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« Matrix » par Rei Naito au Teshima Art Museum

Notre critique d’art et journaliste Alain Amiel rentre d’un séjour au Japon et partage avec nous ses découvertes culturelles et architecturales en plusieurs chroniques ! La première est consacrée à « Matrix » par Rei Naito au Teshima Art Museum

Soichiro Fukutake, un milliardaire japonais amoureux de l’art, a désiré réaliser un lieu où « l’architecture, l’art et la nature ne feraient qu’un ». Il a confié son projet à l’architecte Ryue Nishizawa qui a créé Matrix.

Dans un décor superbe, entouré de rizières et dominant un golfe, le Teshima Art Museum est une merveille. Sur une colline à pente très douce, s’étend une grande forme oblongue très basse (« à la forme d’une goutte d’eau au moment de l’impact », dit l’architecte) avec deux ouvertures ovales. Un chemin en courbes bien dessinées y mène.

Arrivés à ce bâtiment en forme de bulle, on nous signale de bien faire attention où l’on met ses chaussettes (il faut enlever ses chaussures). Il faut aussi faire silence.

On pénètre par une petite porte dans ce grand dôme de béton blanc autoportant (sans aucun pilier, une performance architecturale).

Sur un sol blanchâtre, lissé et très légèrement en pente, des gouttes d’eau plus ou moins grosses ont l’air de se mouvoir toutes seules.

C’est très étonnant. On cherche à comprendre comment cela possible. Il y a bien courant d’air créé par les deux ouvertures, mais analyse faite, cela ne peut pas expliquer le phénomène, d’autant qu’on voit des rigoles, des filets d’eau qui se meuvent très vite, bousculant au passage de petites flaques qui viennent s’y ajouter, des minis ruissellements qui passent entre deux grosses gouttes, et plus bas, une grande flaque où viennent se jeter nombre de ces mini ruisseaux. De temps en temps, les bulles d’eau disparaissent.
Plus on regarde, plus on découvre cette activité foisonnante de l’eau. Ça remue de partout, le regard est attiré par ce qui bouge. Les formes au sol sont toutes différentes et le contour des flaques est légèrement argenté. En regardant de plus près, on découvre de petits trous presque invisibles. En fait, l’eau émerge de ces trous de façon aléatoire. L’eau s’accumule un moment avant d’être entraînée par la déclivité du sol et parcourt à toute allure un chemin, quelquefois slalomant entre des gouttes arrêtées, d’autres fois, s’y joignant en entraînant un déplacement plus rapide.

Sur cette grande surface d’un diamètre d’une quarantaine de mètres, le phénomène est foisonnant.

Tous les gens présents semblent passionnés par ce qui se passe. Il y en a même à quatre pattes qui soufflent sur les bulles pour les faire bouger.

D’autres ont l’air en méditation. Le spectacle est aussi créé par les visiteurs qui bougent bizarrement comme dans une danse au ralenti. On est dans la biologie cellulaire et en même temps dans la physique des fluides. Le silence ajoute à la zenitude du lieu.

On pourrait y passer des heures à contempler ces mouvements liquides et toutes ces formes qui se créent et se transforment...
Une œuvre d’art vivante, sensible et spectaculaire, infinie et changeante.

Toutes les photos de l’article et de Une DR ALAIN AMIEL

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