Cette exposition présente deux projets significatifs dans l’œuvre de Grisha Bruskin.
Tout d’abord, H Hour, 2008-2012, présentée en 2012 au Multimedia Art Museum de Moscou, se compose d’une trentaine de sculptures en porcelaine, dévoilées dans une scénographie pensée par l’artiste, baignée dans la pénombre.
H-Hour examine le mythe de l’ennemi, sans traduire de lieu spécifique, historique ou géographique, d’une manière très large : l’Etat hostile, l’ennemi de classe, l’ennemi de l’inconscient, l’autre, le temps, le Chronos et la mort comme ennemis, entre autres. Ce travail explore la façon dont le trivial est fait sacré, la force de la puissance hypnotique de l’art et de l’image, comment la représentation peut devenir un moyen et un instrument de manipulation de la conscience humaine. Aujourd’hui où l’ennemi est commun, où la lutte contre l’ennemi, contre le terrorisme internationale, est généralisée, même dans les pays les plus démocratiques, l’œuvre de Grisha Bruskin trouve une résonance œcuménique.
Toutes les sculptures de H-Hour sont liées d’une façon ou d’une autre à des expériences personnelles de l’artiste, mais les sources visuelles pour ces œuvres proviennent aussi d’un art anonyme, collectif et archétype : clichés, photos trouvées dans les produits de culture de masse, manuels de langue étrangère, affiches de la défense civile ... L’auteur identifie ces images et leur apporte son expérience personnelle en leur donnant une vie nouvelle.
La deuxième partie de l’exposition est consacrée à Archaeologist’s Collection : d’un côté le groupe de sculptures en bronze peintes en blanc, de 2001-2003, de dimensions variables, présentées comme des trouvailles archéologiques et accompagnées d’une série de photos.
De l’autre côté, huit grandes sculptures en bronze, de 2008-2009, de taille humaine, fragmentées, reprenant les mêmes personnages que les petites sculptures en bronze peint, comme l’athlète, le jeune marin, le garde-frontières. Les personnages incarnent les nombreux monuments que l’on trouvait partout en Russie sous le régime communiste et démontrent une idéologie aliénante et un monde soviétique mythique. Grisha Bruskin a enterré ces statues pendant plusieurs mois en Italie afin qu’elles prennent la patine des sculptures d’une civilisation perdue qui viennent d’être découvertes.
Elles représentent aussi les vestiges symboliques de l’Union Soviétique dissoute. Boris Groys, note dans l’ouvrage « Grisha Bruskin : Archaeologist’s collection », publié en 2014 : « Bruskin comme tout véritable artiste tente de ne pas oublier et importe le passé dans la contemporanéité. Mais comme un artiste moderne, il sait que cette opération n’est possible que si le passé n’est pas simplement copié ou ravivé mais présenté dans une forme endommagé, déformée—le processus de l’oubli est allégoriquement représenté par les signes visibles de la fragmentation et de la décomposition. »