Ainsi, Catherine Issert rappelle le rôle important que sa galerie a joué dans l’émergence des artistes du mouvement Supports/Surfaces.
En effet, l’ouverture en 1975 de la galerie se fit avec la complicité de Claude Viallat, alors âgé de 39 ans et entouré pour l’occasion de Bernard Pagès, Patrick Saytour, Toni Grand et Christian Jaccard ; suivie en 1976 par une exposition de Daniel Dezeuze, alors âgé de 34 ans. A cette époque, le mouvement Supports/Surfaces, fondé par Dezeuze, Saytour et Viallat, adopte une posture critique vis-à-vis du tableau et fait de l’analyse de ses constituants essentiels – le support et la surface – les éléments mêmes de sa réflexion plastique. Le groupe est à peine formé que déjà il se délite ; il n’aura existé que de 1968 à 1971, pourtant les questionnements fondamentaux qu’il aura engendrés influenceront longtemps, et peut-être aujourd’hui encore, la création contemporaine. En 1970, Daniel Dezeuze et Claude Viallat furent à l’initiative de l’exposition emblématique du groupe à l’ARC (Musée d’Art Moderne de la ville de Paris) ; quarante ans après, ces deux artistes font toujours preuve d’une énergie indéniable en prolongeant leur quête d’une peinture renouvelée et décloisonnée.
Daniel Dezeuze est né à Alès en 1942, il vit et travaille à Sète. Membre fondateur de Supports/Surfaces, il remet en question les éléments de la peinture dans des oeuvres composées de matériaux pauvres, hétéroclites et parfois inattendus : treillages, filets à papillons, valises... Evacuant la figure, il interroge l’illusionnisme pictural ainsi que l’art américain, abstrait ou minimaliste. Dezeuze s’est d’abord intéressé à la question du châssis qu’il déconstruit au moyen de structures faites de lanières de bois souple et assemblées sous la forme d’échelles accrochées au mur ou posées au sol. Entre volume peint et dessin, ces oeuvres interrogent la notion de vide, qui devient chez lui une composante fondamentale pour penser et représenter l’espace. En 1974 apparaissent les Claies inachevées et, quelques années plus tard, les Gazes découpées et peintes aux formes géométriques délicatement colorées. En 2001 avec les Panneaux extensibles, Daniel Dezeuze, qui a toujours combattu l’espace illusionniste de la toile, introduit ici une notion ludique qui ouvre des perspectives nouvelles d’appartenance au monde pictural et sculptural au travers de la transparence. Les Portes, les Armes, les Objets de cueillette, les Réceptacles et les Peintures qui perlent continuent aujourd’hui d’interroger l’objet-peinture, en réactualisant ses problématiques.
Claude Viallat est né en 1936 à Nîmes, où il vit et travaille encore aujourd’hui. Il puise son inspiration et sa posture de travail (accroupi au dessus de son support posé au sol) dans les arts premiers. Egalement membre fondateur de Supports/Surfaces, Claude Viallat appose depuis 1966 sa forme emblématique sur des toiles libérées du châssis. La matière du support imprégné donne à la forme, en fonction de son tissage et de sa texture, un contour plus ou moins net, une intensité de ton plus ou moins forte. A cette mise à l’épreuve de la peinture viendront s’ajouter à partir du milieu des années quatre-vingt ses objets (bois flottés, cerceaux,…). Des références multiples sont revendiquées par l’artiste : Matisse et Picasso mais aussi Simon Hantaï et les américains Jackson Pollock, Sam Francis, Jules Olitski, Morris Louis et Kenneth Noland ; elles alimentent une oeuvre qui intègre également la pratique du dessin tauromachique. L’artiste, plus attaché au processus que la forme engendre que par la forme elle-même, maintient son unique système depuis quatre décennies. Dans Fragments, ouvrage publié en 1976, l’artiste écrit à ce propos : « La notion de redites, de séries ou de répétitions, devient une nécessité de fait. (...) Une toile - pièce - seule n’est rien, c’est le processus - système - qui est important. »