Un projet patrimonial fort
Il s’agit d’une opération de longue haleine. En effet, depuis que le fort a perdu sa vocation militaire au le 19e siècle, depuis que l’armée n’en est plus propriétaire, depuis que la Ville l’a acquis en 2007, le fort de Mont-Alban n’a jamais été ouvert au public.
Aujourd’hui, la ville souhaite que cette silhouette marquant si profondément le paysage niçois soit accessible à tous.
L’ouverture du Fort de Mont-Alban répond à la politique engagée par Christian Estrosi, Ministre chargé de l’Industrie, Maire de Nice, Président de Nice Côte d’Azur, autour d’un véritable projet patrimonial, soit soutenir et voir aboutir dans les mois et les années à venir, des travaux sur les trois sites que sont le Château, la crypte archéologique et le fort de Mont-Alban. Ces trois sites ont une histoire intimement liée et aujourd’hui la Ville leur rend cohérence et dignité.
En 2010, ont été réalisés les premiers travaux permettant un accès limité du public. Le coût de cette première opération est de 47.000 euros.
La deuxième phase consiste en la mise au point d’un projet technique par l’architecte en chef des monuments historiques (2011).
La 3e phase consiste à la mise en œuvre de ce projet, en fonction de son contenu, des exigences budgétaires, et des contraintes techniques, avec pour objectif de le rendre totalement accessible dans un délai de 5 ans.
Le projet doit prendre en compte la sauvegarde du bâtiment, l’aménagement de ses accès et de ses alentours, l’accessibilité du public.
Il a pour objectif final de présenter au public, en lien avec la crypte archéologique et le Château, le formidable ensemble fortifié que constitua Nice du 16e au 18e siècle.
L’exposition « A la découverte de la sentinelle des côtes niçoises : LE FORT DE MONT-ALBAN »
La mission principale de la Délégation au Patrimoine Historique, Langue et Cultures Niçoises de la Ville de Nice est de rendre accessible le patrimoine matériel et immatériel de Nice et de sa région.
L’exposition consacrée au fort de Mont Alban répond à ce souci permanent de rendre le patrimoine accessible au plus grand nombre grâce à la découverte de monuments et de sites par des visites et des ateliers pour les enfants.
Cette exposition répond à ce même désir, faire découvrir notre patrimoine et à travers lui notre histoire et ceux qui l’ont bâtie.
Le fort de Mont Alban renvoie à cette histoire si diverse et si mouvementée et s’inscrit comme témoin d’un passé qui est arrivé jusqu’à nous et que nous voulons transmettre aux générations futures.
L’exposition présente à la fois les dates importantes de notre histoire qui ont participé à forger l’identité niçoise et nous rappelle les grands moments vécus par ce bâtiment militaire au cours du temps. Elle se déroule de 1388, date de la dédition de Nice à la Savoie, à 1860, date du rattachement du Comté de Nice à la France On y croise Charles Quint et François Ier au congrès de Nice peu avant le siège par les Turcs, les princes de Savoie ayant régnés sur le Comté de Nice et qui ont participé à la création du fort et à son maintien. Ils figurent en bonne place et se rappellent à notre souvenir.
Plans, photos, portraits rythment ce parcours à la « recherche du temps perdu ».
Un fort sur un site exceptionnel
Situé entre le royaume de France et l’Italie, le Comté de Nice, à la suite du siège de 1543, amplifie son effort militaire en développant ses fortifications et en construisant le fort de Mont-Alban.
Etabli sur la colline du Mont-Alban (222 mètres), situé entre Nice et Villefranche-sur-Mer, le fort occupe une position stratégique du point de vue militaire en termes de contrôle et de défense.
Malgré des chemins d’accès escarpés, le passage du Mont-Alban reste la route directe vers l’Italie. Les concepteurs de l’époque avaient compris l’importance de ce lieu, qui avait le rôle de verrou, mais aussi celui de surveillance. La vue panoramique du site s’étend de la rade de Villefranche jusqu’à Bordighera d’un côté, et de la Baie des Anges jusqu’à l’Esterel de l‘autre.
Le fort est situé dans une zone naturelle protégée, l’une des plus élevées du littoral niçois. Cet emplacement lui procure des privilèges en termes d’environnement paysagé et de décors visuels, de part son belvédère à 360°, ses sentiers, sa végétation luxuriante.
Il est édifié selon une forme polygonale, avec quatre bastions et quatre courtines. Cette construction carrée de 23 mètres de côté est d’une superficie d’environ 510 m2. Les quatre murs d’escarpe mesurent en moyenne 14 mètres de long et 15 mètres de haut, avec un bastion par angle, se terminant par une échauguette.
