Il se présente : « J’ai grandi avec l’art. Gamin j’étais en même temps abonné au Journal de Spirou et à Connaissance des Arts. Nous habitions près de la Suisse et très tôt mes parents m’ont emmené au Kunstmuseum de Bâle. C’est là véritablement que c’est fait mon éveil à l’art, en découvrant la peinture occidentale de Holbein au Pop Art. Je suis diplômé de l’École du Louvre. Un établissement unique en son genre, l’Histoire de l’Art y étant enseignée au contact direct des œuvres. Ma spécialisation a été l’histoire du dessin ancien et de la gravure. Normalement je me destinais à devenir conservateur de musée. Mais comme dès la première année d’études j’ai commencé à écrire pour des revues et des journaux, je suis resté critique d’art. »
La Galerie Laurent & Laurent est née d’un désir de partager et de transmettre
Ses deux premières expositions : « Poésie géométrique, l’esprit Bauhaus » et « Variations paysagères » qui ont malheureusement dû subir les deux confinements n’ont pas affecté son désir de faire connaître les artistes qu’il apprécie.
Pour cette troisième exposition, il décide d’exposer les plus inclassables des artistes : « Bruts & Singuliers, l’Art Contemporain différent ».
Il a visité et choisi soigneusement des œuvres de dix artistes vivants : « électrons libres, géniaux autodidactes dont l’art s’est imposé comme une nécessité existentielle, aux antipodes de toute notion, idée même de carrière. »
Le petit nombre d’œuvres soigneusement présentées par chaque artiste permet d’entrevoir l’univers mental et émotif de chacun.
Petite revue d’impressions reçues :
Marc Bourlier choisit et assemble des bois flottés créant une grande densité de figures et figurines étonnées qui semblent nous interroger.
Dans les dessins d’une grande fluidité de Lou le cabellec apparaissent des créatures chimériques et oniriques sexuées semblant se noyer dans un bain de reflets colorés.
Les toiles hallucinées de Mina Mond où s’enchevêtrent des personnages, des animaux, des fleurs et toutes sortes d’objets indéfinissables apparaissent comme tissés compulsivement par des mains enfiévrées.
Les créatures extravagantes de Richard di Rosa participent d’un ballet coloré mêlant sans complexes une variété inventive de formes animales, humaines ou issues d’objets.
Le graphisme échevelé de Gene Mann raconte l’incompréhensible d’une histoire s’écrivant à l’aide de signes et de graphismes formant une trame indécise.
Dans les dessins chantournés d’Evelyne Postic s’emmêlent des figures humaines sexuées, du graphisme et des formes végétales aux couleurs acidulées, dégageant un sentiment d’insécurité et d’anxiété.
Les corps tordus de Catherine Ursin, entre représentations rupestres et celles d’extra-terrestres terrifiants crachant le feu ou le sang (c’est la même chose) sur des fonds dégoulinants, sont impressionnants.
Dans les dessins habité de Serge Demin sont entremêlés des mots, de phrases, de textes incompréhensibles… et faits pour l’être. Qui sont ces personnages aux cils démesurés à vestes militaires crachant des cascades graphiques ?
« Nous étions condamnés à la peine de vie et tous les mots ne pouvaient rien y faire. »
François Jauvion a réalisé une encyclopédie originale et intimiste regroupant son panthéon d’artistes éclectiques, singuliers, bruts, inclassables, etc. Derrière ses couleurs tendres et son graphisme au feutre noir aquarellé se dissimulent une vraie profondeur et un regard affiné sur les œuvres, les outils et l’univers de ses artistes préférés qui vont d’Aloïse à Niki de Saint Phalle et Gottlib (livre « L’Imagier singulier de François Jauvion », préfacé par le génial Michel Thévoz).
Trois gravures au carborundum réalisées à l’Atelier Pasnic sont présentées.Une planche de grand format intitulée « Le corps qui souffre », inspirée d’une nouvelle de l’écrivain Émile Brami, ‘Les pieds croisés » et une tête s’extrayant du cadre montrent sa grande liberté graphique.
Frédéric Fenoll dessine pendant des heures des formes complexes qui s’enchevêtrent, guettant le moment où la complexité rencontre le chaos.
Complexité ? Chaos ? Pour l’artiste la complexité est encore pensable quand le chaos ne l’est plus. La frontière entre les deux est inframince.
Pour expérimenter cette thématique, il crée des formes à partir de centaines de lignes et y juxtapose le chaos d’une encre versée ou projetée : « Dans mes dessins, j’aime que ces deux formes de complexité dialoguent »
Une réflexion intéressante, à suivre.
Artistes : Mina Mond, Richard Di Rosa, Gene Mann, François jauvion, Evelyne Postic, Marc Bourlier, Catherine Ursin, Serge Demin, Lou Le Cabellec et Frédéric Fenoll.