Et avec Yves Klein ?
Et avec Yves Klein ? En 1961, Galerie Madoura, c’est l’exposition « Pléiade », en compagnie de Raysse, Sosno... Klein et Verdet se sont-ils reconnus, entre cosmonautes ?
« Pays total », Editions Parler, Grenoble : Poèmes à la gloire des Travaux et des Jours féconds, en la certitude inébranlable des galaxies et de l’atome gouverneur, de leur relation avec nos plus intimes globules sanguins, poésies à la gloire de toutes les espèces « solidaires » par le noyau..., écrit André dans son autobiographie « André Verdet Pluriel ».
En 1969, Pierre Restany traite Arman, Klein et Verdet d’arpenteurs et serruriers du « surnaturel » de la Côte d’Azur, en quête de pierre philosophale. Tandis que Marie-Lou Lamarque parle de Paysages marqués par l’ordre des mystères.
Le même Arman qui rendra un extraordinaire hommage à la fécondité de notre homme :
Depuis plus de 20 ans André Verdet a montré dans son œuvre une continuité une continuité dont il est maintenant aisé de suivre le fil. André a eu des inventions qui, à elles seules, suffiraient à faire la carrière de plusieurs artistes, tant il est vrai que dans la rage des prises de position, certains ont tendance à oublier qu’une œuvre est le résultat d’une longue patience et d’un côtoiement quotidien des questions et des réponses qui font toute une vie. (Arman, extrait d’un texte écrit en 1980 et paru dans le catalogue de l’exposition « Sortilèges de Provence » et « Ultra Lumen » à la Galerie Kamil en 1991).
Un extraordinaire fil d’Ariane ne mène-t-il pas André Verdet tout au long des années, les recherches plastiques se mêlant à la poésie, à la musique, au théâtre, grâce au Groupe « Bételgeuse » ?
Autour du poète, possédés, ils danseront, diront, se mêleront aux belles énergies d’Albert Ayler... Once upon a time there was a musician… Nuits résonnantes orchestrées par Gilbert Trem pour André Verdet et de Frédéric Altmann... qu’une photographie montre un soir de 1979, à Roquebrune-Cap-Martin, près d’un palmier, silencieux avant l’engagement des lyres et de la Parole...
Pour André, l’hiver 71/72 sera particulièrement consacré à l’étude d’Aristarque, Héraclite, Empédocle, Lucrèce, Epicure...
Et l’atome, demande-t-il déjà à cette époque, celui des grecs justement, l’atome grec de l’en-deçà et de l’au-delà, ne Continue-t-il pas à Gouverner en nos jours les pratiques de la fusion et de la fission ?
Rien de surprenant à ce que, ses « Lumières plastiques », André les veuille incantatoires, superpositions de transparences décroisant un sens possible, selon le terme de Restany qui célèbre un métapoète qui dépeint et insculpte...
Les titres des œuvres témoignent abondamment d’une très spéciale interprétation de la Matière…
La Pythie, Lumière plastique (1971)
Pythagore, Lumière plastique (1972)
L’Ovni, Lumière plastique (1972)
Forme aérospatiale, Lumière plastique (1972)
Cosmogonie, Vitrification, 1977...
… comme pour ne jamais la laisser en repos.
Une voie qui peut être tracée n’est pas la Voie éternelle : le Tao. Un nom qui peut être prononcé n’est pas le Nom éternel, dit Lao Tseu.
Il s’agit donc de dé-nommer et de ré-interroger la lave primordiale, dans les « Vitrifications » : fusion ou fission esthétisées, mais en-deçà de la Forme. Signes, mais confiés à nouveau au dessein du Monde.
Rien d’étonnant à ce que « Le ciel et son fantôme » (1975) soit préfacé par Philippe Delache, directeur de l’Observatoire de Nice.
Lui et André choisiront pour exergue un essaim d’étoiles/diagramme, et le long poème qui suivra sera comme un émiettement de matière palpitant sous le tâtonnement de l’esprit. Feu, cendres, naissance, mort, couleurs, Un, Vide, zéro, science, patience, pulseront comme en une gestation. Bill Wyman, bassiste des Rolling Stones, pense alors que les « Cosmogonies » vont plaire à Jon Anderson, le leader du Groupe Yes, parce que « c’est planant »...
