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ECOLE DE NICE - CHRONIQUE 21 : L’Ecole de Nice et les maires de Nice ! (2) - Chronique Bimensuelle sur l’Ecole de Nice - par André Giordan et Alain Biancheri pour Art Côte d’Azur

Résumé des chroniques précédentes


L’art ne se conçoit pas sans son Histoire ! L’Ecole de Nice ne déroge pas à ces cheminements. Connaître l’Histoire de l’Ecole de Nice dans tous ses ressorts fait partie intégrante de sa marche continue. Après avoir évoqué la place des critiques d’art, des galeristes et des journalistes dans l’évolution de ce mouvement, la place tenue par les maires de Nice est décodée. Elle fut parfois surprenante !

Jean Médecin meurt le 18 décembre 1965, après avoir régné en maître sur sa ville durant 37 ans, interrompu juste une petite année à la Libération. Son fils Jacques dit « Jacquo (prononcé jacquoù) » -pourtant peu connu, il était alors journaliste- s’impose par fidélité du Conseil Municipal en successeur inéluctable ! Il remporte la mairie de Nice à l’unanimité de ses membres. Il a 37 ans ; il demeura maire pendant 24 ans.

Jacques Médecin, maire de Nice

Ce fut la grande période de l’Ecole de Nice. Certes Yves Klein était décédé depuis longtemps, mais ses collègues du Nouveau Réalisme niçois était en pleine productivité et… reconnaissance, hors de leur ville. Le Fluxus niçois, toujours animé par Ben, faisait de plus en plus d’adeptes depuis la venue de Maciunas à Nice. Sous son aile protectrice, des jeunes comme Alocco, Mas, Eribo, Venet, Serge III y prenaient leur essor.

Par la suite, vint l’époque Supports-Surface, Groupe 70 pendant que nombre d’atypiques tentaient d’autres directions. On ne peut pas dire que Jacques Médecin voit d’un « bon œil » ces mouvances. Plutôt il les ignore superbement ou ne veut pas les connaître !

Yves Klein, SE 71, L’arbre, grande éponge bleue, 1962. Pigment pur et résine synthétique sur éponge et plâtre. (photo Séverine Giordan).
Bibliothèque d’Alexandrie, 1968 Combustion et Inclusion de violons dans résine et Plexiglas 200x160x18 cm Collection Grupo PEFACO-Barcelone, Courtesy Alain Bizes, Paris

Un projet passe cependant la rampe du Conseil municipal le 3 novembre 1967 : il est question d’un Musée d’Art moderne à Nice. Il fait suite au premier projet… lié à la restructuration de la Galerie des Ponchettes (voir Chronique 20). Ce Centre d’Art avait été défendu devant Jean Médecin, par Henri Matisse et Pierre Bonnard, puis développé par le Docteur Thomas et par Jean Cassarini .
Cette fois, le musée était envisagé comme une aile moderne, implantée dans le Jardin de la Villa Masséna.

Carte postale de la Villa Masséna dans les années soixante
Projet de Musée d’art Moderne proposé par l’atelier d’architecture Renaudie, Riboulet, Thurnaeur et Vernet

Ce projet dont la réalisation est confiée à l’atelier d’architecture Renaudie, Riboulet, Thurnaeur et Vernet, est rapidement abandonné pour réaliser… un parking ! Ce choix paraissait plus judicieux au yeux de Jacques Médecin et des ses électeurs.
Sans l’assentiment du maire et de la majorité de ses adjoints et conseillers, le projet avait été d’entrée mal ficelé. Si l’Etat finançait 40% de l’investissement, la municipalité n’apportait que 20%. Le reste devait être couvert par des emprunts. Dès le départ, la Ville renâclait également sur le fonctionnement ; le musée devait s’autofinancer. Ce qui n’était pas habituel à l’époque…
De toute façon de l’Ecole de Nice, il n’en était point question. Il était envisagé d’exposer la donation Dufy qui avait été présentée à la Villa Masséna , ainsi que les œuvres de Renoir, Van Dongen, Matisse et celles de Chagall .

Par contre, Jacques Médecin - toujours en 1967-, accepte une proposition de son tout-jeune Délégué aux Beaux-arts de la Ville de Nice, Hervé de Fontmichel . Une exposition dédiée à Yves Klein est organisée à la Galerie des Ponchettes qu’on ne « pouvait pas toujours laisser fermée » aux dires de Pierre Golé, un autre conseiller municipal.
Suivant son titre, elle regroupe « Trois artistes de l’Ecole de Nice ». En fait, les trois artistes qui commencent à être reconnus sur le plan international grâce au Nouveau réalisme de Pierre Restany : Klein, Arman et Raysse.

Affiche de Trois artistes de l’Ecole de Nice, Galerie des Ponchettes, 1967 (realisée par Raysse) Hervé de Fontmichel Préface du Catalogue de Trois artistes de l’Ecole de Nice (1967)
Hervé de Fontmichel Préface du Catalogue de Trois artistes de l’Ecole de Nice (1967)

Pendant ce temps, certains de ses artistes exposent à Lyon à l’œil Ecoute. Et Ben et son groupe interviennent dans de multiples lieux.

