Le trompe-l’œil tient, dans la pratique sculpturale de Dominique Ghesquière, un rôle temporisateur beaucoup plus subtil que le spectacle de la peinture illusionniste, à force d’une perspective convaincante et d’imitation minutieuse : un coucher de soleil peint en bout d’impasse, les veines d’un marbre dessinées sur la cheminée.
Ses objets délivrent avec une lente sincérité leur vraie nature, sans crânerie technique, sans malice, et surtout, sans prétendre être autres. Ils ne trompent pas, c’est la réalité des choses qui nous échappe...
– Art Côte d’Azur : Vous présentez actuellement votre exposition « Une pièce aveugle » à la Station, dans la Halle Sud des anciens abattoirs frigorifiques de Nice (NR actuellement en réhabilitation). Vous aimez les lieux étranges comme sources d’inspiration ?
Dominique Gesquière : Je ne recherche pas spécialement les lieux étranges. Celui-ci est effectivement très particulier, et déjà très rempli avant même toute intervention artistique.
– ACA : Comment définiriez-vous votre travail ? On retrouve des objets familiers mais qui composent une Autre réalité…
D.G. : Je fabrique des objets qui ressemblent à ceux qui nous entourent au quotidien ou bien je modifie des objets déjà existants. La matière est très importante dans mon travail.
Ces objets du quotidien reconnaissables et familiers devenus sculptures recomposent une autre réalité. La curiosité suscitée invite à une remémoration de situations déjà rencontrées. Mais ces objets n’appartiennent plus au monde des choses, ils ne fonctionnent plus.L’oeil reconnaît mais l’esprit doute.
Parce qu’ils sont souvent usés, abîmés ou en situation d’usage, ces objets fragilisés offrent une configuration nouvelle où l’affect est matérialisé.
– ACA : Trompe-œil ou illusionnisme dans vos créations ?
D.G. : Mes sculptures ont à voir avec le trompe-l’oeil mais pas seulement. Le trompe-l’oeil tente d’abuser notre perception, il ment et tente par des moyens artificieux de nous faire voir du spectaculaire. Dans mon cas, il ne s’agit pas de cela. Mes objets ne trompent pas, ne mentent pas. Ils sont là sans prétendre être autres.
La matière dans laquelle ils sont faits ressemble à celle d’origine. C’est ce qui crée l’illusion.
Ils sont une invitation à nous arrêter sur ce que nous appelons le réel. Peut-être que c’est la réalité des choses qui nous échappe.
– ACA : La ville vous a-t-elle inspiré ? Aurons-nous droit à une représentation « aberrante » de Nice ?
D.G. : Je ne me suis pas inspirée de la ville car je ne la connaissais pas avant de venir pour la préparation de mon exposition. Mes œuvres sont en général indépendantes du lieu où elles sont montrées. Mais ici j’ai tenu compte du lieu dès le titre de l’exposition « pièce aveugle » qui fait référence à cette salle sans ouverture vers l’extérieur pour d’anciennes raisons fonctionnelles. Et l’une des pièces que je montre fait écho à cette particularité du lieu.
– ACA : Comment un artiste attire son public ? Avez-vous peur d’un éventuel rejet lié à votre perception des choses de la vie courante ?
D.G. : Attirer un public n’est pas ma préoccupation. Des rencontres ont lieu ou pas par l’intermédiaire des oeuvres.