Ses toiles sont conservées dans les grands musées : à Beaubourg, aux Abattoirs de Toulouse, au musée de la Marine au Havre, au MAMAC de Nice, auquel Karen Joubert-Cordier a fait don d’une œuvre. Très présente sur le marché asiatique - Singapour, Hong Kong - mais aussi Tokyo où on l’a invitée à venir peindre une fresque large de dix mètres sur les murs d’une célèbre boîte de nuit...
Karen vit à Roquefort les Pins. Elle répond rapidement aux commandes : "je commence à travailler à 5 heures du matin. Je viens généralement à bout d’un tableau de deux ou trois mètres en une semaine. Avec deux paquets de cigarettes et vingt-cinq cafés, je suis capable de peindre une toile de huit mètres à main levée".
Des commandes parfois extravagantes
Ses clients peuvent être des milliardaires, comme cette grande styliste de Londres, ou des jeunes sans beaucoup d’argent. "Je ne veux plus exposer en galerie. Le bouche-à-oreille fonctionne bien. Ceux qui aiment ma peinture viennent à moi. Certains collectionneurs ont chez eux jusqu’à trente ou quarante toiles".
Karen peint sur toutes sortes d’objets du quotidien. Même sur les sacs à main et les tee-shirts, répondant aux demandes les plus farfelues : "pour un mariage, j’ai réalisé une madone sur une redingote dont la traîne mesurait deux mètres de long. Je ne fais que des trucs marrants, sur mesure, parce que j’aime rire".
Une pyramide de trois mètres de haut installée au beau milieu d’un haras ne va pas l’effrayer, contrairement aux chevaux qui la terrifient : "je ne sais pas pourquoi, mais j’ai beaucoup de propriétaires de haras parmi mes clients".
Le bonjour d’Emmanuel et Brigitte
Son énergie et sa virtuosité sont incontestables. Sa peinture reflète une personnalité exubérante, avec beaucoup de fantaisie. Le thème des fleurs qu’elle exploite souvent est très à la mode. Son esthétique est inspirée des végétations luxuriantes de l’Asie et de l’Amérique latine. Ses forêts imaginaires rassemblent les courants du XXème siècle, pointillisme, surréalisme, all over, expressionnisme, expliquent les experts, comme le critique Bernard Lamarche-Vadel qui relève "un sens du toucher rarement utilisé dans l’histoire de la peinture".
L’artiste s’amuse aussi à peindre des tableaux très bande dessinée. Elle y incorpore les effigies de ses clients au milieu d’une accumulation de représentations illustrant leur vie. "C’est un travail alimentaire, mon cher Watson" reconnaît-elle.
Elle a offert à Emmanuel et Brigitte Macron deux œuvres. L’une représente le couple avec un chien, l’autre "les animaux de la planète sur un très esthétique tas de sacs en plastique". Un petit message, en passant... Le président de la République remerciera deux semaines plus tard par une lettre délicieuse où il évoquera les services que le beau père de Karen, Daniel Cordier, qui fut le secrétaire de Jean Moulin, a rendus à la nation.
Bebel, Dali, Hemingway...
Karen a une vie hors du commun. Son père, commissaire principal du paquebot France, l’emmenait partout avec lui : quarante-neuf traversées de l’Atlantique ! La petite fille a fréquenté les grands palaces du monde, y rencontrant Paul Newman, Tony Curtis, Ernest Hemingway, Alfred Hitchcock, David Niven, Jean-Paul Belmondo et même la nièce d’Al Capone...
Parmi ses souvenirs mémorables, elle a dîné avec toute la troupe du gendarme de Saint Tropez. À onze ans, elle se retrouve un soir dans un ascenseur en présence de Salvator Dali : "avec son allure sa cape et sa moustache, il m’a terrifiée..."
Un jour, elle se marie. Son beau-père Daniel Cordier lui demande de peindre en échange du gîte et du couvert : "j’ai fini par m’émanciper, cela m’a pris vingt-cinq ans ! La liberté c’est tellement important".