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PATRIMOINE ARCHEOLOGIE : Découvertes inédites sur le site des fouilles de la Colline du Château - NICE - Colline du Château Juillet 2010

Un PCR (Projet Collectif de Recherche) est un programme réalisé sous le contrôle scientifique de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et examiné tous les ans par la CIRA (Commission interrégionale de recherches archéologiques, placée auprès du préfet de région). Il peut être réalisé à l’initiative de toute personne désireuse de lancer une étude scientifique collective. Le PCR de la colline du Château de Nice, initié en 2006 et coordonné par Marc Bouiron (directeur du service Archéologie de la Ville de Nice), a pour but de documenter l’ensemble de l’occupation humaine connue sur le site. Il comprend plusieurs axes de recherches : les textes, l’iconographie ancienne et moderne, les fouilles archéologiques.

Les sources disponibles dans les archives communales de Nice et les archives départementales des Alpes-Maritimes ont permis de retrouver de nombreux actes sur l’occupation de la colline et ses occupants. Les sources littéraires relatives au château de Nice sont diverses. Le travail de compilation a débuté par la formation d’un corpus comprenant des textes allant du Moyen Âge aux sièges de Louis XIV, puis par les Guides pour Voyageurs du XIXe siècle et enfin, plus récemment, la presse des XIXe et XXe siècles.

L’iconographie ancienne concernant la Colline du Château est dispersée dans différents fonds d’archives. Ont pu être étudiés jusqu’à présent les fonds iconographiques de Turin, ceux des archives de Vincennes à Paris, ainsi que les fonds niçois.

Préalablement à la reprise des fouilles de l’ancienne cathédrale, une étude d’archéologie du bâti a été effectuée proposant une première lecture de la stratigraphie des vestiges. Le relevé en plan et en élévation des différents états de la cathédrale a été entrepris ; enfin les matériaux et la taille des éléments lapidaires ont été étudiés.

Le mobilier archéologique mis au jour lors de la fouille est constitué en grande partie par de la céramique qui, grâce à la typologie, peut amener à une datation relativement précise. Le mobilier le plus ancien retrouvé date de la fin de l’âge du Bronze mais les périodes les plus représentées sont la période Républicaine (IIe-Ie s. av. J.-C.) et l’Antiquité tardive (Ve-VIe ap J-C). Des monnaies, de la tabletterie et du métal ont aussi été retrouvés. Des études épigraphiques ont également été menées sur des éléments lapidaires en réutilisation.

Le PCR inclut aussi les recherches sur les fortifications bâties, du XVe siècle à la démolition de 1706. Des études archéologiques ont permis de retrouver les traces du château comtal, de déterminer la chronologie des fortifications et de comprendre la structure bâtie du front Nord, composée de la tour Saint-Paul, Saint-Victor et Saint-Charles.

L’HISTORIQUE DES FOUILLES DU XIXe au XXIe SIECLE

 1828 : premières fouilles sur la colline du Château

Les premières fouilles de la colline du château ont débutés en février 1828 sous l’impulsion du comte Spitalieri de Cessole, gouverneur de Nice, avec l’autorisation du roi Charles-Félix. Il recherchait le tombeau de la duchesse de Savoie Béatrix, infante du Portugal (1504-1538). En février 1859, Philippe Gény reprend les fouilles et dégage les fondations de la cathédrale sur 0,50 mètre. Il explore également une chapelle latérale située contre le mur sud de la nef et dégage un édifice à triple abside, ainsi que des sépultures et des inscriptions romaines à l’intérieur de celle-ci. L’une d’elle est donnée pour être celle de la duchesse Béatrix. Plus au sud, les fouilles se poursuivent ultérieurement. Elles mettent au jour les substructions du chœur, de la nef, des collatéraux et des bâtiments annexes, ainsi que de très nombreux caveaux à l’intérieur et à l’extérieur de la cathédrale. Ces collections ont été reprises en 2007.

 1950-1964 : nouveau dégagement pour la cathédrale

De novembre 1949 à octobre 1950, Armance Royer (conservateur des archives de Nice) entreprend un redégagement et des sondages avec Jacques Thirion et Paul-Albert Février sur le chevet de la cathédrale. Les deux états successifs du chœur sont alors mis en évidence. Le sondage d’octobre 1950 sur l’absidiole Nord de la première église à montré des parements internes où la peinture murale était encore présente.

