C’est aussi à Buenos Aires que Sofia Arden Quin a réuni un groupe de nouveaux, et jeunes, madistes, et notre curiosité est grande de l’entendre, vendredi, nous en parler. C’est à Buenos Aires qu’elle rencontra Carmelo Arden Quin quelques années avant qu’il ne parte pour Paris en 1948, ils se sont revus au cours des années, et ont fini par se marier, à Savigny il y a quatre ou cinq ans. Dans le clip « Conversations II (Buenos Aires) » Alexandre de la Salle interroge Carmelo sur la ville mythique où il alla en 1938, âgé de 25 ans, rencontrer une vie culturelle intense, animée en grande partie par des artistes fuyant une Europe aux intégrismes montants, Lucio Fontana, Roger Caillois, Stefan Zweig. Sur le bateau qui l’emmenait à Buenos Aires, l’enfant protégé n’avait plus un sou. Mais, riche de nouveaux concepts plastiques, il allait tomber avec frénésie dans la riche ambiance de Buenos Aires, ses cinémas, ses théâtres, ses dancings, son métro, ses tramways roulant toute la nuit, son quartier El Bajo avec ses bars à tangos, et son Café Tortoni, où chantaient les ténors, et son Teatro Colon, étape indispensable pour les plus grands virtuoses. Arden Quin ne voulant plus être aidé par sa famille trouve un travail dans une usine d’emballage de crayons, tout en poursuivant des études de philosophie et de lettres, d’histoire de l’art, et cherchant à rencontrer les artistes, ce qu’il fait par le Teatro de Pueblo, Calle Corientes, tenu par un communiste, Leonidas Barletta, où il rencontre Guy Ponce de Léon, écrivain péruvien, Pablo Becker, poète, Virgilio Basterra, journaliste anarchiste, et Luis Lloret-Castels, Amaury Sarmiento, José Garcia Martinez, etc.. C’est dans la Calle Suipacha que Ponce de Léon leur lit en le traduisant du français « Le bateau ivre », qui fait grande impression sur Arden Quin. « C’était une vraie vie de Bohème, dit-il, nous dormions le jour et roulions notre bosse la nuit. Nous mangions des choses pas chères mais délicieuses, des pizza, des fainá (crêpes de farine de pois chiche), buvions du maté avec des facturas (sortes de croissants) en solde parce que périmés, mais délicieux quand même » Dans les tertulias (cafés littéraires) il rencontre des musiciens d’avant-garde, ceux de Nueva Musica qui joueront dans les expositions Invención, et Madi, et Juan-Carlos Paz, ami de Lucio Fontana, qui avait fait partie d’Abstraction-Création à Paris, et aussi deux disciples de Paz, Daniel Devoto, et Esteban Eitler, qui apprenait un jazz détonant au Bohemien Club, très influencé par Schönberg et l’Ecole de Vienne. C’est aussi au Teatro del Pueblo qu’Arden Quin rencontre Antonio Berni et Lucio Fontana, qui donneraient un coup de main à l’époque d’Arturo. En juin 1939 paraît le premier numéro de « Sinésis » que certains considèrent comme l’ébauche d’Arturo. Le second numéro est prévu pour septembre, la déclaration de guerre en décidera autrement. Le « groupe » Sinésis est composé d’Arden Quin, Guy Ponce de Léon, Pablo Becker, Luis Lloret-Castels, Amaury de Léa (pseudonyme pour Sarmiento), Virgilio Bastera, Roberto Crosa, poète ami d’Arden Quin, Marcos Ferraris, l’éditeur de la revue. L’essai de Ponce de Léon « Digression sur la nécessité de la culture » est écrit en français, et de courts textes du poète mexicain Najera et du japonais Tornonori sont inclus. L’éditorial (ou Message) est signé C. Arden Quin, et, pour la première fois l’un de ses poèmes (sans titre) est imprimé : Les pupilles de l’infini/s’infinisent en tant que telles/brillent dans mes pupilles/sur un azur de lazuli/La vie est endormie/La vie dort-elle
Tout ce temps-là Arden Quin avait fait des allers-et-retours en Uruguay, et en juillet 1939 il fait un voyage spécial pour la première Rétrospective d’Emilio Pettoruti, le plus célèbre cubiste sud-américain, au Cercle des Beaux Arts d’El Subte, salle municipale underground de Montevideo. Au vernissage, il aperçoit un jeune homme de dix-huit ans en train de copier un tableau de Pettoruti avec une remarquable technique. C’est Carlos Maria « Rhod » Rothfuss. En le voyant il pense à la nouvelle revue qui lui trotte par la tête.
Un jour de 1939 Arden Quin a une prémonition concernant sa mère, il la rejoint à Rivera, elle respire difficilement, lui dit qu’elle l’a attendu pour mourir, et une heure après, c’est accompli. Elle meurt l’année de la découverte de la pénicilline par Alexandre Fleming.
