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CHAPITRE 67 (PART I) : Centenaire d’André Verdet à l’Atelier Fodéré

Centenaire d’André Verdet comme rendez-vous des amis
Autour de la célébration du centenaire de naissance d’André Verdet, dans sa dernière chronique Alexandre de la Salle a évoqué, reliée à la Journée du Patrimoine (samedi 14 septembre 2013), l’exposition de photos d’Alberto Cipriani au Château-Musée du Haut-de Cagnes, et, l’après-midi, l’exposition du CIAC, autre série de photos d’André Verdet par différents amis et présentation par la directrice de la Médiathèque André-Verdet de Carros de livres d’André Verdet à quatre mains avec de célèbres artistes, puis lecture de poèmes et morceaux à la guitare et au violon en son honneur. Ces deux expositions se présentant comme des lieux de rendez-vous de tous ceux qui ont approché André Verdet, l’ont photographié, ont écrit sur lui, l’ont édité, avec ce lien particulier, pour l’exposition du Haut-de-Cagnes organisée par Evelyne Caduc au nom de l’Association des Amis d’André Verdet, à Zita Landy, dernière élève de Kokoschka, très proche d’André.
Mais tout cela avait commencé la veille, à l’Atelier de Jacques Renoir, 5, rue Fodéré à Nice, et là, c’était pareil, tout une arborescence amicale et artistique venait se retrouver pour célébrer, non seulement le poète disparu, mais aussi tout un monde, particulièrement celui du Haut-de-Cagnes, puisque Jacques Renoir, arrière-petit-fils du peintre Auguste Renoir, est le vivant témoin d’une histoire patrimoniale essentielle, et que, par exemple, Apy Lomazzi, fils de Richard Lomazzi, pouvait parler, dans son enfance, de la fréquentation d’Yves Klein, une photo de Yvette L. montre Moustache avec Yves Klein, Richard Lomazzi et le céramiste Georges Chassin, à Cagnes, c’est dans le livre de Michel Gaudet « La vie du Haut de Cagnes (1930-1980) la bohème ensoleillée » (Editions Demaistre, 2001), dont le chapitre 4 s’intitule « Au pays de Renoir ». Il a pour titre : « Sauvetage des Collettes. L’Esprit Renoir. Arbre généalogique. Gabrielle Renard épouse Slade. On tourne à Cagnes... »

“ Univers André Verdet” Exposition de photos d’Alberto Cipriani sur André Verdet au Château-Musée du Haut-de-Cagnes

Sauvetage des Collettes
La propriété d’Auguste Renoir aux Collettes à Cagnes, écrit Michel Gaudet, fut sauvée de la spéculation immobilière par une efficace campagne de presse due à l’acharnement du journaliste Robert Buson. Grâce à lui les pouvoirs publics comprirent l’intérêt de ce magnifique patrimoine et le Musée Renoir ouvrit au public.
Mais après la mort du grand peintre et jusqu’en 1960 la maison et le parc furent conservés par son troisième fils Claude. Beaucoup de Cagnois se souviennent encore de l’esprit Renoir qui régnait aux Collettes et qui, si l’on suit le livre de Jean Renoir consacré à son père, était fait de simplicité et d’une logique de bon aloi. L’humour en faisait certes partie et Renoir déclarait par exemple qu’il n’aimait ni les socialistes ni les curés mais il préférait encore ces derniers car il les voyait venir de loin.

Je ne sais si Claude accueillit beaucoup de curés dans le domaine mais Paul dit « La Grougne », son fils et moi même passions nos jeudis et nos dimanches à sauter d’un olivier à l’autre comme des singes. C’était l’époque des « Tarzan » et de Johnny Weissmuller que nous allions voir à Antibes au cinéma Antipolis où Claude avait des intérêts. Il arrivait d’ailleurs que ces expéditions fussent cocasses. Claude avait une grosse voiture munie d’un antivol explosif, au sens propre du mot, car il s’agissait d’un système de pétards particulièrement bruyants. Souvent, à la sortie du cinéma vers minuit, on oubliait de désamorcer l’alarme et la rue retentissait d’explosions inoffensives mais incongrues.

Il y avait toujours beaucoup de monde aux Collettes. Jean et Pierre Renoir y attiraient des acteurs : Gabin, Michel Simon, Valentine Tessier, Raquel Meller. Les marchands de tableaux, les peintres ne manquaient pas non plus... Un jour, mon père se trouva à table à côté de Madame Cézanne. Lui ayant dit qu’il était peintre, il s’entendit répondre : Mon mari aussi était peintre ! L’ambiance était toujours très sympathique et la maison avait gardé non seulement son cadre mais encore le style de vie des Renoir.

Atelier de Zita Landy par Jacques Renoir

Il faut reconnaître que l’on parlait beaucoup de Renoir. Peu de gens en revanche comprenaient leurs liens familiaux, en apparence inextricables en raison d’homonymie et de faux cousinage. Pierre Auguste Renoir eut trois fils : Pierre le comédien, Jean le metteur en scène et Claude le céramiste, héritier de la propriété. Jean fut le père d’Alain Renoir et Claude celui de Paul Renoir. Les difficultés inter¬viennent avec Pierre dont le fils fut également appelé Claude, l’opérateur de cinéma bien connu.

