Quand Lee Bae, étudiant frais émoulu de l’école des Beaux Arts de Séoul, débarque à Paris, il s’achète un sac de charbon de bois. Parce qu’avec un matériau aussi simple, il allait pouvoir dessiner une semaine entière à peu de frais...
Pour cet artiste, ce médium allait l’emporter pendant trente ans sur tous les autres moyens d’expression. Et voici comment Henri-François Debailleux, le commissaire d’exposition, montre dans Plus de Lumière présentée jusqu’au 17 juin à la fondation Maeght, les potentialités de ce matériau si naturel, très lié au mode de vie des Coréens.
Lee Bae à la Fondation Maeght.
Un ensemble de peintures, sculptures, installations et dessins représentent "vingt ans de tout ce qu’il lui a été possible de faire à partir du seul charbon de bois". Une exposition qui a le mérite de s’inscrire parfaitement dans l’espace de la fondation que Lee Bae, touché par l’architecture du lieu, compare à "un monastère".
La série de descriptions minutieuses des kakis du jardin coréen de Lee Bae montre, dès l’entrée, les qualités d’un dessinateur hors pair.
Toute les œuvres exposées sont du même niveau. Chacune révèle un talent extrêmement sophistiqué qui nous plonge dans un état méditatif heureux comme après la visite d’un lieu sacré.
Un rapport au sacré que l’on retrouve au travers de l’évocation de la nature, dans ces grands arbres dessinés au fusain.
À cheval sur deux cultures
Des installations de troncs brûlés assemblés ou liés entre eux de manière à former de grandes masses sombres sont posés dans des endroits stratégiques du jardin et du musée jusqu’à ce que leur importance et leur couleur modifient notre perception du volume et de la lumière des salles..
Ces installations ont été conçues en Corée. Elles sont arrivées par containers déposés devant la Fondation Maeght, chacune ayant été protégées dans un carton puis réassemblées avec soin.
Lee Bae vit entre les deux pays, entre les deux cultures. Pour le comprendre, il faut se référer au courant "Dansaekhwa", un mouvement né dans les années 60/70 qui rejoint les préoccupations avant-gardistes occidentales de Fluxus, Support-Surface, Art Conceptuel, Arte Povera.
Dans son atelier parisien, il dessine et peint en construisant un univers tour à tour figuratif ou abstrait. Ainsi les collages de morceaux de charbons de bois arrangés à la façon d’une marqueterie sur des toiles de dimensions impressionnantes révélant l’inattendue sensualité du matériau et ses reflets changeants. Ces œuvres s’opposent à ses austères "Landscapes", paysages abstraits qui attirent l’attention sur la matité du charbon de bois. Un mur entier est consacré à des œuvres réalisées en 2017, de gracieux et légers dessins noirs abstraits, coup de crayon surdimensionnés, qui se détachent d’un blanc composé par superpositions de médium qui donne l’impression que ces dessins baignent dans un lait translucide. L’introduction de ce matériau est la seule concession que Lee Bae s’autorise.