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L’art en prison

Les ateliers artistiques organisés en prison permettent aux détenus de se reconstruire et reprendre confiance. L’art devient moteur à la réinsertion. Julien Camy a voulu en savoir plus sur l’art en milieu carcéral.

« La Lune peignait d’argent l’intérieur de mon tombeau. Nul bijou ici. Juste un homme. Un homme qui ne rêve plus depuis longtemps ».

L’art au secours de la prison.

L’homme est nu dans une cellule. Il est dessiné d’un trait précis et sombre. Cette bande dessinée qui a eu, en 2012, la mention « Coup de cœur » du Jury Transmurailles au festival de BD d’Angoulême est l’œuvre de Jacques Reynald, un Niçois emprisonné depuis 2006 (lire entretien ci-dessous).

Jacques Reynald a reçu en 2012 le « Coup de cœur » du jury au concours « Transmurailles » du festival de BD d’Angoulême pour ces deux planches dessinées © AM

De l’art comme thérapie.

Faire entrer la culture et la pratique artistique dans le milieu carcéral n’est pas une chose facile mais des actions se développent peu à peu. Car l’art a une fonction émancipatrice très forte et aide les détenus à se reconstruire une identité, à se réapproprier leur histoire.

« On fait rentrer le monde en prison. Avec les mots, on leur permet de sortir de cet univers de miradors et de barreaux. » Cela fait 25 ans que l’écrivain René Frégni intervient dans les prisons de la région. Une fois par an, il se rend d’ailleurs dans celle de Nice. Les mots sont pour lui une façon de créer des passerelles avec une réalité que les détenus ne touchent plus. « Les mots permettent de créer de l’empathie, de communiquer et ainsi d’éviter de passer par la violence. » Malheureusement, il constate que le niveau culturel baisse et que l’illettrisme progresse, ce qui rend donc ces rencontres d’autant plus essentielles.

Depuis 2009, le Fonds Régional d’Art Contemporain de la région PACA cherche à faire pénétrer l’art contemporain dans les centres de détention pour ces publics dits « empêchés ».

Œuvre de Jacques Reynald (à gauche) © AM

Des ateliers de sensibilisation avec un artiste sont organisés et ces interventions révèlent le désir de « socialisation des personnes détenues ». Ils contribuent à une « ouverture vers le monde extérieur », à ne pas les déconnecter de la réalité pour faciliter leur insertion, explique le Frac PACA.

Ateliers artistiques.

A Grasse, le Musée International de la Parfumerie travaille avec la maison d’arrêt de Grasse depuis de plus de quinze ans. Christine Even, médiatrice au MIP, s’y rend une fois par semaine pour encadrer des ateliers d’arts plastiques. « Je me suis retrouvée face à des gens intéressés, passionnés et très heureux que l’on s’intéresse eux, d’avoir une reconnaissance. » Gravure, peinture, dessins… les détenus sont en demande et ont une imagination très forte. « Nous sommes une bulle d’oxygène pour eux. » Deux autres personnes autour de la bande dessinée et de la parfumerie interviennent aussi à Grasse et parfois à la maison d’arrêt de Nice.

Atelier autour du travail de la parfumerie organisé par le Musée International de la Parfumerie de Grasse avec la maison d’arrêt de Grasse. Courtesy C. Saillard /MIP

Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation sont évidemment contents de ces activités. Et c’est dans ce cadre-là d’ailleurs que Jacques Reynald a gagné un concours de dessin et réalisé la mascotte du MIP. La reconnaissance de son travail et de son talent a été très importante dans sa reconstruction. Il dira d’ailleurs qu’elle a « fait un travail remarquable ».
Et la médiatrice se souvient de Jacques : « Il était timide, renfermé. Cette réussite lui a redonné confiance mais a aussi été un détonateur pour d’autres prisonniers. De voir que l’on pouvait réussir. »

Pour Jacques, l’art est devenu un besoin vital. Sa mère Marie-Ange a vu le changement. « Cela a canalisé son esprit et depuis un an et demi, il y a une belle évolution. » Ses dessins plus colorés sont là pour en témoigner.
A sa sortie, sûrement prochaine, il cherchera un petit atelier pour continuer de créer. Quant à sa mère, elle garde fièrement ses classeurs débordants de dessins en attendant qu’un jour, il trouve une galerie où les exposer.

« L’art m’aide à trouver ma place »

Jacques Reynald est en ce moment emprisonné à la maison d’arrêt de la

Farlède à Toulon. Nous avons pu lui poser une série de questions par écrit.

Que représente dans votre vie le dessin ?

Le dessin a toujours été présent dans ma vie comme un hobby bien sûr, mais ce fut aussi une béquille et ici, durant mon incarcération, un moyen d’évasion pour fuir le quotidien. Cela m’a souvent permis de me revaloriser dans des périodes où j’avais le sentiment de ne servir à rien. Le dessin et la peinture me sortaient de ce cercle vicieux en me donnant la possibilité d’être fier de moi et d’avoir le contrôle sur une partie de ma vie.

Vous avez reçu un prix à Angoulême en 2012 pour deux planches dessinées, puissantes et fortes dans l’évocation de votre situation d’enfermement…

Lorsque j’ai réalisé ces planches pour Angoulême, je traversais une période délicate de ma détention. J’étais en colère contre l’administration pénitentiaire qui me laissait croire en mes projets mais ne m’aidait pas quand j’en avais besoin. Disons que j’ai touché du doigt les limites du système. Ce que j’ai produit pendant cette période était brut et instinctif, à l’inverse, quand je me sens serein, je vais avoir un dessin plus posé, plus précis et détaillé.

Est-ce facile de pratiquer l’art en prison ?

Une des dernières œuvres de Jacques Reynald (peinture et collage) © AM

La politique en matière de culture diffère d’un établissement à l’autre, mais il est assez difficile en général d’obtenir les autorisations, ne serait-ce que pour faire sortir une toile, ou faire rentrer du matériel.
Cependant, la maison d’arrêt de Grasse mettait l’accent sur la culture. La médiatrice Christine Even a cru en moi plus que moi-même (lire ci-contre). A Toulon, les choses sont beaucoup plus compliquées mais heureusement, il y a l’atelier d’art-thérapie de Stéphane Salaun, qui m’a beaucoup aidé en travaillant sur le lâcher prise dans la création. J’ai appris que je pouvais trouver, grâce à l’art, ma place dans cette société.

Quel est le point de vue de vos codétenus sur la pratique de l’art en prison ?

Beaucoup se mettent à la peinture, en général, les longues peines. Ils y trouvent un espace de liberté, un stimulant pour les sens et l’esprit qui ont tendance à s’endormir au fil des ans.

Œuvre de Jacques Reynald © AM

Photo de Une : Œuvre de Jacques Reynald © AM

Artiste(s)

Julien CAMY

Julien Camy est connu de tous les acteurs culturels du département : Avant de devenir en 2008 rédacteur en chef du Patriote - hebdomadaire progressiste de la Côte d’azur, Julien Camy en fut un collaborateur culturel bénévole pendant 7 ans. Il a également travaillé au sein du Festival Cinéma (…)

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