Une histoire mouvementée
Depuis 1388, le Comté de Nice fait partie de la Maison de Savoie, lui offrant son unique ouverture portuaire. Au XVIe siècle, les Ducs de Savoie font face à François Ier et s’allient aux espagnols pour résister. En juin 1543, la coalition franco-turque assiège Nice. Durant l’assaut, le futur Duc Emmanuel-Philibert est enfermé dans le Château de Nice avec sa mère Béatrix de Portugal.
Dès 1550, Andrea Doria, d’abord amiral au sein de l’armée française, puis condottière pour Charles Quint, suggère l’idée d’une fortification militaire de la côte niçoise, à destination du nouveau Duc Emmanuel-Philibert.
Dès 1556, ce projet prend forme. Le Château de Nice est doté de remparts, le fort de Saint-Hospice est érigé, la citadelle de Villefranche-sur-Mer et le Fort de Mont-Alban sortent de terre. La première pierre est posée le 5 avril 1557. Il est opérationnel dès 1560.
A la fin du XVIIe, Victor Amédée II, Duc de Savoie, est alors l’allié et le neveu de Louis XIV. Mais en 1688, il rompt son alliance pour rejoindre la Ligue d’Augsbourg. Furieux de cette trahison, Louis XIV lance l’attaque et le siège de Nice, sous le commandement du Général de Catinat, trois ans plus tard. Les guerres de succession d’Espagne amènent Victor Amédée II à réitérer son alliance aux ennemis du Roi de France. En 1705, Nice est une nouvelle fois assiégée par les troupes françaises. Louis XIV ordonne la destruction totale de toute fortification militaire, contre l’avis de Vauban. Les remparts du Château et le fort Saint-Hospice sont détruits. La citadelle de Villefranche et le Fort de Mont-Alban sont épargnés par un contre-ordre arrivé in extremis. Le Traité d’Utrecht de 1713 rétrocède à Victor Amédée II ses possessions et devient Roi de Sicile.
Au XVIIIe siècle, les guerres de succession de Pologne et d’Autriche font l’objet d’alliance entre les souverains. D’abord alliés, puis ennemis, la Maison de Savoie et le Royaume de France s’affrontent sur le territoire niçois. Le fort du Mont-Alban, entre les mains des troupes françaises, sert un temps de prison.
Le Traité d’Aix-la-Chapelle de 1748 restitue les possessions du roi savoyard Charles Emmanuel III. La réconciliation franco-sarde a lieu lors du Traité de Turin de 1760, qui rétablie la frontière entre la Savoie et le Dauphiné.
Mais la paix est de courte durée. Les guerres révolutionnaires se propagent, et le fort de Mont-Alban est pris le 29 septembre 1792. Il devient un poste avancé des armées françaises, en guerre en Italie.
L’arrivée de Napoléon Bonaparte s’accompagne d’un recul des troupes françaises. Le fort reste cependant sous leur domination. En mai 1800, devant l’avancée des troupes piémontaises, Masséna installe le « télégraphe Chappe » au fort. Il devient le premier poste d’informations. Mais à la fin du mois, le dernier boulet de canon est tiré du fort, à destination des autrichiens.
La fin des conflits est entérinée, en 1853, le gouvernement sarde retire le statut de port franc à Nice et à Villefranche. C’est la rupture entre les niçois et la Maison de Savoie. Le 10 juin 1860 est signé le traité de Turin, entre Victor Emmanuel II et Napoléon III. Le Comté de Nice et le Duché de Savoie sont alors échangés contre une aide à l’unification de l’Italie.
Le XXe siècle consacre le fort de Mont-Alban, classé Monument Historique le 20 février 1909, et le 20 août 1913, les murs d’enceinte avec les fosses subsistants, les fronts nord, ouest et sud. Il devient un poste de radio-transmission militaire durant l’entre-deux-guerres, n’empêchant pas le classement Monument Historique de la zone de 250 mètres autour du fort le 10 février 1923.
Lors de la seconde guerre mondiale, le fort est occupé par l’Esercito Reale italien, puis par la Wehrmacht allemande. Les bombardements alliés de 1944 détruisent les constructions en superstructure du fort, qui sont retirées en 1949, lors d’opérations de restauration.
La seconde moitié du XXe siècle donne un rôle technique au fort, avec l’installation d’antennes de télévision, dès 1958. En 2006, de nouveaux émetteurs sont installés pour la Télévision Numérique Terrestre.
