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CHAPITRE 46 (part V) : Des nouvelles de MADI

Suite et fin de la chronique de France Delville, dédiée cette semaine au mouvement MADI...

Bolivar Dans le processus de l’exposition « MADI. OLTRE LO SPAZIO » à la Galleria Monteleone de Palermo, en association avec la GALLERIA MAReLIA de Bergamo (directrice Paola Silvia Ubali), et la GALERIE ALLER SIMPLE de Champlan, Paris, France (directrice Catherine Topall), une interview de Bolivar fut réalisée par Cristina Costanzo, où, une fois de plus, celui-ci manifeste sa fidélité aux principes fondateurs de MADI, démontre qu’il ne cède pas sur eux, et paye de sa personne pour les exprimer et les défendre.

Bolivar : « Synchromie madiforme » (1988)
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L’absence de Carmelo rend encore plus nécessaire ce travail de transmission. Né à Salto (Uruguay) le 24 juin 1932, il a fréquenté les Beaux-Arts de Salto et Montevideo. A l’âge de vingt ans, il y expose sur la voie publique, ce qui est plutôt insolite à cette époque et en ce lieu. En 1956 il montre ses œuvres au Café « Tupi-namba » de Montevideo, puis, en 1959 à l’Association H. Quiroga de Salto. En 1961 il participe à « Cent ans de peinture uruguayenne depuis Blanès », ce qui semble marquer une rupture avec une tradition parfaitement académique. Juan Manuel Blanès est l’orgueil de l’Uruguay : né à Montevideo en 1830, et passionné de dessin depuis toujours, il va aller en Europe grâce à une bourse du gouvernement pour apprendre à Florence la peinture classique, et, de retour à Montevideo en 1864, réaliser toute une série de tableaux historiques. Sa réputation va s’étendre jusqu’à Buenos Aires et Santiago du Chili. Ses thèmes sont l’Histoire (il fut le portraitiste des héros de l’indépendance uruguayenne José Artigas, Fructuoso Rivera… auteur de la plus importante galerie de héros montevidéens. On l’a appelé peintre de la patrie, mais il est aussi le peintre des paysages et gauchos d’Uruguay, c’est-à-dire ses contemporains, son monde, rien d’exotique. Et toujours dans le style académique.

Quand Bolivar arrive à Paris en 1963, il a entendu parler de Carmelo Arden Quin et de son œuvre, mais c’est l’enseignement de Torrès-Garcia qui a principalement sollicité son attention. Dans un chapitre précédent, consacré à Bolivar, j’ai publié le récit qu’il nous a fait en 1988 à Saint-Paul de ses origines « charrua », sous le titre « Charruas, race maudite », et qui commence ainsi : « Je suis né‚ à Salto, Uruguay en 1932, d’ascendance française du côté de mon père, mon nom de famille est Gaudin, et par ma mère je suis d’origine indienne, tribu des Charruas. Les Indiens d’Uruguay ont été exterminés en 1832, et on en a amené quatre à Paris pour les exhiber : puis on en a fait des moulages en plâtre, qui se trouvent aujourd’hui au Musée de l’Homme », etc. L’enseignement de Torrès-Garcia évidemment le relie à Arden Quin sans qu’il le sache, eu égard à l’origine mythique de l’invention de la polygonalité par Arden Quin : la fameuse conférence de Torrès-Garcia au palais Diaz de Montevideo en 1935 qui fut un choc pour Carmelo, et lui fit entamé la fenêtre orthogonale. Arrivé à Paris en 1963, Bolivar ne va cesser d’y exposer, ainsi qu’en Suisse, Espagne, Italie, Amérique latine, et, à Paris, dans des Salons de Peinture sud-américaine, jusqu’à qu’il rencontre Arden Quin en février 1977, rue Beaubourg, alors que tous deux y exposent : Bolivar à la galerie Marguerite Lamy, 4 rue Beaubourg, et Carmelo, un peu plus loin, à la galerie Quincampoix de Natalie Serroussi et Claude Ferrand-Eynard, 55 Rue Quincampoix. Ils vont nouer une relation « madiste » qui va s’établir définitivement en 1980, et en 1983 tous deux vont exposer avec Faïf à l’Unesco Paris. A partir de là, Carmelo Arden Quin va entraîner Bolivar dans la série « Madi maintenant/Madi adesso qu’il organise en 1984 avec Alexandre de la Salle, d’abord à la galerie de Saint-Paul, puis à Côme, puis à Turin, puis à Paris chez Jacques Donguy. Cette exposition itinérante réunit Belleudy, Caral, Bolivar, Chubac, Dancy, da Costa, Humblot, Faïf, Lapeyrère, Luquet, Pasquer, Presta, Rivkin, Sulic et (hors catalogue) Roitman.

