Jeremy Everett
À l’occasion de ses multiples déplacements, Jeremy Everett enterre des dessins, qu’il va déterrer ensuite au bout d’un certain temps. Ce procédé l’aide à créer ce qu’il appelle des decay drawings, c’est à-dire des dessins de décomposition. Il lui arrive aussi de plonger des journaux et des magazines dans des produits chimiques visqueux, où ils se transforment en oreillers aux formes cristallines.
Ou encore, il frotte à la main des feuilles de vinyle avec des couleurs d’imprimerie (CMJN) pour en faire des tentures murales.
Son exposition personnelle à la galerie Andrew Edlin (Buried Sky) et les oeuvres qu’il a présentées à l’ASS (Asian Song Society) de Terence Koh ont donné un aperçu des divers procédés formels qui constituent ce que l’on pourrait appeler l’art terrestre transcendant d’Everett, un art qui transforme toutes sortes de feuilles par la médiation de la terre et de la chimie. Mais cet art comporte
aussi une dimension tragique, car l’immersion à cœur de ces feuilles leur donne une transcendance qui évoque la métamorphose de la chrysalide.
Du moins le titre Buried Sky (Ciel enterré) peut-il le laisser penser. Les objets, devenus des vestiges de ce qu’ils étaient, obligent le spectateur à imaginer de nouvelles interprétations.
Arnold Mario Dall’O
" Dall’O travaille depuis longtemps sur ce que j’ai appelé les archives
occidentales – des archives d’images, d’objets mémoriels et de vestiges de l’Occident qui créent un lien entre les cultures traditionnelles et l’époque actuelle. En tant qu’artiste, il s’empare des signaux visuels et explore les similitudes fascinantes qui existent entre les symboles. Son travail va totalement dans le sens de la transmigration symbolique (R.Wittkover) et, par conséquent, de la vitalité particulière des icônes et de leurs significations changeantes au fil des siècles, de la manière dont elles prennent leur autonomie à certaines périodes tout en transportant une partie de leur passé, de leur origine. […]
Dall’O s’est rendu compte que l’on pouvait se servir de jouets pour
défendre des positions sérieuses, et aussi que la représentation du
monde invite à l’accumulation, à la quantité. Mais ce n’est pas seulement la dimension pop de la consommation et des supermarchés ; cela va au-delà.
Dans le monde d’aujourd’hui, la guerre est constamment présente, bien qu’elle soit en même temps exorcisée.
La guerre existe mais il ne faut pas qu’on la voie. Les insectes-soldats affluent de tous côtés et s’accrochent à des objets ; ils sont un virus, mais aussi un élément visuel dont l’arme la plus puissante est le nombre. Des milliers d’entre eux, tous pareils. Et dotés d’un éclat galvanoplastique avec des rehauts d’or et d’argent. Ainsi, l’art
serait beauté et splendeur ?
Et pourtant, ils servent aussi de décoration. Si nombreux, tous pareils, leurs rangs forment des motifs visuels comme les formes de feuilles de palmier qui ont souvent orné les bâtiments et leurs intérieurs, les tapis, les objets domestiques".
Valerio Dehò