Engagée et complexe à réaliser, l’art de
la rue emprunte plusieurs médiums,
souvent indéchiffrables à l’oeil public.
De la signature « tag » aux dessins muraux
en 3D, le Street Art mérite bien son évolution
artistique à travers les années. Ce qui
est remarquable, c’est la passion de ces artistes
qui donnent de leur créativité dans un
jeu de cache-cache avec la société. Avec le
phénomène Rue-Stick, le Street Art connaît
un nouveau stratagème, celle d’accueillir
aussi indoor un mouvement placé jusqu’à
présent hors les murs. Rue-Stick se définit
comme une exposition collective qui s’invite,
par surprise, sur les murs des villes ou
dans les espaces d’art, comme au Museaav à
Nice. Externalisé à Puteaux ou à Paris, le rendez-
vous rassemble d’édition en édition un
nombre croissant d’adeptes du collage, de
l’affichage, des pochoirs, tant de pratiques
fusionnées en un seul lieu. Ce projet veut faire en
sorte que l’art urbain ait une visibilité inespérée, et
ainsi montrer au public amateur certaines figures
de Street Art, regroupant les artistes qui utilisent
les bombes aérosol, l’affiche, le sticker, le
pochoir ou la peinture. L’organisateur niçois
Nicolas Scauri ou Skio se dédie à 100%
à son concept encore timide, autour des
passants sollicités par de nouveaux types
de messages. N’ayez pas peur d’engager
librement la discussion avec les artistes, ils
seront prochainement devant les murs de
votre quartier !
La rue, espace institutionnel
Dans la région, comme partout où le Street
Art a la côte, les adeptes font partie des
groupes, des crew, reconnaissables par
leur vision et leur pratique. Ariane Pasco
est une des quatre fondateurs de Nice-Art :
« C’est le nom que nous avons donné à
notre groupe de pochoiristes. Au départ, en
1986, nous étions quatre, venant de Nice,
mais nous nous sommes rencontrés à Paris
». Graffiti, collages, performances, tant de notions qui sont convergents à l’art urbain.
Quant au pochoir, il est avant tout une technique,
qui permet de composer vite une oeuvre des plus
grandes tailles. « On joue avec les couleurs, les
répétitions, le lieu, le mur, la lumière ou avec
d’autres graffitis pour composer un tableau qui
intègre tous ces éléments. La technique n’est
pas nouvelle, comme le montrent les panneaux
de mains négatives de Gargas. Ce n’est que récemment
que le pochoir est devenu un mouvement
artistique, avant il était réservé plutôt à
des affiches sans papier, aux slogans politiques
ou à des techniques décoratives, comme la peinture sur tissu ou
sur céramique ». Qu’en est-il de l’utilisation de l’espace public par
les Street Artistes d’aujourd’hui ? « Il y a une créativité immense,
à Paris comme en province, en Europe et dans le monde, au Chili,
au Brésil, en Italie...
Les territoires urbains se répartissent selon
des lois non écrites et s’organisent. Les mus autorisés sont rarissimes,
l’occupation est donc sauvage, mais nous, les pochoiristes,
nous choisissons nos murs très sagement, en respectant les lieux
et en évitant si possible les dégradations. Les collagistes ont une
démarche très similaire. On veut faire du beau et non dégrader ».
Dire que la rue constitue un espace public, cela suppose de dépasser
l’image du vandalisme qu’on a sur l’acte de l’art urbain. Souvent,
le public d’aujourd’hui est admiratif et très fidèle. « Les gens
font des kilomètres pour assister
à des performances ! Par contre,
le public occasionnel, les curieux,
les badauds qui viennent regarder
les artistes peindre ont parfois des
réactions surprenantes. On a parfois
l’impression d’être montrés
comme des animaux de zoo : «
tiens voilà les artistes… ». Quant
à l’avenir de ce groupe de pochoiristes,
Ariane Pasco se fait la
porte-parole d’une démarche particulière
: « nous collons des vinyles peints dans les rues (photo du
vinyle des Cure dans le 11°) partout où nous allons, dans l’optique
de se les faire voler, pour susciter chez le passant une démarche
artistique transgressive (voler une oeuvre c’est lui accorder une
valeur proportionnelle à la transgression). Puis nous demandons
de nous raconter l’histoire de cette oeuvre... » C’est ainsi qu’ils
ont retrouvé la trace de vinyles qui ont voyagé de Paris aux Etats
Unis ou au Canada.
De la passion pacifique aux oeuvres caritatives
Mr OneTeas alias Anthony Alberti est à 26 ans, un autodidacte
attiré par l’Art. Il a débuté comme tout artiste urbain qui se respecte
en mettant de la couleur dans les rues ou sur des sites abandonnés. Il est arrivé
dans très peu de
temps à se partager
entre sa première
passion et les expositions
monégasques,
autour
des performances
à l’aérosol.
Touche
à tout, son art mêle
aérosol, acrylique,
pochoirs, photos,
collages et résine
sur des supports
toujours plus variés : toile, corps, voiture, façade et murs. Depuis
son premier graffiti en 2005, il apprend constamment à se dépasser,
dans un monde où tout n’est pas vandalisme. « Pour moi,
c’est aller plus loin, avoir toujours une recherche dans l’urbain ».
Adepte du lettrage, autre forme de Street Art, Anthony a cherché
« une ouverture vers les autres », sentiment qui l’inspire et
le motive. « Une connexion extraordinaire
» c’est comme ça qu’il définit
la relation avec les membres de son
crew mais aussi avec son public.
Il connaît son talent et il n’en doute
pas. Aucune hésitation pour ses crew
de se dédier également aux actions
caritatives, chose rare dans ce milieu
de l’Art. Comme dernièrement, il est
parti à Nantes afin de créer sur place
une oeuvre vendue aux enchères,
au profit des maladies orphelines.
Sur les toiles, Anthony n’hésite pas
à rendre hommage à ses icônes,
comme Keith Harring, l’un des premiers
Street Artistes new-yorkais ou sans complexe à Michel Ange,
dans une composition renversée à 90° afin de pointer une société
trop individualiste. Parmi les techniques qu’il utilise aujourd’hui
en dehors des murs abandonnés il y a notamment l’aérosol sur
palette de bois perforée, afin de s’auto définir comme « street
artiste de nouvelle génération ». Vous l’avez même remarqué lors
de l’Eco Art Parade 2009 à Monaco avec son aigle « Hawkology »
toujours au profit d’une association. Aujourd’hui il même appelé
à peindre les palissades des chantiers en construction, rendons
au Street Art ce qu’il mérite ! In fine, Anthony Alberti nous change
les idées quant à la passion : il n’a pas de limites, « toute ma
vie j’aurais envie de peindre ». Prochainement, il se dédiera à la
promotion d’artistes d’art urbain, en hommage aux collègues de
ses crew.
Le Street Art prend certes son inspiration dans la rue, ses adeptes
sont quant à eux libres d’expression dans l’espace public choisi,
qu’il soit les murs, les galeries, les musées. « On a du sang
neuf, des visions nouvelles, de nouveaux matériaux, de nouveaux
moyens de communication et de nouvelles inspirations ». On vous
l’accorde !