Cédé au ministère de la Culture depuis 1964 par celui de la Guerre, le fort devient propriété de la ville de Nice le 12 juillet 2007. En avril 2010, alors que le fort fête son 450e anniversaire, des travaux de restauration sont entrepris.
Un héritage militaire
Le siège de Nice de 1543 a été le théâtre de la démonstration des avancées de l’artillerie. La ville a été massivement bombardée par des boulets de fonte, tirés par des canons plus légers et maniables. Ces nouveautés dans l’armement ont rendu obsolètes toutes fortifications existantes. L’évolution des fortifications est parallèle à celle de l’armement. Les ingénieurs italiens délaissent le fort médiéval. Ils s’orientent vers le fort bastionné plus résistant, dès 1530, dans une architecture militaire alla moderna.
Emmanuel Philibert s’entoure d’une équipe d’ingénieurs pour élaborer son système défensif de la côte niçoise. D’abord Gianmaria Olgiati, il supremo ingeniero de Charles Quint, planifie un projet de fortifications. Incluant le Château de Nice, la citadelle Saint-Elme de Villefranche et le fort du Mont-Alban. Olgiati étant décédé peu de temps après le début des travaux, les frères Paciotto d’Urbino, Francesco et Orazio, prennent le relais, assistés de Domenico Ponsello et André Provana de Leyni.
Le fort est un ouvrage massif de forme polygonale et bastionnée d’environ 510 m2. Il dispose de quatre bastions de quatre courtines, se terminant par une tourelle (ou échauguette). L’accès se fait par une petite esplanade et un pont-levis piétonnier. L’ensemble du fort est constitué d’un mélange de pierres litées, recouvert d’un enduit, pour prévenir les dégradations. La plupart des pierres utilisées pour l’édification du fort provient du relief niçois, tel le calcaire de la Turbie. L’épaisseur des murs mesure environ 2 mètres, peut aller jusqu’à 5 mètres. Le remplissage intérieur de la muraille permet une meilleure résistance aux boulets de canons. L’enceinte extérieure est en pierres sèches. La grande enceinte extérieure mesure près de 1.200 mètres de long.
Nice est alors une ville frontière. La colline du Château, comme le fort de Mont-Alban, sont des éléments de fortification inscrits dans un réseau de constructions militaires. Les forts au XVIe siècle protègent les villes et sont envisagés en fonction des progrès de l’artillerie.
La maçonnerie se constitue en rempart, efface les angles morts, amortit ainsi l’impact des boulets, et est renforcée par un contour polygonal de l’enceinte. Les fortifications du Comté de Nice s’étendent entre Antibes et Gênes.
Le maillon d’une chaîne défensive
Le fort est construit au terrain accidenté du site, et sur un positionnement stratégique, avec Villefranche à l’ouest et le Château de Nice à l’est. Etabli sur deux niveaux sous la terrasse, le fort pouvait accueillir un bataillon de 50 à 70 hommes. Sa modeste taille s’explique par un manque de financement, qui était essentiellement destiné à la citadelle de Villefranche et aux remparts du Château. Le reste du butin de guerres d’Emmanuel Philibert allait ensuite à la construction du fort.
Le fort est donc le protecteur du Château de Nice et de la citadelle de Villefranche. Le Château est un ouvrage fortifié, présent du XIe au XVIIIe siècle sur une colline, surplombant la Baie de Nice. Il fut construit au Xe siècle, et agrandi tout au long des siècles, jusqu’à sa destruction en 1706. La colline du Château est un grand rocher calcaire culminant à 93 mètres avec un sommet constitué de deux plateaux. L’un au sud où va s’ériger pendant des siècles le château, et un peu plus bas au nord les premiers faubourgs et plus tard la citadelle. Aujourd’hui, en accédant à la colline du Château, on retrouve un terrain de terre plat offrant une vue splendide de la capitale de la Côte d’Azur.
La rade de Villefranche, point d’ancrage, avec le bassin Lympia, des navires savoyards, est protégée non seulement par le fort Saint-Elme, et ensuite par la citadelle, mais aussi par le fort du Mont-Alban qui surplombe la ville. L’entrée de la rade a été également dotée du fort Saint-Hospice, érigé par la pointe de l’actuelle presqu’île Cap Ferrat, pour prévenir des attaques ennemis, et des nombreux pirates. Il est détruit, comme le Château, en 1706.
Malgré les siècles, le fort de Mont-Alban semble toujours protéger Villefranche et Nice. Depuis sa terrasse, la vue sur Nice est tout à fait spectaculaire !