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CHRONIQUE D’UN GALERISTE : Chronique 25 : JANI (Part IV) - CHAPITRE 25 (PART IV)

« Les Terres de Feux » par André Parinaud
Ceux qui ont écrit sur Jani l’ont fait régulièrement, à chaque nouvelle « saison », il est donc difficile de choisir parmi tant de textes plus sensés et sensibles les uns que les autres, mais le critique André Parinaud s’intéressait déjà à son œuvre lorsqu’elle se trouvait dans sa première période, c’est-à-dire à Paris : en contrat avec la Galerie Findlay, tout en exposant un peu partout à Paris, en France et en Europe, dans divers Salons ou Musées (par exemple en 1970, 1971, 1972 au Salon des femmes peintres, Musée d’Art Moderne de Paris etc.), et puis vint sa présence au Musée de Saint-Paul-de-Vence en 1973, à la Biennale de Menton en 1976, et dans bien d’autres endroits de la Côte d’Azur, et rendez-vous était donc pris par elle avec les Alpes-Maritimes.
En 1980, André Parinaud, pour sa revue « Art Magazine », organisa une exposition itinérante à travers la France de « 30 créateurs d’aujourd’hui », dont fit partie Jani.
Beaucoup plus tard, en 1994, pour l’exposition Jani intitulée « Les Terres de Feux », dans ma galerie de Saint-Paul, il offrit ce poème :

Sur l’ardoise d’une Terre brûlée
qui fascine l’attention
la grâce de signes ailés
brûle du feu de l’imagination.
Une œuvre comme une cathédrale
où chaque son atteint une oreille
symbole et perfection astrale.
L’ensemble est qualité, le Tout est merveille.
Nous sommes ailleurs
dans le cerveau Zen
d’une géométrie pure
qui parle bonheur
et efface la haine.
Une impeccable armure
nous enferme en nous mêmes
une vibration intense
bouleverse le regard.
Le ciel devient immense
Je m’entends dire « je t’aime »
devant une œuvre d’art.
(André Parinaud, 19 Mai 1994)

4ème de couverture de la revue « L’Atelier du Futur », revue des Universités du XXIe siècle (Décembre1995)


Centre-bercail du Tout au Rien par André Verdet

Le travail de Jani provoque incontestablement chez ceux qui le rencontrent une certaine réaction de retrouvaille avec une intériorité, une musique subtile… Peut-on parler de transe ?
André Verdet ayant eu avec Jani un dialogue particulièrement fervent, je me dois de citer encore ce texte d’André sur Jani dans le catalogue « Les Terres de Feux » :
Il n’y a pas de rupture dans l’œuvre de Jani. Ni de métamorphoses transgressives. J’y décèlerais plutôt une filiation tenace de subtiles transpositions psycho picturales au service d’une quête, à l’Orient d’un songe. Quête aux approches de quel absolu, par-delà même les trop souvent aléatoires notions de bien et de mal. En vérité, quête d’une immanence spirituelle presque cosmique et dépouillée d’attributs. Maints et maints tableaux de Jani reposent dans un climat pacifié où formes et couleurs, à l’extrême du rare, se sont orchestrées de telle façon que l’œuvre nous est offerte d’emblée en sa pleine identité picturale.
L’itinéraire plastique de Jani relève, je présume, d’une voie officiente, sacramentelle, discrètement vibrante de secrets infinis. Or les derniers tableaux me paraissent se définir en fonction de cette voie, à la fois magique et cognitive. Ils s’érigent comme des repères, ils officient avec faste dans leur apparente abstraction et retentissent d’appels sourdement retenus.
Il est des signes, des traces graphiques qui s’inscrivent comme autour d’antennes réceptrices ou émettrices de messages codés. Plutôt que de vibrations, le tableau est parcouru de vibrances, tellement enfouies que leur perception risque d’échapper à notre sensibilité.
Un choix de couleurs peu habituelles à Jani font une chaude, somptueuse apparition d’apparat : des rouges violacés, des ocres, des terres pimentées de soleil, des gris fertiles qui ne goûtent guère d’être neutres.
Il est des compositions qui par leurs charpentes linéaires, leur graphisme architectural – qu’il soit de fond ou de surface- prennent allure monumentale.
Quant à moi, j’aime lorsqu’apparaît le cercle circonférenciel. Il demeure le centre-foyer de nos pensées et songes. Le centre-bercail du Tout au Rien, du Dieu au Tout et Jani le sait mieux que personne.
J’allais oublier de faire référence à la nouvelle matière-substance de ses tableaux. Elle tient à la fois de la texture du feutre et du velours. Elle caresse nos yeux avant même nos doigts. (André Verdet, Saint-Paul le 20 juin 1994)

