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REPORTAGE : Jean-Pierre Blanc : Le café infuse les idées ! - Reportage réalisé par Olivier Marro - pour Art Côte d’Azur

Il prône l’économie responsable, le métissage de la pensée.
Il fut un pionnier du commerce équitable, préfère les livres et les rencontres humaines aux mass média, Jean-Pierre Blanc, Directeur général de Malongo prend son café sans sucre
mais pas sans culture !

(c) H.Lagarde

Malongo et le café : une passion longue de 76 ans qui a donné naissance à une grande famille. Une famille qui s’est élargie sur plusieurs continents depuis que Jean-Pierre Blanc prit en 1981 la barre de ce navire qui, parti en 1934 d’une brûlerie familiale (rue Lépante) a sillonné le globe. Découvrir est resté le maître mot de cette entreprise qui défricha en 1992 la piste du commerce équitable via le label Max Havelaar. Plusieurs décennies après, Malongo torréfie toujours à l’ancienne (7 000 tonnes/an de café) et témoigne d’une réussite qui, au-delà de ses enjeux commerciaux a positionné l’entreprise comme exemplaire en termes d’économie durable.

Écoutez Malongo !


« La consommation ne doit pas être un acte mécanique. Ce qui est intéressant c’est d’échanger, de partager. Et c’est là que la culture permet de dégager des pistes » explique Jean-Pierre Blanc. Cultures du café, Café de cultures, Malongo œuvre afin de placer l’humain au cœur de sa croissance, ce qui lui valut en 2008, le trophée du « Prix Entreprises & Environnement ». Le décollage culturel de la marque prend racine avant guerre. La petite entreprise devient alors le second annonceur d’une radio débutante : RMC : « Tous les vendredis à 12H45 les niçois se précipitaient chez eux pour écouter le pastrouille de tante Victorine animé par l’humoriste Francis Gag qui concluait toujours par : Allez, on va déguster un café Malongo pour se remonter le moral » ! Cette première communication accompagnée d’affiches réalisées par le peintre cannois Bellini fit sortir la marque du quartier Lépante. Quand Jean-Pierre Blanc prend la direction de Malongo il renoue avec RMC. Cette fois c’est un couple d’animateurs émergents, Foucault et Léon, qui mêle son grain de folie au grain de café dont le renom s’est étendu à la région. 30 ans plus tard voilà Malongo au pied de la Muraille de Chine mais la recette est restée la même : marcher de l’avant sans laisser personne sur le bord de la route.

Carte postale faisant partie de la Colection MALONGO

Le Manifeste des pauvres

En 1992 alors que Malongo s’oriente vers le commerce équitable et l’agriculture biologique, une autre forme de communication apparaît : « Notre volet culturel s’est étoffé parce que c’est un levier indissociable du mode de consommation que nous privilégions. Il s’agit d’infuser la culture dans la marque et d’autre part de faire en sorte que tous ses acteurs puissent profiter de cette ouverture d’esprit ? ». Pour mener à bien ce défi Jean-Pierre Blanc initia en 2000 un Département culture et sept ans plus tard une Fondation afin de transmettre le patrimoine immatériel. Pour rappeler que le café est la mémoire vivante de l’humanité, Malongo rassemble la plus grande collection du monde autour du café. 4 000 pièces qui, en attendant d’intégrer leur Musée, sont prêtées pour des expositions temporaires. L’entreprise intervient également dans la formation via le Concours du jeune professionnel du café dans les écoles hôtelières. Elle multiplie des actions qui n’entrent pas dans le commerce équitable mais s’avèrent vitales pour la communauté des planteurs, comme l’éco-tourisme ou à Cuba un programme de sauvegarde d’anciennes plantations françaises. Ce projet mêlant l’humain et le patrimonial a vu le jour avec l’aide de l’écrivain cubain Arnaldo Corréa, dont Malongo a soutenu le dernier roman « L’appel du Pivert Royal ».
« Nous travaillons afin d’apporter notre soutien à la sortie de crise d’un régime cubain qui ne doit pas s’effondrer mais passer par des phases de libéralisation ». Plusieurs ouvrages dont « Le Manifeste des pauvres » signés par Francesco Van Der Hoff, père du commerce équitable œuvrant au Mexique, ont été publiés sous l’impulsion de la marque, affirmant ainsi sa volonté d’agir en profondeur sur des terrains fragilisés.

Culture positive


Une culture que Malongo soutient à la verticale mais aussi à l’horizontale. Depuis 2008 le design a rejoint ce domaine d’action afin, explique Jean-Pierre Blanc « d’ouvrir le champ de la réflexion sur le café à des jeunes talents en devenir ». Ainsi le Concours du jeune designer voit chaque année un étudiant en design distingué pour la pertinence de son projet technique ou micro utopique en 2010, par un jury d’experts * parrainé par Matali Crasset. Certains de ces projets furent retenus le 14 janvier pour être réalisés. L’engagement de Malongo dans les arts plastiques débuta à Nice voici une vingtaine d’années via une exposition d’artistes recyclant ses emballages et sacs de toiles changés en supports peinture. Après Arthur Barrio au Palais de Tokyo en 2005, puis l’artiste sénégalais Ndary Lô (2009), Malongo a soutenu en 2010 une exposition d’artistes contemporains haïtiens. Certains artistes comme Raoul Guzman, un peintre issu d’une coopérative mexicaine étant parfois invités sur notre territoire.

La boite Malongo vue par Ben

Quant au mécénat en faveur de la création actuelle Malongo s’implique dans toutes les disciplines, des arts vivants (TNN, Festival Ruskoff) au cinéma (Festival Cinéalma) et travaille à se rapprocher du CIAC de Carros, toujours avec le désir de provoquer des rencontres entre les artistes et les forces vives de son entreprise. « On s’aperçoit que quel que soit leur niveau de désespérance, les populations trouvent toujours la force de créer. C’est le cas en Haïti où nous travaillons avec les planteurs et où nous avons depuis 10 ans une action humanitaire avec une ONG niçoise. Il y a des choses incroyables qui s’y passent en peinture ou en musique » souligne Jean-Pierre Blanc dont l’engagement s’accommode mal des entonnoirs culturels. « La plupart des grands industriels qui se sont intéressés à l’art depuis quelques années n’ont fait que reproduire une dynamique ultralibérale : On arbitre artificiellement les cotes d’artistes pour créer une économie du luxe qui ne fait qu’accroître les écarts. C’est le reflet d’une époque. A contrario ce qui nous intéresse, c’est de voir comment la culture peut participer à rebâtir un modèle économique équitable ».

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