Affiche de l’œil Ecoute (1967)

L’Ecole de Nice à Vence : Un show explosif

"Comment peut-on considérer l’Ecole de Nice, le manifeste de Ben n’en est qu’un des multiples aspects, aussi individualiste et gratuit vis-à-vis de l’ensemble que peuvent l’être les tableaux objets ou gadgets proposés. Il serait vain d’y rechercher une tendance artistique déterminée, une éthique ou un esthétique aux points communes, justifiant le titre d’Ecole, adopté d’ailleurs par ses membres avec un grand point d’interrogation. Sans que ma définition satisfasse, j’en suis persuadé, ses promoteurs, je crois que l’on pourrait établir les fondements de l’Ecole de Nice sur deux principes : d’une part l’irrespect systématique et voulu de toute tradition ancienne ou récente en fait d’art ou de philosophie et, d’autre part, l’attribution à l’objet ou à l’élément de qualités intrinsèques ou extrinsèques exploitables".

Michel Gaudet, Le Patriote
Nice (1967)

Par là même, le maire Jacques Médecin fait connaissance avec l’Ecole de Nice, du moins une de ses composantes. Du moins officiellement !... puisqu’il en écrit la préface du Catalogue .

Jacques Médecin Préface du Catalogue de Trois artistes de l’Ecole de Nice (1967)

L’idée de Musée sera relancée dix ans plus tard, au milieu des années 70 avec la nomination de Claude Fournet à la Direction des Musées de Nice.

(suite à la prochaine Chronique)

1 - Jean Cassarini fut un peintre niçois, ami de Matisse.
2- La donation Dufy ne pouvait rester à la Villa Masséna. Le donateur de cette Villa souhaitait qu’elle soit consacrée à l’histoire locale.
3- Ce dernier n’y était pas très favorable. Il souhaitait un musée pour lui tout seul ! Il l’obtint à Cimiez.
4- Il sera par la suite Maire de Grasse durant 18 ans, vice-président du Conseil Général des Alpes-Maritimes et vice-président du Conseil Régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
5 - Pour rappel : c’est en 1967 que Alexandre de la Salle organise sa première Rétrospective.
6- Il ne nous a pas été possible de vérifier si Jacques Médecin a écrit tout ou partie du texte…

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FLUXUS (suite)

FILIOU Robert 1926-1987

Robert Filiou, a joué un rôle prépondérant dans le mouvement Fluxus et dans la genèse de l’École de Nice. Né à Sauve, près de Nîmes en 1926, il n’a pas fait d’études artistique comme beaucoup d’autres artistes, mais a pratiqué de nombreux métiers après s’être engagé dans la résistance pendant la guerre et passé un diplôme d’économie politique à Los Angeles.
Il commence aux Nations Unis une carrière d’économiste et la poursuit en Corée où il découvre la philosophie Bouddhiste. Il quitte alors ses fonctions pour voyager et mener une existence fondée sur l’esthétique et la philosophie pour « abolir la frontière entre la vie et l’art », comme il se plaît à le répéter. Le théâtre et la poésie constituent ses principales préoccupations dès 1950, et il commence à réaliser des œuvres, à base d’humour, de gestes et de mots sans être vraiment des réalisations plastiques. Il s’impose constamment l’obligation de « faire », à la base de toute création, sans être jamais définitivement aboutie, et se proclame « un génie sans talent ». Proche de Daniel Spoerri, il manie avec lui le verbe, élément essentiel de la création artistique.
Rapidement reconnu et apprécié en Allemagne (à Düsseldorf en particulier) il montre ses premières poésies à Copenhague. Celles-ci, loin de toutes conventions poétiques traditionnelles, présentent des rapports avec le geste et le son, imprégnées constamment par un esprit ludique. Qu’il s’agisse des poèmes au pastel sur papier d’emballage, (Poème de 53 kilos, galerie Addi Köpcke de Copenhague, 1961), les Poèmes en Suspense, ou les Longs Poèmes à finir chez soi publiés sous différentes versions et même en cartes postales en 1984, tous sont présentés avec humour et irrévérence.

Il participe aux actions du groupe Fluxus en 1962 à Nice après sa rencontre avec George Brecht, Ben, Yves Klein, La Monte Young et en 1965 il ouvre avec Georges Brecht La cédille qui sourit à Villefranche-sur-mer, boutique, ou plutôt non boutique, mais surtout véritable lieu de création permanente où il élabore des Poèmes visuels, les Poèmes à petite vitesse, et, avec Dick Higgins les Telephons poems.
Installé à Düsseldorf en 1967 ou il retrouve Daniel Spoerri et Didier Roth, il publie son ouvrage le plus important Teaching and Learning performing Arts, avec Joseph Beuys, George Brecht, John Cage et Allan Kaprow, un livre totalement ouvert à l’imagination avec une implication directe du lecteur.

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