Un parcours artistique, comme une exploration culturelle... La configuration de la Villa Caméline vous propose une visite où s’enchaînent travaux en volumes et dessins : accueillis par les sculptures extérieurs (graines et pollens) de Sylvie Maurice, le promeneur traverse en premier palier
avec les paysages de Michel Houssin voisinant les vélos et bouées de Martin
Caminiti pour se diriger vers les paysages rocailleux de Michel Barjol et ainsi prendre de l’altitude... Les escaliers sont accompagnés par les personnages burlesques de Fred Guinot. Au 1er étage ce sont les animaux de Franck Lestard qui imposent leurs présences dégoulinantes ; serez-vous conviés à des agapes cannibales de Claire Dantzer ? Enfin un instant de repos chambre 3 en compagnie de Gérald Panighi, en essayant de ne se laisser perturber par ses dessins tachés, ses phrases incohérentes puis se glisser dans la petite chambre, rêver devant les installations de Sylvie Maurice.
Les artistes : Michel Barjol, Martin Caminiti, Sylvie Maurice, Claire Dantzer, Michel Houssin, Franck Lestard, Gérald Panighi et Frédéric Guinot.
– Claire Dantzer aborde la pratique artistique sur le mode de la gourmandise. Elle développe un rapport acharné, presque boulimique, dans des démarches plastiques qui mêlent chaque fois douceur charnelle et excès bestial. C’est dans cette tension, entre sensualité et animalité, que ses pièces entrent en bascule. C’est dans cette déchirure, ce moment où, dans l’image, la légèreté se dérobe, où la séduction vacille, où les masques tombent, que l’oeuvre agit : une désillusion du merveilleux, un écart trouble. Procédant par protocoles performatifs à la fois maniaques et impulsifs, Claire Dantzer intègre, à travers et au-delà de son propre personnage, les histoires personnelles et mythes collectifs composant les dérèglements du désir. Répétitions frénétiques, montages bruts, cuts mis en boucle, sur-exploitation des effets rythmiques (accélérés et ralentis), elle manipule l’image comme les figures, et révèle les failles faisant violence au réel : une poussée en onirisme, une perturbation fictionnelle.
Leïla Quillacq
– Martin Caminiti. Des objets assemblés comme des mariages impossibles, ou plutôt des parties d’objets désarticulés, désossés et réassemblés pour former des sortes de machines inutiles et mystérieuses : une roue et une canne à pêche, etc. Qu’est-ce que veulent dire ces rencontres d’objets qui n’ont, à priori rien à voir entre eux ? Pourquoi ces assemblages ? " D’abord, je me vois plus comme un "dessinateur dans l’espace" que comme un sculpteur. Ces cannes à pêche, fragiles et souples, je les utilise plus pour les lignes qu’elles m’apportent, avec leur pleins et leurs déliés, que pour l’objet lui-même avec tout ce qu’il évoque. Ils sont avant tout utilisés pour leur qualité graphique. Ces objets en trois dimensions sont l’équivalent des traces que je pourrais laisser avec un pinceau chargé d’encre sur une feuille de papier. En effet, des lignes se dessinent, se chevauchent. En fermant des espaces, les cannes créent aussi d’autres formes, d’autres graphismes. Les fils métalliques tendus créent d’autres lignes plus fines, parfois à peine visibles qui peuvent évoquer les traits de construction d’un dessin. Ces assemblages, ces "collages" d’objets finissent, même si ce n’était pas le but initial, par évoquer des ossatures, des squelettes, des formes animalières, des insectes, et deviennent des silhouettes allusives. Les pièces au sol ont, en général, comme socle un objet entier ou détourné. Ces différents objets forment ainsi une sorte de vocabulaire dans lequel je puise à volonté. Je les articule, les assemble, les oppose, et c’est ensemble qu’ils prennent du sens".
– Avec Gérald Panighi il faut aimer le vide. Nous pourrions dire que son travail est une suite de petites choses... A première vue peut-être effectivement des petits dessins qui semblent perdu dans l’immensité de la feuille. Ce sont des vignettes empruntées à la bande dessinée : un résultat hésitant, de loin nous pensons à une épreuve due à un système de reproduction archaïque. Toutes ses images sont tachées, contournées, entourées à l’huile de lin, traces d’acrylique et de poussière, le tout ponctué par des phrases anodines piquées aux faits divers de la presse locale, volées à des discussions de comptoirs.
– Les sculptures graphiques de Sylvie Maurice s’inspirent de l’observation de formes végétales ou animales, des graines, des pollens, des
coquillages, semences végétales portées par le vent, tissages métalliques. Matériaux simples qui donnent naissance à de savants et subtils graphismes ce sont des suites de gestes empruntés à l’artisanat qui donnent ces effets bouleversants et contradictoires, du poétique et du scientifique, une apparence laborieuse pour des pulsions jubilatoires.
– Le travail de Franck Lestard interroge tour à tour : l’icône, la vanité, la représentation, l’effacement, la dilution, et par de là, la grande présence qu’ils dégagent, ces "portraits" d’animaux semblent toujours directement menacés par ce qui les a fait “naître”. Traités à l’encre et à l’aquarelle ils dégoulinent à l’image de ces glaçons menacés par la chaleur de l’été, portant
en eux-mêmes et à l’instant même de leur apparaître, leur disparaître. Un apparaître et un disparaître que nous avons tous vécu en présence d’un animal sauvage où seule l’impression d’un "frôlement" persiste.
Jean Marc Cerino
– Frédéric Guinot et ses ombres portées, au stylo bille dont il faut se détourner pour aller voir les ombres, elles nous appartiennent, nous les ignorons. Ce sont des corps morts qui nous poursuivent et nous échappent. Le dessin fixe et contourne le réel, il nous suggère de la mémoire nous renvoie à des images résiduelles : celles qu’il nous reste, celles qui nous suivent et que nous ne voyons plus.
– Michel Houssin. Routes bordées de platanes ; c’est éprouvant de dessiner en bordure de route, pourtant il le faut bien... Mais à chaque passage de voiture le déplacement d’air nous secoue. Pour un dessin réalisé en atelier je peux travailler des jours des semaines et des mois... L’abandonner et le retrouver bien des fois avant de prendre la toujours
difficile décision de l’arrêter définitivement. Par contre pour les petits paysages dessinés dans la nature, je ne fais aucune pause et ne le retouche pas ça n’apporterait rien de plus. J’ai déjà essayé. L’exaltation ne dure que
le temps du dessin. Elle est retombée le lendemain.
– Que ce soit sur bois où sur papier Michel Barjol s’exprime par le dessin. Fils de paysan, très tôt le paysage le questionne, plus tard il en fera son thème favoris depuis plus de trente ans il épure les paysages de la région du Mont Ventoux et des Baronnies, pour ne garder que les traces des failles, les chemins, jamais l’homme n’apparaît, seul le souvenir de son
passage reste inscrit dans sa mémoire. (parcelles cultivées, chemins, plantations, ...)