En 1979, pour l’Exposition à la Maison de la Culture de St Etienne, « L’Arbre Vert du Soleil », Philippe Delache écrit : Le peintre des idoles de la Provence Noire, le sculpteur des pierres de Coursegoules, l’expérimentateur des émulsions et superpositions de matières plastiques (..) s’est sublimé lui-même au souffle cosmique de sa vision.
Le poète d’un coin de terre est devenu le poète de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, l’explorateur vibrant du vide galactique entre deux infinis. La poésie visuelle d’André Verdet rejoint par le cheminement mystérieux des intuitions sensibles la recherche scientifique et ses hypothèses de pointe.
Capacité de vision à laquelle Claude Fournet fait un sort particulier dans le catalogue « Cosmogonie », sous le titre « Le don du voir » :
Le don du voir
Quelqu’un regarde dans le miroir qui est de verre brisé, regarde des couleurs de mots dans le vitrail de ses yeux éclatés. Il est à la fois absolument dedans et de l’autre côté – si loin qu’il doit être transparent pour conjuguer l’interne et l’externe. Cette propulsion de mots, depuis la Provence Noire, a inscrit bien des parcours. Quelques-uns rejoignent les labyrinthes à peine mythiques de Cocteau et de Picasso, d’autres sont des écritures de ciels, des descriptions de planètes égarées entre Ptolémée et Galilée. (Claude Fournet, Conservateur des Musées Classés, Directeur des Musées de Nice).
Mais dans « L’arbre Vert du Soleil », totalement en phase avec les outils de l’art contemporain, Verdet en présentait comme un condensé. Cette épopée « astronomique » ne sera pas seulement signe presque archéo/logique du monde (verticale/horizontale, chlorophylle/feu etc.) mais texte/dentelle qui viendra, de manière à la fois sensible et cabalistique, établir le nouage Espace/Temps.
Et nous ne savons pas quand et d’où pourrait partir le coup
... sera un point d’interrogation en miroir, parole renversante, frange où se tient notre chercheur, toujours entre langue des oiseaux et construction d’un objet qu’on peut malgré tout voir et toucher, tel un koan inscrit sur un galet, et que l’on tournerait indéfiniment sous les doigts. La rencontre de certains textes de Physique avec certaines phrases de Verdet opèrent comme des déflagrations... Ainsi, d’Heisenberg : ... les particules subatomiques n’existent pas de façon certaine en des lieux précis, mais manifestent plutôt des « tendances à exister », et les événements atomiques ne se produisent pas avec certitude à des moments et sous des formes définis, mais manifestent plutôt des « tendances à survenir ».
Qu’est-ce que Verdet a pris à la Physique moderne ? N’y-a-t-il puisé ce qui pouvait rencontrer son savoir à lui, instinctif mais qui venait croiser le corpus scientifique un peu dans le sens où Fritjof Capra a détecté des recoupements entre Vedas, Sutras, Tao Te King etc. et Théorie des Quanta. Ici les modèles visuels de schémas de probabilités représentent les tendances des électrons à se répartir dans diverses régions de l’atome. Il est probable que l’on trouvera l’électron dans les zones lumineuses et pas dans les zones sombres.
Les « Idoles » d’André Verdet ne sont pas loin d’amorcer un échantillon de formes aléatoires probables, espèces de « carottes » au sens archéologique, puisées les yeux bandées dans le Réel du Monde…
Une sorte d’hétérogénéité problématique rejoint la plastique des « Idoles », reliant la lecture des augures et les figures énigmatiques du Chaos... Entre ordre et désordre c’est comme si cycliquement une structure apparaissait pour être à nouveau désunifiée. Ainsi le veut le rythme du monde dans son ondulation serpentine, et la gestuelle des « Idoles » rejoint la Parole, telle un coup de poing s’éjectant du langage articulé pour fixer un moment de dés jetés dans le grand jeu de Lila (Jeu de la Vie pour les Hindous). « Structures du hasard » pour Pascal, ce qui exprime bien le mystère de la rencontre, mais la possibilité quand même qu’un secteur de ce Lieu infiniment ouvert puisse être ganté dans une topologie, désir – humain – d’écrire le monde oblige.
(A suivre)