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CHAPITRE 58 (Part V) : Gilbert Pedinielli

Suite et fin de la chronique de France Delville...

Exposition au MAMAC (1995) : « Séries 1/1/1 »

Conquête de l’Espace

Alors ce furent « Fin de séries noires » au MAMAC dont le Conservateur, le regretté Pierre Chaigneau, écrivit dans la préface du catalogue :
Gilbert Pedinielli pense avec juste raison que notre civilisation est imprégnée en permanence du caractère de la nouveauté, qui naturellement se banalise très vite, afin de disparaître dans le commun de la vie quotidienne.
De ce fait sa recherche plastique prend plaisir à se répéter sur une durée constante à travers ses séries guerrières, des « Lances », des « Piques », des « Femmes en guerre ». Afin que le spectateur ne puisse pas oublier la prégnance de ses sculptures, il les aligne dans une multiplicité tridimensionnelle de façon que leur présence soit envahissante le long du mur. L’ordre, bien défini mathématiquement parlant, crée ainsi un univers de l’esthétique de la rigueur. Ces femmes de guerre ne se contentent pas de la surface du mur, elles aiment prendre possession des angles des salles, référence à certains Constructivistes russes. Mais lorsqu’elles s’agitent d’une manière apparemment désordonnée dans l’ordre déployé du combat en s’entremêlant, en se choquant, en se resserrant avant de charger, elles forment plastiquement une concentration de la verticalité qui représente une synthèse du cubisme, du constructivisme que l’on retrouve dans toutes ses lignes qui offrent une multitude infinie de plans.
Ce travail nous amène à la rencontre des grandes batailles célèbres de l’histoire que l’on retrouve dans les livres d’art, des hoplites de la Grèce classique aux Armées du Premier Empire, en passant d’Uccello à Velasquez. La conquête de cette verticalité est incontournable prenant possession de la trajectoire. Ces lances, s’alignent, s’enroulent, se serrent pour devenir incisives, elles s’imposent en zigzaguant, en devenant pénétrantes, terrassantes, écrasantes et mutilantes pour la gloire de l’histoire répétitive de notre civilisation et de la conquête de l’Espace par les artistes. (P. R. Chaigneau, Conservateur du Musée d’Art moderne et d’Art Contemporain de Nice)

Exposition au MAMAC (1995) : « Séries 34/34/35 »

Femmes en guerre ?

Mais qui étaient ces « femmes en guerre », et pourquoi ?
... Elles attendent quand même, dit-il, le prince charmant du XXIème siècle.
... Femmes en guerre ? Si tu ne sais pas, elles savent.
... En arrêt devant la chose énorme, elle médite sur des pensées surannées.
... Les femmes en colère me laissent aux yeux un arrière goût de café brûlé.
... « Oui, peut être, parce qu’en Corse, la passion est partout sauf dans l’amour ».
... Qu’elle soit du signe du cerceau ou du lion, la battante bloque ses désirs à la limite des rivages.
... Malgré les tensions ancestrales et à cause de la chaleur, retirons au moins au voile le noir.
... Raisonnable, raisonnable, est ce bien raisonnable une vie en rêve sans présent ?
... La maîtresse d’école doit freiner ses ardeurs encyclopédiques.
... L’entière vie passée fait toujours contrepoids aux sentiments.
… Est ce que le printemps précoce pousse à l’enfantement des idées ?
… La romaine était frisée devant les grilles entrebâillées.
... Les désenchantements réitérés conduisent à la prise de voile en toute circonstance.
... Est il plus facile de sortir de la cuisine tous les jours ou d’entrer une fois pour toutes dans l’Histoire ?
... Les filles grandissent trop vite pour les mères.
... Tracer une ligne droite rapide et lisse telle la pensée, rigide, épaisse et binaire comme l’action première, elles voulaient.
... Elle disait : « Le monde dur ne m’a pas changée, je suis toujours la jeune fille romantique. Tout autour, les châteaux en Espagne devenaient auberges, les chevaux facteurs étaient remplacés par des engins causeurs orbités et pourtant, elle allait mourir dans le XXIème siècle.
... Je pense à cet instant irisé où tu marcheras en mon corps, dans son ombre, puis tu frotteras tes pieds sur nos mémoires.
... Quand je verrais sur la terre l’empreinte, la douleur sera là, devant moi. Alors l’absence me laissera projeter en toute liberté sa vie neuve sans contrainte.
... Les femmes romanes, voûtées à force d’être clef de voûte, une fois n’est pas coutume, se reposaient à l’ombre, produit de leur labeur. Elles fredonnaient répétant l’air aigu appris en même temps que la parole. (Gilbert Pedinielli)

Lances dans la forêt

Et là, évidemment, quand Raphaël Monticelli s’en mêle, et surtout pour parler des femmes, c’est un régal qui vient s’ajouter. Ainsi de ce « Pythique » étrange, où les arcs d’éventuelles Amazones sembleraient se transformer en parenthèses, en silences qu’un célèbre psychanalyste nommerait peut-être jouissance autre……

Femmes en guerre n°10 & 1 (1991) Musée d’Art Contemporain de Nice


PYTHIQUE
à Gilbert Pédinielli
LES DÉFERLANTES

1
Ailes mes yeux ouverts ma vie
mon souffle au matin s’étend
mon souffle au matin s’éve( )
antiques voix de bronze
entre nuit et clarté le vent
mon souffle au matin s’éprend
( ) ailes lèvent l’ombre creuse
ailes mes yeux ouverts ma vie
antiques voix de bronze
soleil ( ) aveugle le jour vient
entre nuit et clarté le vent
voix douces et bronzées des femmes
antiques voix ( ) bronze
( ) vent ( ) bruit des feuilles
mon souffle au matin s’envole
ailes mes yeux ouverts ma vie
( ) lèvent l’ombre creuse
doux bruit de bronze ( ) vos voix
( ) le jour vient
doux bruit de bronze ( )
( ) l’ombre creuse
( ) l’heure est chargée de rêves pâles
entre nuit et clarté ( )
dressée tendue j’inspire et je parle
ailes de mes yeux ouverts ma vie

2
l’air qui s’apaise les chants sourds
voix douces et bronzées des femmes
mon souffle ( ) s’éveille
antique voix de bronze
le vent le bruit des feuilles
( ) m’étouffe et ( ) tord
s’apaisent les chants sourds
voix de bronze des femmes en guerre
le vent le bruit des feuilles
ce qui me tord ce qui me brûle
( ) allié aveugle le jour point
forces cachées qui m’étouffent
d’antiques voix de bronze
m’engagent à l’ardeur des luttes
doux bruit de bronze de vos voix
je crie je chante l’espace file
mon souffle au matin ( )
armes fourb( ) flèches regards lances
les ailes lèvent l’ombre creuse
armes ongles dents
voix fortes et bronzées des ( )
heure chargée encore de ( )
l’air qui résonne de chants sourds
entre nuit et clarté le vent
ailes mes yeux ouverts ma vie
dressée tendue j’inspire et crie mon chant

Raphaël Monticelli (extrait)

Femmes en guerre (1991) Installation en atelier, Métaux et peintures

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