En 1940, à Buenos Aires, Arden Quin fréquente toute une bande « d’artistes en herbe qui se prenaient pour des génies », raconte-t-il, « qui parlaient beaucoup, travaillaient peu. La plupart entretenus par leurs parents, mais solidaires quand les autres étaient raides, ils ouvraient la maison familiale pour le week-end, avec de fastueux buffets ».
De passage à Montevideo, c’est là qu’il se voit conseiller par Torres-Garcia l’étude de Summa Artis dont le tome 1 « L’art des peuples Aborigènes » a été écrit par Joan Pijoan, un historien d’art catalan ami de Torres-Garcia. Cela fait grande impression sur Arden Quin. L’art des Arapajo, sur cuir, géométrique, lui fit dire, cinquante ans plus tard : « C’était presque MADI ». Arden Quin déménage dans le centre, Calle Camarones, où il loue une chambre avec un ténor chilien, Miguel Martinez, sans abandonner son job dans l’usine de crayons. Martinez travaille dans une boutique de cuir appartenant aux trois frères Fallik, Juifs hongrois venus de la ville de Kosice. L’un des frères, Fernando, comme Arden Quin est né sur une frontière, entre Hongrie et Tchécoslovaquie, comme lui il a perdu son père tôt (à l’âge de 8 ans), comme lui il a voulu changer de nom, comme lui il a été élevé par un oncle. Présentement il travaille dans la boutique tenue par ses frères aînés. Tout en fabriquant des sacs et autres objets en cuir, Fernando Fallik rêve d’être poète. Son goût pour le chocolat pousse Carmelo et ses amis à l’appeler « Gula » (greed). Et quand il cherche un pseudonyme, Arden Quin transforme Gula en Gyula, « Jules » en hongrois, et, comme nom, suggère « Kosice », son lieu de naissance. Dans son livre « Arte Madi » de 1982, Kosice montrera sa première œuvre « Royi », sculpture articulée, datant de 1944. En 1941 Arden Quin va au Paraguay installer des Maisons du Café pour la Compagnie Sorocabana. Au cours d’un dîner chez les Sarmiento, Carmelo, bilingue, s’était vu proposer par le père d’Amaury et sa sœur Luisita, ambassadeur du Brésil, un travail bien rémunéré dans cette Compagnie, qui veut étendre sa clientèle au Paraguay. Séduit par une autre incursion dans la forêt pluviale, et la possibilité d’étudier les mœurs des Indiens Guaraní, Arden Quin accepte et se retrouve bientôt sur un paddleboat remontant pendant trois jours et trois nuits les fleuves Paraná et Paraguay en direction d’Asunción. Il prend une chambre à l’Hôtel América et découvre que ce qu’on attend de lui n’est encore que virtuel, tout est à faire. Le Paraguay est aussi une dictature, mais Asuncion a du charme avec son architecture coloniale espagnole, et ses Guaranis dont la sensualité et le naturel rappellent à notre peintre les figures de Gauguin. Mais aucune activité culturelle, pas de librairie, pas de journal, pas de théâtre. Il remonte vers Pilar, intensément frappé par la Nature : « Pilar était un endroit d’une incroyable beauté, se souvient-il, avec toutes sortes de fleurs et d’insectes, certains pas encore étiquetés, mais pour moi la chaleur était insupportable. Finalement je quittai le Paraguay à cause de la chaleur et de l’humidité. » En 1941 il fait la connaissance de Godofredo Iommi et Edgar Maldonado « Bayley » qu’il a côtoyé dans les milieux estudiantins d’avant-guerre, et avec qui il va collaborer à la revue El Universitario, et à la Radio del Pueblo. C’est dans la rue qu’ils rencontreront le frère de Bayley, « Pompon », Tomás Maldonado. Et il va au Musée des Sciences Naturelles de Buenos Aires, Le « Bernardino Rivadavia ». « J’avais toujours connu son existence, mais ce n’est que quand j’ai commencé à écrire mon « Manifeste d’Arturo » que j’ai décidé d’y aller. Le Dr Eduardo Casanova, conservateur du Musée, lui montre des céramiques indiennes. « J’ai expliqué au Dr Casanova que tout cet art pré-colombien (Santiago del Estero et Chili du Nord) me fascinait, et il est allé me chercher d’autres pièces faites par les Chaco Santiagos. Je me suis mis à chercher la géométrie dans leur art, elle était partout. Tout l’art primitif est rempli de géométrie, opposé par exemple au tachisme de Michel Tapié. L’expressionnisme abstrait est en fait un concept moderne, une démarche intellectuelle sans aucune racine dans l’histoire humaine ou dans la nature ».