Des fouilles plus importantes sont alors décidées par Fernand Benoit avec L. Barbera (conservateur des antiquités et des Objets d’Art) et H. Février (architecte des Bâtiments de France). Les fouilles commencent en juin 1951. Dans les six sondages effectués, quatre l’ont été probablement dans le secteur d’aménagement du parc. Malgré le peu d’information que l’on a sur les découvertes de cette fouille, nous savons que des tessons de céramique Campanienne et des tessons à décors peints hellénistique ont été découverts. En décembre 1953-janvier 1954, F. Benoit ouvre à nouveau le chantier de fouille dirigée par G. Quérard (chef des travaux antiquité historique) et supervisé par L. Barbera. L’objectif de cette fouille est de « dégager l’ancienne cathédrale, sous laquelle était apparue une basilique plus ancienne, et à faire des sondages sous ce niveau pour retrouver le sol antique ». Ont été fouillés le chœur, la nef et quelques sondages dans la première abside. Les quatre années de fouilles entre 1956 et 1959 se sont portées sur la nef et le dégagement de la clôture du chœur. Ces fouilles ont fait disparaitre les caveaux figurant sur les fouilles précédentes. Plusieurs inscriptions lapidaires en réutilisation ont été découvertes ainsi qu’un sol antique. La dernière période de fouille de F. Benoit s’échelonne de 1960 à 1964 et porte sur les dernières travées occidentales et les quatre sondages profonds de la nef. Au cours de ces dernières fouilles le sol de la première cathédrale a été dégagé. Les sondages de la nef sont parvenu jusqu’au substrat rocheux, mettant en lumière les stratigraphies les plus anciennes de l’occupation humaine du château.

 2008 : le projet collectif de recherche et ses nouvelles découvertes

Les fouilles reprises dans le cadre du PCR (direction M. Bouiron, adjoint Romuald Mercurin) ont été précédées d’un premier nettoyage de la cathédrale en 2008. Dès 2009, la fouille s’étend sur l’emprise de la cathédrale et permet de retrouver les vestiges de la cathédrale paléochrétienne, que nos prédécesseurs n’avaient pas reconnu (les murs qui la composent étaient alors présumés romains). Au sud de la cathédrale, apparaissent les éléments du cloître des chanoines ainsi que des tombeaux, déjà fouillés par Ph. Gény et profondément remaniés durant la Seconde Guerre Mondiale.

 En 2010, la fouille se poursuit dans la cathédrale.

Au sud, les dégagements portent sur une deuxième église, sous la titulature de Saint-Jean Baptiste, tandis qu’une équipe d’anthropologues (sous la direction de Diana Montaru, Inrap) entreprend la fouille du cimetière compris entre la cathédrale, le palais épiscopal et la chapelle Saint-Jean.

Les recherches archéologiques portent également sur la fortification (par Éric Guilloteau). En 2008-2009, des sondages ont été réalisés à l’emplacement des trois grosses tours du front nord. En 2010, il s’agit de retrouver l’emprise de l’ancien château comtal.

Mr Christian Estrosi, Maire de la ville et Ministre de l’industrie, en visite sur le chantier des fouilles le 30 juillet 2010
(c) ville de Nice

LES DIFFERENTS ETATS DE L’ANCIENNE CATHEDRALE DE NICE

Les fouilles de l’ancienne cathédrale de Nice ont mis en évidence quatre états successifs allant du Ve siècle de notre ère jusqu’à sa destruction par les troupes de Louis XIV.

 Ve siècle

Le premier état de la cathédrale a pu être daté au Ve siècle de notre ère. L’édifice consistait en une vaste pièce principale de 22 mètres sur 10 quasiment orienté à l’est. Les murs sont en moellons très irréguliers avec des fondations plus larges que les élévations. Le sol est composé de béton de tuileau légèrement plus en hauteur au niveau du chœur. Celui-ci mesure 3,40 mètres (E-O) sur 7,20 mètres (N-S) avec un seuil à la porte sud présageant sûrement une autre pièce. Deux marches s’étendant sur toute la largeur de l’édifice séparent le chœur de la nef. Dans la zone de l’avant-chœur médiéval, le béton avait été coulé autour d’un élément préexistant disparu par la suite et laissant présager une solea liée au déroulement liturgique des premiers temps du christianisme

 Le haut Moyen-âge

Le second état date du haut Moyen Âge. La fouille de l’avant-chœur a permis de découvrir deux piliers arasés au niveau du sol du XIe siècle et qui s’appuient sur le sol en béton. Ces deux piliers sont mis en relation avec deux éléments maçonnés dans le chœur ainsi que la grande abside. Les études menées montrent que les absidioles, manifestement plus anciennes que les deux états médiévaux, sont construites sur un mode très différent de la première cathédrale. Le chœur rectangulaire est remplacé par une abside centrale unique et si les pièces au nord et au Sud ont vraiment existées, elles ne semblent plus être en usage à ce moment là. Les trois tombes fouillées par F. Benoit à l’immédiat extérieur de la première cathédrale datent de cette époque.

