La scénographie, fort pédagogique, nous renseigne sur la manière de travailler de Matisse, en montrant les transformations qui s’opèrent progressivement sur un sujet, et qui donnent lieu à des déclinaisons sérielles, comme celles opérées sur le modèle Jeannette. De cette
manière, le visiteur entre dans la tête du créateur et considère avec étonnement la savante rigueur d’un travail sans cesse remis sur la planche.
Rodin, Bourdelle, Maillol...
Nous avions trop pris l’habitude de dialoguer avec Matisse à travers ses paysages, ses dessins, ses grandes gouaches découpées dans du bleu, du orange, du jaune, du vert des dernières années. Cette exposition décale un brin la vision que nous nous faisons de cet adorateur de la lumière provençale.
Tous les grands artistes sont complets, et Matisse le plus grand d’entre eux, a exploré de nombreux supports. Il faut considérer cet œuvre sculpté, voir comment il répond à l’œuvre peint. Dans son cas, c’est la sculpture qui s’introduit dans la peinture. Une pratique initiée dès le
début de son parcours artistique, et pendant les cinquante ans qui suivirent, commençant avec Rodin à l’école des Beaux Arts, la poursuivant en parallèle de son travail de peintre, non sans avoir jeté des regards sur les sculptures d’Antoine Bourdelle qui fut un des ses maîtres, et plus tard sur celui de Maillol qui fut un des ses amis.
Matisse a toujours cherché à dépasser ses modèles sans essayer de parler le même langage qu’eux. Ses sculptures étaient restées plus ou moins dans l’ombre car, au contraire de sa peinture, elles avaient échappé à la commande publique.
Inspiration d’outre mer
Très complète, l’exposition Métamorphoses montre que Matisse fut un des premiers artistes à accorder de l’intérêt aux objets provenant des colonies et à s’en inspirer pour renouveler la représentation du corps. On y découvre quelques "belles statues nègres" et deux somptueux moucharabiehs. L’exposition se visite d’autant plus agréablement qu’il n’y pas foule et qu’il est facile de respecter la distanciation sociale. Parcourant en solitaire les deux étages qui lui sont consacrés, on en garde cette même impression de luxe ressentie lorsque l’on assiste à une projection privée dans un cinéma.