2 - Après cette petite tranche de biographie d’Arden Quin, et en attendant avec impatience les interprétations de Catherine Pinguet sur son œuvre littéraire, venons-en au second hommage prévu, celui rendu « au Nouveau Réalisme et à l’Ecole de Nice »
par la jolie exposition de photos de Frédéric Altmann, en présence de Gilbert Trem du Groupe Bételgeuse dont il sera question dans la dernière partie de cette chronique, consacrée à l’exposition Verdet au CIAC, et de Pierre Marchou qui, le soir du vernissage, après la performance de Jean Mas, présenta son film « A la recherche de l’Ecole de Nice » dans l’auditorium de la Coupole. Ils ont du charme les événements liés à l’Ecole de Nice lorsqu’ils se présentent dans des lieux originaux loin des rumeurs officielles un peu stérilisées et stérilisantes. Lieux originaux qui justement évoquent les débuts de ce Mouvement dans des espaces improvisés, le Provence, la Cédille qui sourit, l’Artistique, le local des Vaguants. Débuts dont Claude Gilli ne cesse de répéter qu’ils sont la vraie Ecole de Nice. Mais rien n’empêche de faire savoir, dans l’après-coup, ce qu’ils savaient si bien faire, et que les fils continuent de faire, avec feu, surtout s’il s’agit de Jean Mas. Dans le cadre du Festival de la Photo Méditerranéenne 2011, le Centre Culturel Gaudois présente « 1961-2011, Du Nouveau réalisme à l’Ecole de Nice », photos puisées dans un fonds de 100.000 négatifs, et traitant cette fois-ci des artistes : Ben, Farhi, Serge III, Gilli, Chubac, Isnard, Restany avec Verdet, Raysse avec Nivèse, Chacallis, Charvolen, Pinoncelli, Venet, Arman, Dolla, Arman et Corice, Venet avec César, Jean Mas, Hains avec Rotella et Villeglé, César avec Niki de Saint-Phalle, Arman et Restany, Altmann et Restany, Nivèse et Serge III, Viallat, le Groupe 70, Spoerri, Saint-Phalle et Jean-Pierre Raynaud, Pagès, Christo. Des galeristes Alexandre de la Salle, Jean Larcade et Jean Ferrero. Des critiques d’art et historiens Jacques Lepage, Pierre Restany, Pierre Descargues, André Parinaud, Otto Hahn, et France Delville.
Frédéric Altmann selon Jacques Lepage
Pour mesurer l’importance de ce qu’apporte Frédéric Altmann avec ses 100.000 clichés, et de la nature de son lien avec l’Ecole de Nice, le mieux est de laisser parler Jacques Lepage : « Frédéric Altmann ce fut dans les années 60 que je le rencontrai, Fred était comédien, il est venu s’engager dans la troupe théâtrale des Vaguants dont j’étais l’administrateur. C’est là qu’Altmann découvrit l’École de Nice. En 1967, lorsque j’exposai à la galerie des Ponchettes Klein, Arman, Raysse, je réalisai alors une présentation de « Documents sur l’École de Nice » dans le lieu d’accueil des Vaguants (sous-sol de l’Artistique, entrée rue Alberti). Altmann, c’est je crois un trait important de son caractère, est curieux : il se plongea dans cette documentation et il devait lui en rester un intérêt vif et permanent pour les artistes fondateurs de cette période et pour leur successeurs. (…) Sa grande expérience lui valut d’être appelé à chroniquer l’art dans le quotidien Nice Matin, c’est-à-dire que tous les niçois l’y ont rencontré ».
Frédéric Altmann selon Ben
Et Ben, le 17 février 1989 : « Un jour on s’apercevra que l’histoire de l’art à partir du XXème siècle s’est faite aussi aux témoignages des photographes. Il y a des photographes qui font de grands discours et ne prennent pas de photos. Il y a des photographes qui se baladent avec leur appareil à zoom sur l’épaule et regardent les femmes droit dans les yeux. Il y a des photographes qui vous parlent de leur objectif, de la lumière, de la profondeur du champ. Il y a des photographes qui ont un Leika qui date de 1945 en or massif. Il y a des photographes dont les appareils font clac ! Et d’autres dont les appareils font schllak…ou blatt ! Parce qu’ils ont un Hazelblat. Altmann, je ne m’étais même pas aperçu qu’il était photographe et voilà que toute l’histoire de la création à Nice est passée par son œil à travers un discret 24 x36. C’est un photographe présent au bon instant mais pas pesant. Un jour donc, pour comprendre la chronologie de la création à Nice il va falloir passer par l’œil d’Altmann ».
Frédéric Altamnn selon André Villers
Quant à André Villers, à Mougins, en mars 1989, il écrivit : « Frédéric Altmann est un des rares parmi ceux qui passent leur vie à mettre en évidence celle des autres. Ce qu’il pratique, et régulièrement, c’est l’altruisme. Il ne s’embarrasse pas de noms connus, mais découvre les valeurs cachées en levant les couvercles, chapeaux et singuliers de l’art. Qu’il s’intéresse à mon travail m’aide à vivre, à continuer. Frédéric est mon ami et j’en suis très fier ».