 La première cathédrale médiévale

Le troisième état correspond à la première cathédrale médiévale, probablement celle qui est consacrée en 1049. Les piliers de la nouvelle cathédrale sont accolés aux murs gouttereaux de l’ancien édifice. Deux bas côtés ont été construits en dehors des murs primitifs ainsi que la première travée à l’Ouest. Le sol de cet état est le même que les deux états précédant. Cette cathédrale est organisée autour de l’abside centrale qui détermine les piliers et contre laquelle se plaquent les absidioles. Puisque deux ouvertures sont identifiées sur le mur gouttereaux sud, il est possible que l’ouverture de l’ouest ouvrait sur le clocher. Cette hypothèse est confirmée par la présence d’un four à cloche.

 La seconde cathédrale médiévale

Le quatrième état correspond à la seconde cathédrale médiévale. Cette construction prend comme sol de chantier celle de l’état primitif. Le niveau de sol de la cathédrale est surélevé et le chevet s’étend vers l’Est. Sur l’iconographie ancienne, le clocher semble petit par rapport à la cathédrale. Deux piliers centraux démontés par F. Benoit, un au niveau de l’escalier de l’avant-chœur et un immédiatement à l’ouest, renseignent sur l’élévation de cet état. Le niveau de sol permet d’examiner l’hypothèse d’une crypte au niveau du sol primitif réutilisant les anciens piliers. L’accès se faisait par un escalier du bas côté nord et limitée à l’est par la surélévation du chœur ancien. Il est possible que l’ancienne citerne ait été réaménagée en caveau privilégié.

Une série de trois bâtiments retrouvés au sud de la cathédrale, ainsi que l’iconographie ancienne, peut constituer un groupe cathédral. Le premier ensemble de bâtiment à l’est, composé de trois ou quatre ailes regroupées autour d’un petit espace centrale avec des tombes dans trois de ces ailes, peut être considéré comme le cloître des chanoines. Le second ensemble de bâtiment au sud-ouest à plan carré et d’orientation est-ouest est peut être l’église Saint-Jean-Baptiste. Entre le mur gouttereau de la cathédrale et cet ensemble, se trouve un regroupement de tombes correspondant au cimetière contemporain de la seconde cathédrale médiévale, mais également à une nécropole ancienne, peut-être en relation avec la cathédrale paléochrétienne.

L’ETUDE ANTHROPOLOGIQUE

Par la mise en place d’un protocole méthodologique d’intervention rigoureux, ce chantier présente l’intérêt de pouvoir servir de chantier école en offrant des opportunités de stages pratiques aux étudiants en anthropologie et en archéologie.

 Une nature très diverse du site et une densité d’occupation

Vue du chantier
(c) ville de Nice

Les deux dernières années ont permis de dresser un premier bilan de l’état du cimetière. La fouille programmée du site des prochaines années devrait permettre de combler de nombreuses lacunes concernant l’histoire et le peuplement du Comté et de la ville de Nice. Les principales difficultés de la compréhension du site résident dans la nature pluriséculaire et dans la densité de l’occupation d’une part, mais également dans les différentes destructions liées aux campagnes de fouilles anciennes menées entre 1859 et 1964. On constate une superposition de tombes demeurées plus ou moins intactes ainsi qu’une importante densité d’ossements humains erratiques présents dans la totalité de la stratigraphie des couches ayant été explorées. Certains comblements comportant des segments osseux dont les relations anatomiques sont demeurées intactes, de nombreuses interrogations en sont induites dont la part effective pouvant être attribuées aux remaniements contemporains, les relations des tombes avec les différentes constructions, ainsi que les habituels questionnements concernant la topographie, l’occupation, l’extension, les phases principales d’utilisation, la répartition, l’abandon du cimetière, sa densité, son contexte, en rapport direct avec les pratiques funéraires, la typologie des tombes etc.

