Incontournable dans une ville portuaire, une défense Yokohama est un énorme pneumatique qui atténue les chocs entre les navires et les quais.
En prenant pour titre le nom de cet amortisseur, l’exposition se place d’emblée sous le signe d’un objet énigmatique dont la carapace noire et massive évoque une architecture futuriste.
Marie Reinert
Familière des environnements portuaires et industriels qui ont inspiré les derniers films de Marie Reinert, cette bouée se fond dans les interstices des voies maritimes à l’image même de sa pratique artistique.
Depuis la fin des années 1990, l’artiste s’infiltre dans les entrailles du monde du travail et retrace à travers ses films, objets et performances l’expérience d’un corps en immersion dans des lieux clos, souvent inaccessibles au grand public.
À l’occasion de la première grande présentation monographique de son travail, l’exposition Défense Yokohama marque l’engagement d’une oeuvre singulière en constante évolution depuis une quinzaine d’années. Attentive aux mouvements de circulation des hommes, des marchandises et des valeurs boursières, Marie Reinert a déployé son travail autour de la notion de flux, qu’il soit matériel ou immatériel.
Après ses études aux Arts Décoratifs de Strasbourg, l’artiste développe une recherche sur la manifestation corporelle des déplacements humains dans l’espace public qu’elle rend visible à travers des gestes furtifs, néanmoins tangibles. Ancienne sportive au corps discipliné par les entraînements d’athlétisme, elle observe, piste, voire même dévie la trajectoire des travailleurs, piétons et consommateurs pour faire apparaître les traces de leurs actions conditionnées.
Son passage aux ateliers des Laboratoires d’Aubervilliers renforce ses affinités avec la danse contemporaine et la performance, auxquelles s’ajoute son inclination pour la sociologie, l’ergonomie et l’urbanisme.
Après les chantiers de voirie, les gares, les rayonnages de supermarché et les carrefours urbains, Marie Reinert ouvre les portes de territoires plus complexes et difficiles d’accès pour remonter à la source des phénomènes qu’elle retranscrit. Les infiltrations spontanées et clandestines des premières années se transforment en de
longues périodes de résidences qu’elle crée à sa mesure, souvent en marge des réseaux artistiques existants. Des espaces collectifs de négociation à l’organisation intime d’un bureau, ses immersions touchent en plein coeur les rouages vertigineux du monde du travail et de son économie sous-jacente. Ses films et performances
sont le fruit d’une lente observation de lieux fonctionnels, révélant aussi bien les gestes de manutention d’un archiviste que les salles de réunion privées d’une entreprise.
Divisée en trois parties, l’exposition Défense Yokohama pose un regard panoramique sur un ensemble d’oeuvres de la fin des années 1990 jusqu’aux productions les plus récentes.
Dès le début du parcours, une grande installation de trois films plonge le visiteur au
coeur des dernières explorations de l’artiste : l’univers cloisonné d’une banque d’Amsterdam, le paysage industriel du port pétrolier de Fos-sur-Mer et la traversée à bord d’un roulier entre Marseille et Alger. Marie Reinert invente une façon de filmer où le lent travelling d’un western peut rencontrer la caméra go pro des sports extrêmes. Dans cette trilogie inédite, ce n’est plus la trace du flux qui est restituée mais l’expérience physique du cheminement de l’artiste vers son point d’origine, là où corps et machines battent au rythme de la production. Exposés pour la première fois dans leur totalité, les outils d’infiltration, de négociation, de démonstration et de tournage fabriqués à la mesure de son propre corps sont présentés sous la forme d’un inventaire, en écho au principe d’archivage d’une réserve.
Confronter le regard introspectif de l’artiste aux outils de communication des industries, tel est l’enjeu du Plateau multimédia consacré à une programmation continue de films d’entreprises, l’occasion de découvrir une tradition cinématographique largement méconnue du grand public. C’est pourtant un film d’entreprise qui marque l’origine de l’histoire du cinéma, incarnée par la célèbre sortie des ouvrières de l’usine Lumière en 1895. Si ce genre a évolué à l’ombre du cinéma de fiction, il reste le témoin essentiel des bouleversements techniques, économiques et politiques d’un territoire. En hommage aux grands mythes industriels, cette sélection de films, pour beaucoup tournés dans le bassin méditerranéen entre les années 1950 et 1980, révèle la fascinante ambiguïté d’un langage tiraillé entre la contrainte didactique de la commande et la libre célébration des outils de production.
Le dernier plateau du bâtiment a été conçu par Marie Reinert comme un espace d’expérimentation où la monstration de son propre travail dans le Frac est renégociée par de nouveaux protocoles qui remettent en question la finalité de l’oeuvre exposée.
Pendant les mois qui ont précédé le vernissage, l’artiste a rencontré plusieurs entreprises autour d’une question commune : quelle est la valeur de ce que nous produisons ? Ce long processus d’échanges a abouti à une collaboration avec un cabinet d’avocats autour de l’écriture d’une plaidoirie, inspirée par la volonté de l’artiste de faire exister l’art en dehors de son territoire d’usage. Ce geste correspond à une recherche amorcée depuis quelques années sur les modes d’existence et de diffusion de son travail au-delà des circuits institutionnels de l’art contemporain. La nécessité du « retour » de l’oeuvre d’art vers son contexte d’élaboration s’accompagne d’un besoin croissant de repenser la totalité de sa pratique comme un outil conceptuel sans cesse activable et non comme un objet achevé.
Créés il y a 30 ans, les Frac ont pour objectif de constituer des collections publiques d’art contemporain et de soutenir la création artistique.
Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, seul Frac nouvelle génération à être situé en hyper-centre urbain avec un nouveau bâtiment de 5 400 m2 (dont 1000 m2 dédiés aux expositions), accueille sur un même site l’ensemble des activités correspondant à ses missions : acquisitions, diffusion et médiation.
La collection du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur est constituée de 1016 oeuvres de 440 artistes internationaux.
Le Fonds régional d’art contemporain est financé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le ministère de la Culture et de la communication / Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il est membre de Platform, regroupement des Fonds régionaux d’art contemporain et membre fondateur du réseau Marseille Expos.
Mécènes du Sud est un collectif créé en 2003, né de la volonté d’entreprises du territoire Aix-Marseille de soutenir la création artistique contemporaine.
En apportant non seulement une contribution financière, mais en accompagnant également le développement des projets lauréats, elles ont la conviction, légitime, de nourrir la culture de leur entreprise et de valoriser leur territoire. Plus de 85 projets ont été soutenus, sélectionnés par un Comité Artistique de personnalités du monde de l’art. Le collectif réunit à ce jour plus de 40 entreprises qui ont activement défendu la candidature du territoire au titre de Capitale Européenne de la Culture, ont inspiré les Ateliers de l’EuroMéditerranée, développé dix résidences d’artistes en entreprises,
et accueilli des improvisations musicales filmées dans le cadre du projet Watt Archipels.
Marie Reinert est née en 1971 (France), elle vit et travaille à Berlin. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions en France et à l’étranger : Aichi triennale, Nagoya, Japon (2013), Dutch National Bank, Amsterdam (2013) ; Festival Hors Pistes, Centre Pompidou, Paris (2013) ; La Virreina, Centre de la Imatge, Barcelone (2012) ; Musée de l’Arsenal, Kiev (2011) ; Stedelijk Museum, Amsterdam (2011) ; Bunker, Berlin (2011) ; Printemps de Septembre, Musée des Abattoirs, Toulouse (2010) ; MAC/VAL, Vitry-sur- Seine (2009) ; Le Plateau, Frac Île-de-France (2007).