L’Ecole de Nice et le vice de peindre, selon André Parinaud
Frédéric Altmann qui aime bien les clins d’yeux, non pas gratuits, mais en rapport avec la magie de toutes ces rencontres en arborescence qui ont tissé l’histoire d’une région, a installé, sur les murs de La Coupole, la photo d’André Parinaud à l’endroit même où il a fait sa connaissance un jour de 1990 qui était le vernissage de Jani. André Parinaud qui, en décembre 1972, dans la revue « La Galerie » n°122, écrivit un article sous le titre « L’École de Nice et le vice de peindre ». Un article acide, qui vaut la peine d’y retourner si on aime la polémique, ou l’humour noir : « L’École de Nice est un fait. Arman, Ben, Farhi, Yves Klein, Raysse, Venet, Alocco, Chubac existent. Ils ont même leurs critiques. Je les ai lus. Et leur étiquette historique, le Nouveau Réalisme, mais dans la déjà longue suite des avant-gardes qui se sont succédées depuis un demi-siècle, quelle est son importance ? …il est évident qu’aucun des artistes de l’École de Nice ne « savait » peindre. Sur le plan métier et habileté, ils étaient tous éliminés dans la grande compétition commerciale, et ont su faire de leur maladresse et j’oserai dire de leur incompétence une preuve de leur existence originale. Ils se sont fait reconnaître avec leur défaut comme un drapeau. C’est un critère de l’acte créateur. Ils ont échappé « au métier », au système de sélection, au langage habituel d’expression. Bravo ! Ils ont mis en valeur des notions de jeu qui fuyaient l’art. Ils nous ont amenés à poser sur le monde un autre regard, celui de l’amoureux du soleil et de la mer qui ne songe pas à la culture quand il découvre un paysage ou déshabille une femme. L’École de Nice, c’était un peu l’œil adolescent de la vieille société française qui se voulait alors une virginité. Et c’était drôle, et c’était « vrai ». La page est tournée. Les jeunes gens sont devenus vieux, dans tous les sens du terme. Les découvertes sont devenues des trucs ou des « accumulations de trucs », la fantaisie, un système, et les œuvres des produits commerciaux, des denrées de luxe. Quant au langage, c’est un jargon. Enfin, « les maîtres » ont des suiveurs, disons des complices qui les déshonorent. Il n’y a pas de médiocrité qu’on ne puisse oser. Je me pose la question de savoir s’il ne suffit pas dans la Nice d’aujourd’hui de la rencontre d’un raté et d’une poubelle pour découvrir son « critique d’art » et son mécène. On rivalise dans l’insanité, le barbouillage, la provocation, la bêtise, élevée à la hauteur d’une méthode. Voilà une bannière qui couvre toutes les pourritures C’est-à-dire que le cancer, la fausse culture qui étouffait la vie, que l’œuvre d’art était censée dénoncer en proposant l’antidote, la simplicité, la naïveté, la beauté de la vérité du monde, a gangrené le remède et le pharmacien. Quand dans cette ville qui est le repaire des gangs et des souteneurs, le nommé Bisos expose vingt objets volés par ses soins dans de grands magasins avec les photos preuves de son vol comme certificat d’authenticité et qu’il vend le fruit de ses rapines 300 dollars, qui abuse-t-il ? L’amateur est trop heureux de faire acte de défi social en accrochant dans son salon une casserole volée et de ressentir le délicieux frisson de la complicité pour une amende de 1500 francs qui le fait passer aux yeux de ses relations pour un esprit original. L’École de Nice est vidée de sa substance. Elle a été digérée par le social. C’est une petite mare où s’ébattent des canards en quête de la poule aux œufs d’or. Elle est devenue l’École du vice de peindre, un repaire de truqueurs et de petits faisans qui ramassent les miettes de ce qui aurait pu être un grand repas, une messe moderne de la joie de vivre. La Méditerranée est depuis toujours la source du vrai humanisme ; de la liberté, de la beauté, du plaisir d’être au soleil. Nous sentons tous que notre monde a besoin de se reconnaître dans ses œuvres, sa force, sa virilité, son espoir. Pour l’heure, on nous propose de piétiner dans le fumier, de spéculer sur la vanité et la « connerie ». Il n’y a plus d’École de Nice ! Mais il reste un lieu privilégié sur un coin de terre idéal qui attend d’autres adolescents qui veulent changer de vie et qui comprendront peut-être qu’il ne suffit pas que les enfants de chœur se prennent au sérieux pour être capables de dire la messe. En disant adieu à Nice, je songeais à Picasso qui, depuis le début de ce siècle, est resté le chroniqueur le plus étonnant de son temps sans jamais exploiter les filons qu’il avait mis à jour, précédant toujours, ne s’attardant jamais, prophétique sans emphase, terrible dans sa gaieté, ironique et magistral, secret dans sa gloire pour mieux se garder, et n’oubliant jamais la dignité du métier de peindre. Quelle leçon ! »
Mais il se trouve que l’existence même de l’Ecole de Nice invite à la création, c’est la thèse souventes fois énoncée par Pierre Marchou, et, dans lé fécondité de ce concept, les Laboratoires Asepta de Monaco ont créé une « Eau de Nice », un parfum qui fut offert le soir du vernissage, et dont la jaquette fut conçue par Nivèse dans le style de ses œuvres récentes, des collages aussi structurés que colorés.
