"Il suffirait de parler de poétique pour décrire notre travail, or notre propos ne tient pas que de cela puisque l’amour en fait partie.
Le sentiment d’évasion, l’incessant mouvement des formes nous habite, et si dans chaque forme se cache un fond il se pourrait que notre motivation soit l’infini. Notre désir animiste invite le hasard qui construit notre quotidien. Dès lors, la découverte de la Nostalgie de la lumière nous a offert un sujet énigmatique, poétique et politique, à notre travail. Ce film documentaire franco-chilien de Patricio Guzmán juxtapose des moyens de projections visuelles sur le monde et le passé - ce qui les relis - dans un lieu commun : le désert d’Atacama. Situé à trois mille mètres d’altitude, ce désert est une bribe lumineuse et sonore de notre histoire. Tandis que des astronomes étudient l’univers avec les télescopes les plus puissants du monde permettant de voir jusqu’aux galaxies les plus éloignées, d’autres, dont des archéologues et des femmes, scrutent le sol en quête de restes humains ; les disparus sous la dictature Pinochet. Ils sont tout deux des archéologues de terrains différents. Que ce soit dans la transparence du ciel ou dans la sécheresse du sol, chacun cherche son fossile, son étoile, son paysage. Les quêtes et les recherches dans le passé sont difficilement acceptées dans les sociétés qui le protège et le cache quand il est question d’atrocité. Pourtant ce besoin de projection dans le passé est essentiel, c’est une fascination pour l’homme, parce que cela lui échappe autant que ça l’attire.
Par des moyens plastiques divers, dans une quête existentielle de l’instant et de la transformation, nous cherchons ceux qui ont une mémoire et qui peuvent vivre dans le fragile présent. Ici nous parlerons d’entité (matière, objets etc..). Tout les corps qui peuvent devenir médiums par la transformation, « Quand une forme entre dans l’épaisseur de la matière de son récepteur, elle change et elle le change, elle se transforme et elle transforme… on appellera réception toute passion non transformatrice ». Parmi ces médiums il y a le diaphane, qui laisse passer à travers lui les rayons lumineux.
Comme la lumière qui donne vie et qui offre au néant la naissance des étoiles. La faculté réceptive de chaque chose se fait par la lumière. Que ce soit dans la transparence du ciel, ou de la terre, la lumière comme de la clairvoyance nous permettent d’élucider les énigmes de l’espace. Le désert et le ciel sont une porte vers le passé même si on ne sait si on trouvera quelque chose.
Cette nostalgie est comme la tristesse que notre âme possède de ne plus y voir clair. C’est le manque d’une étoile. Cependant, Il s’agit d’offrir à l’âme, un paysage, comme un désert de désir. Une métaphore de ce qu’il y a de plus terrien et terrestre en nous. Brancusi, Giacommeti, ou Caravage ont cette sensualité cosmique qui touche dans le même espace temps, le corps en ce qu’il a de plus enraciné. Chez Borges ou Guzmán dans des styles opposés il y a de la lueur dans l’obscurité, de la lumière dans le noir. On se pose des questions : Comment avons nous été créés et qu’est-ce qui (ou quoi) continue de le faire ? Dans ce néant où seul le passé existe."
Camille Franch Guerra et Evan Gérard