Avec une poésie certaine, ces images, cadrées jusqu’au moindre détail, nous proposent des fragments ou des paysages urbains ornés de mots, de messages, des déclarations d’envie au ton plutôt amoureux. Sans jamais être gratuits ni descriptifs, les mots défilent, dialoguent, s’imprègnent du lieu où ils prennent vie pour lui répondre délicatement. Le regard de la photographe se fait sentir par un souci de composition d’image, mêlé à la spontanéité engendrée par un acte comme celui d’écrire sur un mur.
Le décor, élément capital pour l’artiste, prend ici une grande importance, aussi par le fait qu’aucun humain n’y figure. La photographe se prend ainsi à jouer de cette absence en choisissant par exemple des espaces où d’autres ont déjà laissé une trace, un graffiti. La craie possédant en revanche un caractère éphémère, la photographie vient sauvegarder ces mots dans le temps. La fragilité de la craie résonne avec celle d’un rendez-vous amoureux, incertain.
Ces images proposent donc un message qui déclare, séduit, invite, appelle, fait rêver son destinataire, invoquant le désir, moteur universel. Ces périples sont peut-être un moyen d’habiter seule ses propres désirs avant le fameux partage et d’emmener loin ses envies, de les laisser s’approprier par d’autres, puisque la rue est à tous. Photographier ces déclarations d’envie aux quatre coins de l’Europe est une façon de ramener des preuves, des témoignages. Franchir les limites. Par ses « missions craie au poing », la photographe nous suggère de nous évader.
On peut sentir à travers ces images l’identité des villes et leurs contrastes, chacune d’elles détenant son ambiance et sa tonalité de mots. Bucarest détient un certain mystère dans lequel vient se placer une fraîcheur amoureuse, l’humidité froide de Copenhague est envahie par plus de sentimentalité, une excitation dansante se loge à Lisbonne, Naples et sa chaleur en pagaille témoigne d’une sensualité enivrante, enfin à travers des lieux parisiens peut-être plus connus, on rêve le rendez-vous...
Prises individuellement, les photographies laissent également envisager d’autres évocations, d’autres interprétations. L’image isolée avec son mot ou groupe de mots donne un autre caractère à la photographie. Les villes et leur Histoire prennent alors d’avantage d’importance.
L’exposition propose une vingtaine d’images tirées en grand format, ainsi qu’un diaporama présentant l’ensemble des images, une trentaine par ville. Une édition limitée de carnets petit format est également réalisée. Respectivement nommés, le bucarestois, le lisboète, le copenhaguois, le napolitain et le parisien.
Samuel Dématraz
Emilie Gafner, née en 1982, franco-suisse, vit et travaille à Paris. Diplômée en 2007 en arts-visuels par l’Ecole cantonale d’Art du Valais en Suisse (avec le prix CIV de la chambre immobilière valaisanne pour son travail de diplôme), elle s’installe en France et complète son parcours par des études de cinéma, suivies d’expériences en assistanat mise en scène sur des tournages de fictions.