Performance-hommage de Jean Mas
La « Performas » fut comme toujours un moment délicieux d’humoristique mise en acte du signifiant. L’un des clips qui accompagnent ce chapitre, consacré au vernissage de la Coupole, en montre quelques moments. En voici le texte :
« Performance de Jean Mas en hommage aux artistes « Du nouveau réalisme et de l’Ecole de Nice », vendredi 30 septembre 2011 dans le cadre de l’exposition de Frédéric Altmann : Sept OFF Festival de la photographie méditerranéenne, Centre Culturel « la Coupole » La Gaude (06) : PERFORMAS. Chers amis, il suffit d’une lettre, de sa présence ou de son absence, pour que les choses changent. Ainsi du dire nous pouvons passer au pire. L’instance de la lettre et son organisation nous conduit ce soir à la boîte. La boite aux lettres, espèce en voie/envoi de disparition, de régression, est là pour marquer que l’importance des artistes « Nouveaux Réalistes » et ceux de « l’Ecole de Nice » est en partie due aux boîtes aux lettres : circulation des informations, du savoir, elles ont, avant l’informatique, permis que s’élabore l’intérêt de l’objet. Espace vide, les boîtes aux lettres par où transite le courrier sont plus qu’un simple contenant. Elles sont un lieu par excellence, c’est-à-dire, dotées d’une existence.
Aussi, chers amis, je vous invite à considérer cette exposition et cette performance anniversaire comme un signet, un signet c’est à dire un marque page qui indique un moment, une étape : la lecture, celle d’un monde. Le monde est à nommer. Il est fait de ceux qui prennent la parole. Si le premier mot est le fait du créateur, le dernier appartient à l’artiste car lui seul signe la fin de son œuvre. Si le monde a été créé, c’est pour qu’on puisse le signer, se l’approprier. L’appropriation c’est de l’art qui accomplit le monde. L’au delà de la lettre est une adresse qui, ici, dans le devenir de notre art, un instant s’arrête en marquant la pause de ceux qui, d’un autre lieu, d’un autre temps, ont insufflé dans le regard du ciel et de la terre et de l’objet, une nouvelle dimension de vie, un rapport nouveau au monde et au regard. Au nom du ciel, de la terre et de l’objet, que les choses soient faites par notre art qui exulte de toute part et au sein duquel nous déployons notre être. Voici maintenant à entendre les 400 coups de l’Ecole de Nice.
Note : Après la déclamation de son texte, Jean Mas rend hommage aux artistes du Nouveau Réalisme et de l’Ecole de Nice en véritable « art-ificier » les boîtes aux lettres se consument en feux d’artifice et pétards.
« Premières phrases de Catherine Mas-Courtadon »
Mais si Frédéric Altmann et Nivèse constituaient déjà un « couple » en Ecole de Nice (comme Tinguely et Niki de Saint-Phalle en Nouveau Réalisme), Jean Mas et Catherine Mas-Courtadon persistent et signent en la matière, en la matière du Peu. Car Catherine signe « Premières phrases », aux Editions Al Dante (Collection Sauvage), avec une postface de Jean Mas,
dont voici les premières lignes : « Cette nouvelle, Premières phrases, fait écho à mon travail avec et sur la lettre p (peu). En effet dans le titre, nous avons là deux p, soit phonétiquement : « de peu ». Cela me suffit pour en dire « un peu plus » sur ce qui s’origine dans ce texte, l’esquisse d’un nouveau rapport au monde ». Mais l’exergue choisie par Catherine n’est pas mal non plus : « Dois-je rappeler cette anecdote bien connue d’un jeune écrivain qui, pour forcer dès le premier mot de son roman l’attention de l’éditeur le plus blasé, écrivait la phrase suivante : « Enfer ! dit- la Duchesse » (Agatha Christie, Le crime du golf). Un petit bijou.
3 - La Cosmogonie verdétienne à l’honneur au « Samedi de Carros » du CIAC
Et le lendemain, organisé par l’Association des Amis du CIAC (Centre International d’Art Contemporain, Château de Carros),
un « Samedi de Carros » célébra l’exposition « Par-delà les frontières du regard », « Un itinéraire choisi autour de la donation André-Verdet ». Le parcours des œuvres fut brillamment commenté par Frédéric Brandi, directeur du CIAC, puis, par la projection d’un film de 25mn, le public put voir André Verdet, animé comme il savait l’être, évoquer les sources de sa vision du monde et de son langage poétique. Ces 25mn étant extraites d’un long dialogue entre André Verdet et Françoise Armengaud filmé dans sa Maison des Remparts de Saint-Paul en octobre 1992, époque de « Verdet pluriel », sa Rétrospective au MAMAC. Spécialiste de son œuvre, Françoise l’entraîna sur les pistes de ce qu’elle appelle à juste titre sa « morale de l’espace », et André lut, pour l’éternité, son fameux poème « L’espace en soi, en soi l’espace » (et de quel sorte d’intrus fut donc pour lui le temps), une hypothèse somptueuse sur l’irruption de « l’être », une rupture dans l’horizon pour le passage de l’un au multiple (Avant que tout se passe/l’espace aurait-il eu/soupcon d’intention/que faille s’est produite/en son infini horizon/et de là sa contraction). C’est la capacité qu’a eu André à créer une cosmogonie, explique Françoise, et dans un langage archaïque, au sens pertinent du terme. Zénon d’Elée fut invoqué, et le taoïsme.