Invitation de l’exposition « Mémoires vives » (16 août-6 septembre 1996) de la Galerie Alexandre de la Salle

« Les mémoires vives »
Les « mémoires vives », en août 1996, prirent la suite, avec une invitation flamboyante. Jani aimait les invitations de ma galerie, des objets un peu magiques dès que je décidai de les faire carrées, et petites. Intimes. A l’intérieur du petit dépliant carré, pour les « Mémoires vives » de Jani, ce texte de France D. :
Rouge. Et danse. Le rouge de la flamme qui danse, qui est la vie. Et les danseurs, et aussi les combattants. Courage de rester flamme. Et ce qu’il reste du combat, une fois la vie sauve, une fois de plus. Ex-voto. Pour combien de temps ? Rouge de la blessure initiale, et sang de la vie, tout au long. Se signer de rouge, pour évoquer Edmond Jabès. « Car la blessure est invisible à son commencement… »

Terre cuite, 1997

Questions de sédimentations
Ma préface de la plaquette des « mémoires vives » dit ceci, et je persiste et signe aujourd’hui :
N’atteignent au classicisme que les œuvres qui, par-delà ce qu’elles indiquent d’un instant, d’un pays, d’une dimension, où elles prirent racine et envol, rejoignent ce lieu sans âge, inabordable d’emblée, où, inaltérées, les œuvres des grands aînés, se sont mises à dialoguer et se réengendrer l’une l’autre, dans une manière de métissage inouï. Et constituent, pour un temps, le socle majeur d’une civilisation. Socle sur lequel, au terme d’une longue et rigoureuse sédimentation, l’œuvre de JANI vient prendre toute sa place. (Alexandre de la Salle)

Plaquette de « Mémoires païennes »

Marelle de l’homme-signe universel ?
Dans cette plaquette figure un texte de France D. du 11 avril 1995 :
Avec JANI on a envie de dire : la peinture est un chemin, pas à pas, un aboutissement, surtout une liberté lorsque l’abstraction correspond à la naissance réelle, hors des références, des pesanteurs, de la dépendance du regard d’autrui. Un ailleurs dans le fluide pur, dans la rivière sans rochers où vont boire les éléphants.
Lorsque le pas est fait et que l’œuvre devient preuve d’amour, la liberté peut se souvenir.
Après les « gens du voyage », les nuages, les gouffres qu’elle a déjà peints, les antiques géométries, les « Mémoires Palatines » qu’elle nous a montrées, JANI est emportée par le Fluide. Elle semble se souvenir par amour de l’humain comme marque, comme empreinte, comme éraflure dans la pierre de Lascaux, comme trame du tissage africain proche encore de l’écorce, de la liane, du baobab. Danse de l’homme signe, alphabet chorégraphique sur les lichens vitrifiés, pâte feuilletée du temps.
On est dans le travail aux cent peaux, celui de la laque chinoise. Souvenirs tassés, comme en archéologie, strates sous la mer, gisements, filons, forêt mégalithique, marais aux antilopes, sous la peau de l’eau.
Liberté atteinte au delà de l’esthétique, du désirable et du haïssable. C’est le flux qui l’emporte sur cette page où s’inscrit la marelle de l’homme signe universel. C’est le corps même des choses qui est atteint, son plexus, car aucun pas n’a été omis dans cette concentration de la pensée, cette attention qui est le seul amour envisageable au delà même de l’idée de liberté. (France D., 11 avril 1995)

Dans la plaquette de « Les mémoires vives »

L’heure et le lieu
Et nous en viendrons alors aux « Mémoires païennes », si tant est que le « sacré » excède bien les frontières du « religieux ». Païen pour retrouver l’origine des matières, et ce geste primordial, après avoir été « pétri » du sol de la planète dit la mythologie, de pétrir soi-même. Contes de la lune vague après la pluie, dit du potier le cinéma japonais, mais le potier appartient à tous les mythes, il parle aussi bien du corps de l’homme que de ses outils familiers. De qui boire et manger, conserver le blé et l’huile, et les parfums – l’urne première est celle de la vie – et aussi modeler le Visage, son propre visage, et le visage des dieux. C’est pour la plaquette des « mémoires païennes » que j’avais écrit (Hugo Caral) le texte reproduit dans le « Paradoxe d’Alexandre » : « Tombées du haut des Andes… », mais l’urne à visage humain reproduite sur celle-ci est, après tout, universelle, comme sigle de l’industrie humaine, où l’homme fait les objets à son image. Pour certains, et pour toujours, l’industrie ne sera pas dés-humanisante, mais restera une élaboration alchimique d’un rapport au monde, monde comme à la fois le plus vaste, et le plus intime : entre le ciel étoilé et la glaise, faire antenne, cela s’appelle l’Art…

(A suivre)

Dans la plaquette de « Les mémoires vives »

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