Or son oncle Claude avait épousé Paulette Dupré dont la sœur Anna Winding, dite Nana, artiste peintre, avait une fille, Denise. Celle ci épousa le second Claude qui était le neveu par alliance de sa vraie tante Paulette. Les deux Claude étaient aussi connus sous le diminutif de Coco, le premier figurant dans de nombreux tableaux de son père, le second par gentillesse enfantine. On imagine les confusions. Ajoutons que la présence du Père Dupré, un Provençal au charmant sourire et de sa femme typiquement méridionale était constante aux Collettes. Nana habitait le vieux Cagnes. Sa fille Denise nous surveilla, Paul et moi, dans notre enfance passionnée ou musardeuse. Nous lui devons beau¬coup. Elle fut la mère du cinéaste Jacques Renoir, cagnois de toujours.

Gabrielle Renard fut le modèle de Renoir, comme Hélène Bellon qui vivait dans la bourgade. En 1915 elle avait connu un peintre amé¬ricain richissime, Conrad Slade, et ils eurent un fils, Jean, qui vit en Amérique. Les Slade se fixèrent d’abord à Borisella, montée de France, puis achetèrent la maison d’angle de la place du Château. Slade avait une longue barbe blanche. Il adorait danser à la terrasse du « Jimmy’s ». Gabrielle, bourguignonne, avait élevé Jean et Claude Renoir. Elle abondait en souvenirs pittoresques et, dans ses anecdotes, Renoir s’appelait « le Patron ». Familière, simple et pleine de bon sens, elle était adorée par les femmes du village avec qui elle échangeait des recettes. Souvent Jean et Claude montaient au Vieux Cagnes pour visiter les Slade. Il faut dire d’ailleurs qu’en un temps où le cinéma n’était pas développé comme de nos jours, on eut le plaisir de voir tourner des films dans le vieux bourg, « Le vagabond bien-aimé » avec Maurice Chevalier, « Gargousse » avec Bach, « Simplet » avec Fernandel qui gambadait agrippé à une corde au clocher de la Chapelle, et, par la suite « L’envers du paradis » de Gréville, avec Von Stroheim et Castelot, et surtout, « Le déjeuner sur l’herbe » de Jean Renoir. En de nombreuses occasions des habitants du vieux bourg et des peintres figuraient dans ces films. Ces souvenirs, certainement incomplets et transformés par le temps, font apparaître un Cagnes gai et insouciant, axé sur une cohabitation bon enfant de la bohème et de la vie agricole. (Michel Gaudet)

Michel Gaudet par Jacques Renoir

Du côté de chez Renoir
Michel Gaudet et André Verdet ont écrit ensemble « Du côté de chez Renoir », deux essais autour de « seize dessins de nus hors textes de Renoir, dont huit sanguines ». Sous le titre « Dans l’intimité de Renoir », Michel écrit : Sollicité pour un texte libre, devant constituer un ouvrage avec la très remarquable étude d’André Verdet : « La ligne amoureuse chez Renoir », et sachant que l’édition en sera rendue publique, à l’occasion d’une importante exposition de sculpture dans le parc des Collettes, je me sens animé par une triple pulsion : mon admiration pour Renoir évidemment et l’attachement intime qui me lia toute ma vie à sa famille, la très grande amitié que j’éprouve pour André Verdet et l’exemple historique qu’il incarne à mes yeux, et enfin l’exposition de sculpture contemporaine que nous avons proposée à la ville de Cagnes.

De gauche à droite : Moustache, Yves Klein, Richard Lomazzi, Georges Chassin (Photo Yvette L. dans « La vie du Haut-de-Cagnes, Ed. Demaistre))

Il est vrai que les portes sont ainsi grandes ouvertes et que les investigations sont multiples. Des analyses minutieuses peuvent être tentées, où se mêlent l’objectivité recherchée et l’information vérifiée, ou tout au contraire la bohème de la relation amicale fondée sur le souvenir, l’anecdote et la joie du temps présent.
Les deux courants ne sont ni négligeables, ni contradictoires et quand je lis l’étude précise et rigoureuse qu’André consacre à la ligne de Renoir, je souhaiterais avoir sa profondeur et sa perspicacité.
Il me vient aussi à l’esprit mille images détendues de nos nombreuses rencontres que l’humour, la fantaisie haussent à des niveaux plus personnels, et puis j’avoue que je ne voudrais pas trahir Renoir par des lignes professorales ou critiques.
Si les témoignages font apparaître son alacrité, voire une certaine causticité, ils font également part de sa simplicité, de la bonhomie qui le poussait à dire : « Gabrielle, prenons le train mais surtout montons en troisième ... »

A la Toque Blanche : en haut à gauche, Richard Lomazzi, à droite, Jacques Renoir et sa mère Denise (Ed. Demaistre)

Mon enfance s’est déroulée sou¬vent aux Collettes, où j’étais l’invité du jeudi et des jours de fêtes, afin de jouer avec Paul dit « La Grougne », le fils de Claude et de Paulette Renoir. Sous la surveillance complice de leur nièce Denise qui fut la mère de Jacques Renoir. C’était l’époque de Tarzan et l’on imagine les jeux dans les arbres de gamins pour qui le cinéma fut une révélation. Ces oliviers sont immenses. Ils ont une majesté innée. Je les retrouve soixante ans plus tard sans aucune transformation visible. L’évolution est extrêmement lente quand il s’agit d’arbres centenaires et peut être millénaires. Facilement nous atteignions leurs cimes pour lancer le fameux appel et le père Dupré, grand-père de Paul, était terrorisé non par le cri mais par les risques de chute... Il nous arrivait aussi de jouer innocemment avec le fameux fauteuil où l’on poussait Renoir.

Nous n’étions pas iconoclastes mais simplement des enfants qui admettaient, sans étonnement, que les jours de pluie fût installé un magnifique train électrique dans l’atelier d’hiver.

(A suivre)

Jacques Prévert, Emilienne Delacroix et André Verdet (Ed. Demaistre)

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