Pierres de vie
« Pierres de vie, Hommage à André Verdet » (Galilée, 1986), ouvrage collectif sous sa houlette, Françoise Armengaud le présente dans le film, déclarant qu’il a fallu au moins trente-quatre auteurs pour tenter de rendre compte des aspects pluriels de l’œuvre d’André. Ils sont entre autres Christian Arthaud, Guy de Bosschère, Pierre Cabanne, Philippe Delache, Jean Forneris, Claude Fournet, Michel Gaudet, Francis Jacques, Pierre Laffite, Jacques Lepage, Edgar Morin, Maurice Nadeau, Jean-Claude Pecker,
Jean-Louis Prat, Jacques Prévert, Katy Rémy, Pierre Restany, Paul-Georges Sansonetti, Gilbert Trem, Giuseppe Ungaretti. Mais l’accent devait être mis sur l’intérêt de certains scientifiques, Philippe Delache, Jean-Claude Pecker, à faire un lien entre les intuitions du poète et certaines modélisations de l’astrophysique en ce qui concerne, en bref, le bing bang. A juste titre la philosophe des sciences du langage met en garde contre les analogies, parallèles ou identifications abusives dans le passage d’un champ à l’autre – la poésie et la science - c’est la question grave de la « commensuration ». A Nice, il y a quelques années, à la Fac de psycho, Jean-Marc Levy-Leblond traita de cette question en concédant que de « brèves rencontres » entre des champs divers sont possibles, mais en toute connaissance de cause, et don avec précaution.
André Verdet et la musique
Dans le film il est évidemment évoqué l’exposition d’André Verdet au Palais de la Découverte en 1985, qui fut accompagnée de la musique stellaire de Jon Anderson, mention aussi bien sûr sur Groupe Bételgeuse (auquel appartint Frédéric Altmann), chef d’orchestre Gilbert Trem. Dans « Pierres de vie » sous le titre « André verdet et le jazz poétique de Bételgeuse » un dialogue entre Françoise et Gilbert Trem est un précieux témoignage historique :
Françoise ARMENGAUD - André Verdet est le créateur d’une forme originale de récital concert, où ses poèmes « rencontrent » la musique que vous même, Gilbert Trem, composez, et que vous jouez avec le groupe Bételgeuse.
Comment cette collaboration a t elle vu le jour ?
Gilbert TREM - L’idée de former un groupe a été suggérée à André par Bill Wyman,
le bassiste des Rolling Stones. Or il y avait déjà un groupe de jeunes musiciens qui jouait sur la côte. Mais devant les exigences inédites de la collaboration avec un poète, certains se sont retirés. Moi, le projet me passionnait et j’ai réuni un nouveau groupe. Depuis, cela marche...
F.A. Étiez vous d’emblée accordés à la sensibilité, je ne dis pas poétique, mais musicale, d’André Verdet ?
G.T. Certainement. C’est une sensibilité très moderne. Il a aimé le free jazz. Il l’a même suivi de très près dans les années 60 70. Il a écrit des articles dans des revues de jazz, notamment sur Albert Ayler. Il aime aussi bien la musique progressive anglaise, le groupe Yes, que les Rolling Stones. C’est un ami de Jon Anderson et de Bill Wyman.
F.A. Ce que vous faites ne ressemble pas du tout à de la musique d’accompagnement. C’est quelque chose d’autonome, de plus exigeant.
G.T. Je l’espère. Je travaille sur le texte, à partir de lui, mais ce n’est pas pour le suivre ou le souligner. Certes il arrive à la musique d’aller dans le même sens que le texte. Or, tout aussi souvent, elle semble aller à l’encontre comme pour mieux le propulser en avant... Et parfois elle n’a rien à voir avec le texte !
F.A. Le premier disque réalisé, c’est Picasso Blues. Comment le caractérisez vous ?
G.T. Compte tenu de l’ensemble de poèmes présents dans ce disque : les Heures de Buchenwald, les Complaintes, la Ballade pour Vincent Van Gogh, l’épopée cosmique et historique De quel passé pour quel futur ?, je ne sais si on s’est suffisamment rendu compte de son aspect sombre et tragique.
F.A. Absolument. Pensons au poème qui a fourni le titre : Picasso Blues, poème écrit le lendemain de la mort de Picasso, très sculptural, très mythique, très espagnol dans l’esprit de Garcia Lorca, que le public a baptisé le « poème frisson ».
G.T. Nous le connaissons tous par cœur : En ce matin du 8 avril 1973/A 1lh45/Pablo Picasso a pris forme immobile...
