"La machine est pour Pagès un objet "appétissant".
Elle présente des caractères physiques
"admissibles" en raison de leur fonctionnalité. On peut la réparer. Même rouillée, elle
fonctionne encore. Ses altérations sont émouvantes. Comme la branche d’un arbre, elle peut
"rejeter" après qu’on l’a considérée comme morte. C’est un objet phénix, comme la sculpture.
Mais son bricolage ne donne lieu à aucune extravagance (…)
Il ne s’agit pas pour le sculpteur de faire assaut de virtuosité mais d’immiscer dans la pierre, le
métal, la maçonnerie ou le bois des écarts, des accidents, des trous et des bosses de toutes
sortes et des contrastes qui permettront d’échapper à la "morne nudité" du matériau premier.
Toute l’oeuvre peut de ce point de vue être interprétée comme une machine de guerre contre
les prestiges modernes du lisse. La sculpture de Pagès est ennemie des technologies de la coque
et de la mince pellicule design qui dissimule la mécanique interne de l’appareil. Le poli n’y a de
place qu’associé au rugueux ou à l’hérissé. L’ingénierie des surfaces uniformes est à ses yeux un
instrument de dissimulation suspect, une façon d’ajouter à l’opacité du pouvoir (et du savoir)
exercé par ceux qui en font un signal urbain. la vocation de la sculpture est à l’inverse de ne rien
dissimuler de ses lacunes. Sa lisibilité doit être entière."
Les passages entre guillemets sont extraits de "Pagès, Par le travers de la sculpture" de Xavier
Girard à paraître aux éditions André Dimanche