VAUDOU D’AFRIQUE : UN CULTE RELIGIEUX ANCIEN
En Occident, peu de sujets sont aussi chargés de mystère et entachés d’incompréhension. Le vaudou est un culte religieux ancien et une tradition philosophique originaire de la « côte
des Esclaves » d’Afrique occidentale.
Aujourd’hui, il est encore pratiqué
de la côte du Togo à l’Ouest du Nigeria.
Avec la traite des esclaves, aux XVIIe
et XVIIIe siècles, ce culte s’est propagé
jusqu’aux Caraïbes ainsi qu’en Amérique
du Nord et du Sud où il s’est mêlé
au catholicisme et à d’autres traditions
religieuses. La cosmogonie vaudou
est organisée autour d’esprits et de figures
d’essence divine, selon une hiérarchie
allant des divinités majeures – qui régissent
la société et les forces de la nature – aux
esprits des ruisseaux, des arbres et des
rochers. Les adeptes du vaudou pensent
qu’il y a un lien entre le monde visible
des vivants et celui, invisible, des esprits,
et que ces mondes peuvent communiquer
par le sacrifice, la prière, la possession
et la divination. Le terme « vaudou »
a connu différentes orthographes au fil
des siècles (vodou, vodun, vaudoun) mais
sa première apparition sous forme
écrite remonte à 1658, dans la Doctrina
christiana, ouvrage rédigé par l’ambassadeur
du roi d’Allada à la cour de Philippe IV
d’Espagne. Ce terme a été traduit de
diverses manières par les spécialistes à
travers l’histoire. Certains ont établi un
lien entre le mot de la langue Ewe vo,
qui signifie « trou » ou « ouverture »
– par rapport à quelque chose de caché,
de secret –, et du, qui désigne des signes
divinatoires ou des messagers. « Vaudou »
signifierait alors « messager de l’invisible ».
Récemment, Suzanne Preston Blier,
professeur à l’université de Harvard, a
suggéré que ce terme pourrait trouver
son origine dans l’expression « se reposer
pour puiser de l’eau » en langue Fon,
à partir des verbes vo (« se reposer »)
et dun (« puiser de l’eau »), signifiant
allégoriquement « la nécessité de rester
calme quelles que soient les difficultés
auxquelles chacun peut être confronté ».
JACQUES KERCHACHE : UN EXPLORATEUR ESTHÈTE
Explorateur et expert autodidacte, Jacques
Kerchache (1942-2001) est célèbre pour
son oeil exigeant et pour sa connaissance
des arts premiers qu’il a développée à
travers ses nombreux voyages en Afrique,
puis en Amérique centrale et en Amérique
du Sud. Dès la seconde moitié des années
1960, il entame une série d’expéditions
sur le continent africain, partant à la
recherche de pièces rares et remarquables
ainsi que des grands artistes qui les ont
créées. C’est à cette époque, lors de ses
premiers voyages dans l’actuelle
République du Bénin, berceau du vaudou,
qu’il reconnaît la puissance esthétique et
l’originalité plastique de la statuaire vaudou
et qu’il commence à réunir ce qui est
devenu aujourd’hui l’une des plus
importantes collections de sculptures
vaudou africaines. Fréquemment sollicité
en tant que conseiller artistique et
commissaire d’exposition, Jacques
Kerchache a fortement encouragé les
musées français à dépasser une approche
essentiellement ethnographique des arts
premiers et à les considérer pour leur
valeur esthétique universelle. C’est à son
initiative que furent créés à Paris en 2000
le pavillon des Sessions du Louvre, dévolu
aux arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie
et des Amériques, et en 2006 le musée
du quai Branly consacré aux arts premiers.
Ce même esprit d’ouverture a également
conduit Jacques Kerchache à collaborer
à de nombreuses reprises avec la
Fondation Cartier, comme conseiller
pour les expositions thématiques
À visage découvert (1992) et être nature (1998)
ou encore en contribuant au cata logue
de l’exposition de l’artiste haïtien
contemporain Patrick Vilaire, Réflexion
sur la mort (1997).
L’EXPOSITION VAUDOU
À la suite de ces collaborations, Jacques
Kerchache et la Fondation Cartier
ont commencé à préparer une exposition
consacrée à la statuaire vaudou africaine,
mais ce projet a été suspendu suite au décès
du collectionneur en 2001.
Pour commémorer le dixième anniversaire
de sa disparition, la Fondation Cartier
réalise l’exposition dont rêvait Jacques
Kerchache. Organisée avec Mme Kamal
Douaoui, qui a été l’épouse de
Jacques Kerchache jusqu’à son décès,
l’exposition dévoile au public cette
fascinante et mystérieuse collection
d’objets vaudou africains.
La scénographie d’Enzo Mari permet
à ces oeuvres impénétrables de prendre
la parole dans une présentation fondée
sur une simplicité empreinte de sobriété
et d’élégance.