfant, pour qu’il puisse affronter ... se couler dans une vie d’adulte, c’est lui donner ce sens là ça n’a rien à voir avec le juste milieu de Confucius c’est lui donner le sens, là, de la bonne distance. Pour ceux qui prennent des notes vous ne trouverez ça dans aucune revue psychanalytique, je vais vous donner la formule de l’enfant à sa naissance ... (rires)
(Jean Mas écrit au tableau des formules très compliquées, sous le titre : « Formule de l’enfant à sa naissance. C’est Dieu le Divin (le dit vain) »
Ceux qui ont quelque souvenir de petites données très simples ... infini sur un, c’est Dieu, ça c’est la formule de Dieu tout simplement, ce n’est pas discutable, c’est comme ça qu’on le présente mathématiquement ... si on voulait représenter Dieu, c’est comme ça. Pour nous, pour les psychanalystes, à partir de cette position là, facteur de grand A, donc, grand Autre, bon, passons sur le grand A vous savez de quoi il s’agit. L’enfant naît forcément divin, forcément fils de Dieu, et de son incarnation, d’où (A). Le Messie, fils de Dieu, ne pouvait être conçu...voilà ... (Jean Mas se lève) le christ, ne pouvait être, dans la théorie, construit, ne pouvait être conçu, que de cette façon là, c’est à dire l’enfant, Dieu, le Christ (infini sur un) ne peut pas être facteur de grand A, là c’est l’enfant c’est l’humain, là dans la théorie c’est le Christ (facteur d’infini sur un ), ce qui fait que c’est tout à fait normal que les chrétiens parlent de l’Immaculée Conception, c’est inconcevable de parler d’une naissance humaine. Inconcevable. Mathématiquement, nous sommes dans une excellente logique (rires) ... La Théodicée, qu’est ce que c’est ? C’est défendre l’idée de Dieu, c’est défendre l’idée du Un. Sans l’idée de Dieu je dis ce n’est pas moi qui le dis que toute pensée serait impossible. Vous ne pouvez pas penser le grand A, le Phallus, je dis même vous ne pouvez rien penser du tout (rires). L’idée posée de Dieu est indispensable. A la pensée.
Alors voyons comment notre enfant évolue.
(Jean Mas écrit une autre formule)
On a cet enfant ici, là on a la formule de Dieu, et nous retrouvons exactement l’inverse, c’est à dire que de cette position là, l’enfant se retrouve ici, c’est toute la vie humaine, c’est à dire que c’est l’inverse de Dieu, c’est la monade, ce qu’on appelle en philosophie le circuit fermé, la monade, c’est l’ego dans sa plénitude concrète, le moi rapporté à une sphère d’ppartenance, à la sphère de ses possessions, et moi, monade, je trouve, dans la sphère de ce qui m’appartient, la marque de quelque chose qui ne m’appartient pas, qui m’est étranger. Je peux ainsi constituer une nature objective, à laquelle appartient l’Etranger, et moi même.
(A suivre)