« Vendre ce que j’aime ».
Pour connaitre les goûts personnels de Guillaume Aral, il suffit de franchir le seuil de la vénérable Galerie Ferrero, qui s’est bien métamorphosée depuis l’époque du fondateur.
Si l’on y trouve encore l’héritage classique « Ecole de Nice » de Jean Ferrero - Arman, César, Gilli, Ben, Sosno, Moya - Guillaume Aral se démarque en affirmant sa volonté de « promouvoir des artistes vivant dans la région, comme Youn, Cipre, Pons, Martinez, Reyboz, Graff, Metcuc, Hierro », et quelques italiens de la Ligurie proche, comme Laveri (les rouges à lèvres en céramique) ou Palmero (les pare-brises peints). Tout en ajoutant à son « bric à brac » un peu de Combas, un brin de Christo (photos de Volz) et même une pincée de Cracking Art (animaux en plastique coloré). Le tout dans un « esprit ludique, ni figuratif ni abstrait, ni minimaliste ni classique, c’est à dire une voie intermédiaire ».
La vie est courte, je dois saisir ma chance
« L’art contemporain est une culture qui s’apprend, il faut des clés pour savoir l’apprécier. Chez moi, ce fut progressif ».
Après s’être intéressé aux antiquités ou aux livres anciens, Guillaume Aral découvre l’art d’aujourd’hui. Il lit, se cultive, épluche les catalogues de vente, regarde les émissions de tv et surtout, rencontre des artistes. De même concernant le mobilier, lui qui fut d’abord de goût "assez classique, confortable", il a changé peu à peu d’optique, se tournant désormais vers le design pour meubler son nouvel appartement accolé à son nouveau show-room.
Né à Marseille en décembre 1970, Guillaume Aral arrive à Nice un an plus tard, quand son père s’installe comme notaire après avoir acheté une charge laissée sans héritiers. C’est à Nice qu’il fait toute sa scolarité, depuis l’école du port et le lycée Masséna jusqu’aux études de droit. Il enseigne l’histoire du droit durant quelques années, hésitant à devenir professeur, avant d’obtenir son doctorat en 2001. Durant une brève expérience dans le notariat, il profite d’une nouvelle législation pour organiser quelques belles ventes aux enchères. Il y rencontre Jean Ferrero, lequel cherche à vendre sa galerie : ça tombe bien, Guillaume Aral est décidé à franchir le pas …
– Car entretemps, il y a eu le 11 septembre 2001…Ce matin-là, Guillaume est de passage à New York avec son père. Ils se lèvent tôt à cause du décalage horaire et décident d’aller faire un peu de tourisme … Distrait, Guilaume remonte au dernier moment dans sa chambre chercher l’appareil photo qu’il y a oublié : ces quelques secondes lui sauveront la vie. Ils attendent pour acheter leur billet au pied de la première tour du World Trade Center quand survient le premier impact. Guillaume se souvient encore des débris qui tombent et de la panique … Ils évacuent très vite et facilement, puis restent et regardent de loin… avant que ne survienne la deuxième explosion, juste « une boule de feu ». Ils resteront bloqués une semaine à New York. Vivre une telle tragédie incite à la réflexion : « la vie est courte, je dois saisir ma chance » se dit-il. C’est ainsi qu’il décide de racheter la Galerie Ferrero en septembre 2003 pour vivre sa « passion de l’art ».
Cinq ans plus tard, il ne regrette rien, le bilan est positif
Marchand sans complexe, Guillaume Aral veut « que ça se vende », et il l’assume, à l’image, confie-t-il, du grand galeriste belge Guy Pieters qu’il admire. S’il s’avoue « un peu casanier, n’aimant pas trop bouger ni faire les foires », il travaille beaucoup et, est présent tous les jours dans sa galerie.
Et il n’hésite pas à entreprendre des travaux : relookage complet de la galerie début 2006, ouverture d’une boutique de produits dérivés, et en juin 2008, d’un show-room dans l’immeuble mitoyen. Un nouvel espace doté d’un jardin privatif pour les sculptures, et d’une petite salle où seront exposées dans des vitrines les pâtes de verre de Daum, des éditions limitées signées d’artistes contemporains (Ben, Sosno…), etc.
Avec sa nouvelle compagne elle aussi dans le monde artistique, Guillaume Aral partage une passion commune pour Venise et les livres anciens : « je n’ai aucun regret, même si diriger une galerie est parfois stressant, c’’est un métier dans lequel on baigne à 100%, en permanence : on est comme immergé dans l’art, ce qui devient passionnant ».
Profil du client de la Galerie Ferrero en 2008
– A Nice, les clients de l’art contemporain sont de deux sortes : les investisseurs et ceux qui marchent au coup de coeur (les très riches qui ne s’inquiètent pas de la cote d’un artiste). Après la grande époque des Italiens en 2003-2004, ce sont aujourd’hui les Belges qui font le principal chiffre d’affaires de la galerie. Très peu d’Américains passent par la rue du Congrès, tandis que les Russes commencent à arriver, même s’ils sont encore plutôt XIXème siècle. Le premier Chinois est venu cet été, il a acheté une oeuvre de Cipre intitulée judicieusement "made in china" !
– La sculpture a la cote en ce moment, les collectionneurs jeunes se rabattant sur les artistes plus jeunes et moins chers qu’Arman ou César. Entre 900.000 euros pour une œuvre d’Arman et 55.000 euros pour une autruche de Cipre, on peut comprendre pourquoi !