F.A. Le second disque, Fernand Léger compagnon du futur, est plutôt empreint d’une vigoureuse et tonique allégresse. Comment avez vous travaillé ?
G.T. André m’avait emmené au musée Fernand Léger à Biot. Nous avons beaucoup parlé. Je me suis imprégné de l’at¬mosphère de sa peinture. Un va et vient entre les toiles et les poèmes d’André, les Songes de Fernand Léger.
F.A. Léger aimait beaucoup les cuivres...
G.T. Oui, à certains moments, lorsque Marcel Abad, le saxo, s’avance seul, j’aime à croire qu’à travers son interprétation, quelque chose nous revient de la voix de Léger : L’espace blanc de la toile/J’y vois un mur/Blanc/Monumental et blanc/J’y vois une ville des palais/Blancs/ Monumentaux et blancs...
F.A. Avez vous ressenti l’amitié qui liait Verdet à Picasso et à Léger ?
G.T. C’est vrai qu’à travers la personne et les récits d’André, comme à travers ses écrits, on a un sentiment de contact direct et vivant avec ces peintres. Picasso semble avoir été pour lui un frère. De Léger il ne parle pas dans les mêmes termes. Il dit sa gentillesse, sa générosité. « Il a été pour moi comme un père », m’a confié André.
F.A. Travailler avec André Verdet, quelle sorte d’aventure est ce ?
G.T. L’aventure de la création prend une dimension supplémentaire lorsqu’il s’agit d’une collaboration de longue haleine, où chacun prend sur soi pour s’ajuster sur l’autre. Une co création donne davantage le sentiment de participer à quelque chose d’unique, en dehors de tout ce qui se fait. Notre expérience est d’ailleurs vraiment une expérience en marge du monde musical habituel. Pour ce qui est de l’aspect personnel, avec André, j’ai le sentiment d’une confrontation exigeante d’homme à homme, sans concession. Un rapport de confiance et de sincérité, y compris dans le conflit. On ressent aussi très fortement la tension pour un dépassement vers l’œuvre commune.
F.A. - Des difficultés par suite de la différence d’âge ?
G.T. – Aucune ! Peut être d’abord parce que nous sommes des professionnels. Nous construisons un objet, nous ne confron¬tons pas des opinions ou des manières de vivre. Et surtout à cause de la personnalité d’André. Nous sommes très proches, de plain-¬pied avec lui, nous nous parlons comme des copains. Il a l’âge de ses interlocuteurs...
F.A. C’est ainsi qu’il perpétue la juvénilité de l’adolescence ! Cela jette une certaine lumière, partielle sans doute, sur un propos de Cocteau lors d’une des premières expositions : « C’est un départ qui ressemble étrangement à une arrivée. » Verdet a une sorte de qualité étanche qui traverse le temps sans en être altérée, tout en étant tension, mobilité, métamor¬phose, inquiétude. Il mène chaque jour une lutte contre le temps, dit son ami Louis Nucéra.
G.T. Oui, toujours sur le qui vive. On s’attend à tout. Il a le jaillissement créatif permanent, instant et urgent ! Les autres doivent suivre... Il me téléphone : « J’ai un nouveau poème. » Il me le lit. Je dois composer quelque chose tout de suite, le lui présenter au plus vite... Il a aussi une manière bien à lui d’aller droit au but. Un côté aigu, aiguisé, impérieux. Une volonté extraordinaire dans la mise en œuvre des moyens. En outre, il nous fait une confiance totale et il s’assoit sur cette confiance pour demander l’impos¬sible !... Une erreur, une défaillance, un relâchement, provoquent des colères assez terribles, des « coups de gueule », d’éphémères virulences dans le reproche et la détestation. On se fâche, puis on rit et on se réconcilie. C’est le côté méditerranéen, le côté Pagnol, qui affleure de temps à autre... Mais ce qui m’intéresse le plus, en lui, c’est l’artiste. Celui qui met l’œil sur quelque chose que personne n’avait vu. Je trouve ce trait surtout dans Provence noire : on perçoit vraiment sa vision des choses. Il est très vrai là dedans. On y sent son cœur. Comme lorsqu’on discute avec lui de choses et d’autres apparemment futiles, de cuisine, de plantes. On est alors direc¬tement dans sa sensibilité. Le « plus » qu’il y a dans sa poésie passe aussi dans le contact et l’échange.
F.A. Vous êtes vous même un Provençal, Gilbert Trem. Ressentez vous fortement l’enracinement provençal d’André Verdet ?