Et Bolivar va participer à beaucoup d’autres manifestations organisées par la Galerie de la Salle chez elle ou ailleurs, ou en lien avec elle, par exemple en 1986, invitation de la galerie de la Salle (Belleudy, Bolivar, Caldarelli, Contemorra, Decq, FaÏf, Faucon, Franzi, Gasquet, Lapeyrère, Lemercier, Lex Caral, Luquet, Mancino, Pasquer, Presta, Scherrer, Sulic, Arden Quin) à la Galerie Sincron à Brescia, puis, en 1988, sous le titre « Abstraction géométrique », une exposition avec Arden Quin, Chubac, Decq, Garcia Rossi, Garibbo, Leppien, Nemours… Il y aura un « retour » : la Galerie Sincron à la Galerie de la salle, en 1987, entre autres Pinna et Presta, invités d’honneur : Carmelo Arden Quin et Bruno Munari. En 1989, la Galerie Alexandre de la Salle fait à Bolivar une exposition individuelle intitulée « Structures murales ». Et il fera partie des « 5 peintres MADI » (Bolivar, Caral, Decq, Girodon, Le Cousin), en 1990 à la Galerie St Charles de Rose, Paris, exposition organisée par Alexandre de la Salle, qui écrira à ce sujet : « Le choix de ces cinq artistes répondait à une volonté et à une pertinence, tant leurs problématiques se rejoignaient. Ce que la réaction du public confirma jusqu’à la fin de l’exposition ».

Gaël Bourmaud : « Déplacement 3 » (2008) Exposition « Conscience polygonale » (2011)
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Mitsouko Mori : « Pentamorphose » (1998) Exposition « Conscience polygonale » (2011)
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En 1990 à la Galerie Alexandre de la Salle, encore, dans « Ambivalence », Bolivar avec Alocco, Arden Quin, Belleudy, Chubac, Chacallis, Garcia Rossi, Le Cousin, Presta, Rossel, Leppien, Nemours… confrontation dans la diversité, et même l’opposition, mais toujours avec de rigoureux chercheurs en solutions formelles…
En 1992, c’est « Abstraction Géométrique » : Bolivar avec Arden Quin, Belleudy, Blaszko, Caral, Caporicci, Chubac, De Spirt, Decq, Demarco, Desserprit, Faucon, Garcia Rossi, Garibbo, Mélé, Girodon, Jonquières, Le Cousin, Lapeyrère, Leppien, Nemours, Piemonti, Presta, Roitman, Sobrino, Poirot-Matsuda, Le Parc… « Lignes et points, cercles et carrés, couleurs et nombres d’or... agencement précis du Territoire. Statisme et dynamique, larges aplats ou reliefs, monochromes ou sériels, surfaces uniques ou multiples, mouvements suggérés ou réels, procédés picturaux ou électriques, ainsi naît un monde nouveau, supérieur parce que construit et libre. Un ordre du Beau qui ne renvoie à rien d’autre qu’à lui-même… » écrit Alexandre de la Salle.

En 1993, « MOUVEMENT MADI « carMeloArDenquin », avec Arden Quin, Belleudy, Caral, Giraudon, Faucon, Frangi, Garibbo, Piemonti, Presta, Decq, Caporicci, Stempfel, Lapeyrère, Froment… et encore Bolivar.

