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Gérard Eli, plasticien, sculpteur

Un grand-père architecte, un père ébéniste, et en héritage, un amour du bois depuis l’enfance qui ont naturellement conduit Gérard Eli à œuvrer avec ce matériau naturel qui l’accompagne toujours.

Très jeune, dans l’atelier de son père, les « tombés » de bois lui servaient de lego

Il les assemblait pour en faire toutes sortes de jouets, acquérant dès l’enfance une maîtrise technique et une science qui ira crescendo. Toujours curieux de faire, il apprend les essences, les qualités et défauts des différents types de bois, comment les ajuster, les coller, et les transformer en jouets.

Depuis l’âge de quatre ans, il « dessine » des écritures en remplissant des feuilles de papier de signes illisibles imitant des lignes de textes, une activité qui va persister et se développer dans ses œuvres jusqu’à nos jours.
Le geste d’écrire est fondamental. Très jeune, il participe à un concours organisé par Télé Monte-Carlo où il fallait écrire la fable de La Fontaine du « Meunier son fils et l’âne » avec la plus petite écriture possible, de la taille d’un timbre poste. Il n’a pas gagné mais a été compté parmi les finalistes.

Un voilier trois mats, en maquette - © Gérard Eli

Dès son plus jeune âge, il réalise de petites maquettes à partir de pinces à linge, de bouchons de liège et de carton : drakkars, galères, caravelles, galions. À l’âge de sept ans, il réalise sa première œuvre : un voilier (trois mâts) qui fait penser au vaisseau La Licorne de Tintin, entièrement construit en allumettes et dont tous les éléments (mâts, voilages, cordages, canons, etc.) sont façonnés un à un.

Les maquettes de bateaux qu’il fabrique ensuite vont l’occuper et l’instruire sur l’histoire de la navigation et de la construction navale. Il s’identifie à Robinson Crusoé dont il lit l’aventure sur un livre de la collection Rouge et Or.

Ses professeurs remarquent la qualité de ses dessins.

Il garde le souvenir de croquis d’animaux préhistoriques inventés, de concours de copie de billets de 5 francs. Son imaginaire était alors peuplé de châteaux-forts, de tournois à cheval, de combats à l’épée ou à la hache. Le cadeau d’une boîte de quatre soldats du moyen âge complètement équipés est resté comme un de ses plus grands souvenirs.

Après ses études secondaires, il acquiert une formation dans le travail du bois et de l’ébénisterie fine, formation enrichie par une connaissance intuitive et intime des matériaux et des techniques.
Pendant vingt ans, il met son savoir-faire au service de particuliers, la plupart du temps dans les villas et appartements les plus prestigieux de la Côte d’Azur.

Comme on dit pour les musiciens qu’ils ont « l’oreille absolue », Gérard Eli possède le « geste universel ». Très concentré sur son travail et perfectionniste, il tente des procédés techniques, invente des agencements étonnants et inattendus.

Sa rencontre avec son épouse Danielle dans les années 1990 va être déterminante et le mettre sur un autre chemin. Psychologue de formation, elle s’intéresse à l’art depuis longtemps, côtoie les artistes, visite les expositions et les musées. Avec elle s’ouvre une nouvelle étape. Le mot art prend une autre signification. Un désir de faire de nouvelles choses s’exprime, il s’autorise à créer, quittant progressivement le monde de l’utile pour créer des œuvres d’art et de design. Ainsi, dans les années 1990, il réalise du mobilier pièce unique et crée des œuvres à mi-chemin entre la sculpture et le mobilier. Il crée des « sculpto-peintures » (tableaux en trois dimensions). Ce concept changera de direction pour une nouvelle appellation : « les MOC ».

©Gérard Eli

Depuis toujours, il déteste le gaspillage et décide d’utiliser l’intégralité de la planche de bois. Il ne récupère rien, utilise tout.

À l’image des constructeurs médiévaux, il se sert des chutes et des tombés de bois et utilise jusqu’aux copeaux et sciures qu’il agglomère, fabriquant ainsi de nouvelles planches qui deviennent œuvres d’art (les « MOC »). A partir de 1995 il développe un nouveau concept : « La Marqueterie Massive » qu’il utilisera dans la conception de mobiliers pièces uniques et de sculptures (voir photos).
Les œuvres de Gérard Eli, toujours composées d’éléments naturels (bois, sciure, copeaux, pigments, terre, etc.) sont parfois complétées et enrichies par des objets ou des matériaux issus de l’industrie (métal, verre, pièces de voitures, pièces de moto, etc.) Elles sont détournées de leur usage afin d’aboutir à des conceptions originales (voir photos).

Le fait de s’intéresser à toutes les expressions plastiques l’amène naturellement à s’orienter vers la céramique dans laquelle il trouve la plasticité qui lui permet de développer de nouvelles formes.
Il donne alors libre cours à son imaginaire et peut déployer tous ses talents, comme si la céramique rassemblait et réunissait toutes les techniques acquises au cours des années.
Il travaille la faïence blanche qu’il enrichit d’émail mat ou brillant et qui se prête parfaitement à un vocabulaire extraordinaire de formes : boules, galets, rouleaux, pliages, pétales, piments, etc., mais aussi des étendues où viennent se poser ces formes particulières et son graphisme évoquant alors des paysages.

© Gérard Eli

On ne sait si c’est la matière céramique ou l’assemblage d’objets, mais un univers médiéval s’impose au regard, faisant penser à Jérôme Bosch ou Brueghel pour le fourmillement de personnages et d’objets différents ou, pour certaines structures, à Miró, Kandinsky, Klee, voire Picasso.
D’autres formes évoquent des instruments de musique : lyres, xylophones, ou même des personnages faisant penser aux Ménines de Velasquez ou à des figures de grotesques.

Toutes les surfaces sont recouvertes par endroits de son écriture fine et serrée associées à un graphisme géométrique de lignes, de rectangles plus ou moins liés entre eux, ou même à des portées musicales inattendues et inconnues. Ces tracés qui s’inscrivent parfois comme des rondes infinies « font penser évidemment à un langage dont on aurait perdu le sens et qui serait à jamais illisible et donc porteur de messages secrets que seul l’auteur est à même de déchiffrer (ou pas)  » (Jean-Claude Giordan). Elles se développent parfois comme des « dessins de téléphone » faits pour pallier à l’impatience ou appuyer un discours.

Avec le temps, l’artiste a développé puissamment son travail céramique en élaborant et en construisant des villes entières qui s’étendent démesurément. Cônes, pyramides, dômes, colonnes, blocs, etc., sont agglutinés comme des immeubles, séparés par des routes ou des champs. On rêve de voir dans un bel espace muséal cette immense cité de céramique.

La ville © Gérard Eli

Photo de Une (détail) ©Gérard Eli

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