G.T. – Absolument ! Les paysages, les arbres, les gens, les bêtes, tout ! La Provence et Saint Paul. Prévert a donné une image d’André très accrochée à Saint Paul. C’est vrai qu’il est le fils de Saint Paul et il a beaucoup fait pour lui. Vous savez que naguère c’était un village en ruine. En même temps, il s’est un peu marginalisé comme poète. Très actif et très présent, mais avec une certaine distance. Il n’est pas du tout rivé à Saint-Paul. Il a su se dépatouiller de sa province. (Vence, le 5 juillet 1985)
Le 8 juillet 1983 au soir, château de Roquebrune. La nuit est sombre. Le ciel est pur. Un beau ciel de Provence fabuleusement constellé. Myriades d’étoiles. Le souffle de la mer est proche. La montagne tutélaire nous adosse. Tout comme les spectateurs, la Nature est prête à offrir à une grande poésie cosmique l’hospitalité de la « trace » et de l’« écho ». L’orchestre est en place. Musiciens vêtus de blanc. Gilbert Trem en pantalon rouge et maillot d’Arlequin. Et André Verdet ? Alain Lambert l’a présenté en évoquant le dieu Mercure, sa rapidité, sa fluidité, son indépendance. « Le côté insaisissable, l’attraction exercée ».Il est là sous les projecteurs. Fine silhouette et athlétique aplomb. Élégant et remuant. Frémissant de vivacité et assumant avec feu, avec noblesse, sa dignité de proférateur du Verbe. Avec gentillesse, il n’impose pas son programme. Il justifie la présence de chaque poème par quelques mots d’explication. Il dédie ces poèmes aux amis présents. Accord des deux récitants. Envoûtement de la voix d’airain, grave et étale, de Frédéric Altmann. C’est la voix relais, qui alterne avec la voix source : Celle d’André Verdet. Une voix d’orgue et de hautbois, multitonale, veinée de sensibilité, irradiée d’affects... Les deux voix se lancent, vibrantes, à l’assaut des mondes et longtemps résonnent.
Deux ans plus tard, les 4, 5 et 6 juin 1985. Dans ce « temple » cosmique : le planétarium du palais de la Découverte, en présence de personnalités du monde des Sciences, des arts, de la médecine, accueillies par Jean Claude Pecker, président du comité d’Astronomie, sous les auspices de qui s’est organisée la manifestation. Michel Hulin, directeur du Palais, remercie le poète de rappeler que « sur les marges de notre savoir d’autres perceptions demeurent nécessaires et d’autres émerveillements demeurent pos¬sibles ». André Verdet nous fait entendre, « par sa voix », ces espaces « traversés de neutrinos, quadrillés d’années lumiere, et qui ne demandaient peut être qu’à nous parler »...
Spectacle total. Un argument de Philippe Delache agence les poèmes du Ciel et son fant6me et de L’obscur et l’ouvert. Tableaux, gouaches et dessins des « Cosmogonies » du poète¬-peintre s’illuminent aux quatre points cardinaux de la mouvante voûte étoilée du planétarium, animée par Gérard Oudenot. La grisaille d’une Terre « amorphe » et « sans vert ni bleu » fait place à des figures de vie commençante. Aigue marine. Rouge solaire. Couleurs insolites en écho à l’indicible au delà des mots. Des féeries d’arabesques. Un graphisme dont la volcanique énergie conjoint le tellurique et le stellaire. L’œil et le souffle verdétiens planent tels ceux d’un démiurge... Les assistants baignent dans la « musique des sphères ». Une joie intellectuelle et esthétique peu ordinaire les a saisis.
Oratorio cosmologique en deux parties : « L’Ombre d’une étoile », musique de Gilbert Trem ; « Le ciel et son fantôme », musique de Jon Anderson. Nerveuse, terrienne, aux rythmes contrastés, capable tour à tour de violence et de trouvailles d’une pudique tendresse, la musique de Trem semble refléter les vicissitudes de l’humain en débat existentiel et spéculatif avec le cosmos. Le saxophoniste Marcel Abad crée la surprise, en finale, en « dialoguant » avec les « récitants » André Verdet et Frédéric Altmann.
Enthousiasmé par sa lecture du Ciel et son fant6me, Jon Anderson a composé The Sky and bis Shadow : une musique planante, qui nous emporte vers des espaces visionnaires, et dont le phrasé mélodique se déploie en longues houles sidérales, s’élève comme la galactique spirale d’un perpétuel recommencement, le flux et le reflux de l’« incessant univers »... Une musique claire et cristalline, avec dans son sillage un bleu parfum d’enfance et de pureté, l’aura d’une nostalgie magnanime et consolée.
Battement du cœur, envol de l’âme. Deux musiques. Deux philosophies du temps. (…) Ne les fallait-il tous deux pour soutenir cette compagnie des hauteurs avec la pensée complexe d’André Verdet ? »
Senzemon
En écho avec l’aveu d’André Verdet d’être peut-être un « taoïste », Madame Eveline Caduc, présidente de l’Association des Amis d’André Verdet rappela le succès du spectacle organisé cet été en solidarité avec le Japon : « Senzemon ». Danses et chants traditionnels des fêtes de la nature par le comédien-chanteur-musicien-danseur japonais Senzemon (nom qui signifie « légumes frais cueillis dans le jardin », et dont la performance fit vibrer la poésie naturelle des paysans japonais, leur ardeur au travail, leur amour de la terre « malgré toutes les catastrophes ».