Dans la masse de textes produite en cette période féconde, ne ratons pas des passages de celui de Carmelo Arden Quin sur Bolivar à l’occasion de son exposition au Centre latino-américain de Paris en 1989 : « Si l’on veut ouvrir de nouvelles voies à la géométrisation picturale, peut-on continuer à subir la contrainte du support orthogonal ? Et bien c’est là qu’intervient la principale des prémisses Madi, et c’est là où prend corps la nouvelle démarche plastique de Bolivar, qui l’amène à réorganiser la couleur sur d’autres surfaces que celle classique de l’unité-rectangle. La surface, il la bouleverse, la diversifie, et cela peut se faire à l’infini, ne serait-ce qu’en déplaçant d’un degré à chaque fois les rapports de proportions des formes. (...) Un second aspect de sa plastique, ce sont les valeurs ; il amoindrit ou rehausse les tons pour mieux les harmoniser avec les teintes des plans voisins, le tout servi par la rigueur et la sobriété de la juxtaposition (…) Un autre aspect encore est celui qui touche au problème de la monochromie. (...) Bolivar avec ses formes planes, blanches, unicolores, pose le problème autrement, et l’on peut dire que maintenant oui le monochrome prend forme. Pour cela la démarche de Bolivar est exemplaire ».

Et, pour revenir à la théorisation de Bolivar, n’oublions pas le texte qui fut le sien dans la revue MADI intitulée « La troisième venue », en 1993 : « Le Madisme est toujours et chaque fois nouvelle MAnière de DIre. M comme mouve¬ment, A comme art abstrait, D comme dimension, I comme invention. Ou Mot Abstrait Discours Inventé. Ou Modernité Abstraction Dynamique Internationale. Dans notre démarche, nous tenons compte des acquis de tous les temps en matière d’art, depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours. Nous ne négligeons aucune de ces données historiques. La madification est une action nouvelle née du fait d’avoir compris l’œuvre comme le lieu où l’on se situe, et du fait de se sentir être là où l’on se trouve, c’est à dire, étant vraiment présent, procédant vers le futur. On le sait, l’espace plastique, comme source, comme support, est inépuisable dans le sens qu’il sera toujours ouvert à de nouvelles expériences, à de nouvelles créations. Notre Mission à nous doit être d’Acquérir la Dimension Inventionniste universelle. Nous devons jalonner notre passage de signes madiques Morphologiquement Abstraits Di¬mensionnellement Incommensurables. Et le jeu de mots revient : Motricité - Activité - Dynamisme - Invention. Nous nous appliquons chaque fois à découvrir une forme nouvelle et à donner à chaque forme nouvelle une valeur originale. Nous nous efforçons de structurer toujours davantage notre langage plastique, évoluant dans le construit et l’universel, avec le sortir du rectangle ; ce qui constitue la règle d’or de notre démarche. Chacun de nous a sa personnalité, son savoir-faire, son style propre, et Madi est le lien qui unit nos particularités.

Encore un peu de MADI aujourd’hui avec :

János FAJÓ (Hongrie), né en 1937 à Orosháza. Vit et travaille à Budapest. Arts Appliqués et Arts Décos de Budapest. En 1966, premières œuvres d’art construit. En 1969 voyage d’études en Europe, rencontre avec Vasarely et Max Bill, puis avec le Mouvement MADI. En 2008, exposition « Mouvement MADI international Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris. Du 16 février au 25 mars, il fut exposé à la Galerie Komart à Berlin.

Exposition János Fajó à la Galerie Komart à Berlin
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János Saxon SZÁSZ (Hongrie), né en 1964 à Tarpa (Hongrie). Vit et travaille à Budapest et à Szokolya (Hongrie). En 1995 co-fondateur et conservateur de l’International MOBILE MADI Museum. En 1998, co-fondateur et éditeur du MADI art-périodical (Budapest). En 2005 directeur de la MTA-MADI Gallery de Györ. En 2008, exposition « Mouvement MADI international
Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris. Géza Pernaczky écrit que « ce que János Saxon Szász comprend sous la notion de poly-dimensionnalité est plus ou moins équivalent à l’idée interdisciplinaire des sciences étudiant les proportions mathématiques et leur visualisation, plus généralement regroupées sous le nom de géométrie fractale ». Du 26 avril au 8 juin 2012, exposition avec István Harasztÿ à la Galleria U, Helsinki.

János Saxon SZÁSZ à la Galleria U, Helsinki
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Fin.

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