 L’étude principale de la sépulture

L’étude anthropologique de terrain a pour objet principal la sépulture : par une observation minutieuse et méthodique, elle cherche à replacer la tombe et le défunt dans son contexte original et tente d’évaluer les différents processus taphonomiques et perturbations ayant pu les altérer. Sur le site sont observés les emplacements de chaque ossement en relation avec l’architecture de la tombe et son environnement. Tous ces éléments sont documentés (relevé, photo, description), collectés, nettoyés puis étudiés. Ces études, sur le terrain et en laboratoire, vont permettre de mieux cerner les pratiques funéraires, de comprendre l’organisation et la répartition de l’espace funéraire. L’observation des traces laissées sur les ossements permet d’appréhender les conditions de vie des populations : maladies congénitales, infectieuses, dégénératives ; nature de l’alimentation et des éventuelles carences alimentaires ; traumatismes.

LE CHATEAU COMTAL

Le château comtal et ses tours trônaient dès le XIIe siècle, jusqu’à sa destruction au début du XVIIIe siècle, au sommet de la colline de Nice, à l’ouest de l’éperon rocheux.

L’explosion du donjon en 1691, causée par les tirs de Catinat, et son arasement presque total, par le maréchal de Berwick sous les ordres de Louis XIV, en janvier 1706 ont effacé les traces en surface du château. Le réaménagement au XIXe siècle de la colline en parc paysager et l’installation du grand réservoir au sommet de la colline et sa cascade ont rendu très difficile les recherches archéologiques sur le château. Seules les informations iconographiques anciennes et les textes peuvent nous permettre d’en savoir plus sur celui-ci.

Le donjon, château primitif des comtes de Provence, a certainement vu le jour au XIIe siècle, mais les premières sources scripturaires le concernant datent du XIIe siècle. Une de celles-ci annonce qu’il y avait « un castellan du palais et un castellan du château neuf ». Le XIIIe siècle est une période qui voit la naissance de beaucoup de « châteaux neufs » à plan polygonaux flanqués de tours, comme c’est le cas de divers châteaux des comtes de Provence.

Deux plans du château de Nice datant de 1620 et 1656 montrent deux versions avec de nombreuses différences mais qui peuvent s’expliquer par les aménagements du XVIIe siècle (nombre et localisation des tours).

A l’ouest, du côté de la ville, le château fait corps avec les remparts, comme il est possible de le voir sur d’autres châteaux des comtes de Provence à la même époque. Sur le terrain, la zone du front ouest conserve des restes de parements avec modules à taille bossagée avec de nombreuses reprises dans les parties supérieures qui peuvent être des vestiges d’une partie des assises du palais. Les différents inventaires consultés pour cette étude montrent que le château possédait bien plusieurs tours en plus du donjon. En comparaison avec les autres châteaux des comtes de Provence et l’iconographie ancienne, il est possible de penser que le donjon était à « éperon » et que l’un des bastillon était construit comme une tour à « chemise ». Le talutage du donjon, toujours en comparaison des autres châteaux et de l’iconographie, semble indiquer que le donjon était composé d’au moins deux étages avec des ouvertures.

Si les inventaires du XVe siècle sont utiles pour décrire l’intérieur du château, ils sont malheureusement inutiles pour les parties extérieures de celui-ci. C’est ici l’archéologie qui doit prendre le relais.

LES SIEGES DE LOUIS XIV

La ville de Nice a connu, durant une période brève, deux sièges meurtriers menés par les armées de Louis XIV en 1691 et 1705.

 Le siège de 1691

La ville fait partie à la fin du XVIIe, du duché de Savoie. Le duc Victor-Amédée II de Savoie, voulant échapper à l’emprise de la France, prend parti en faveur de la Ligue d’Augsbourg en juin 1690. En mars 1691 les Français, commandés par Catinat, franchissent le Var puis s’emparent des citadelles de Villefranche, du Mont-Alban, et de Saint-Hospice. Le 26 mars la ville de Nice se rend sans combattre, à la suite d’une sommation de Catinat avertissant que si la ville ne se rend pas, elle sera « exterminer par le fer et par le feu ». Le château résiste et le 30 mars, il est soumis à un bombardement intense. Le donjon, qui abritait le magasin à poudre, saute. Le 5 avril, le château capitule et ses fortifications sont détruites, alors que la citadelle était réputée imprenable depuis le siège de 1543. Suite à cette défaite, un grand projet de fortification du littoral est lancé sur les conseils de Vauban.

 Le siège de 1705

Louis XIV règne pendant 5 ans sur Nice. Mais dès 1703 Victor Amédée II de Savoie entraine le duché dans la guerre de succession d’Espagne contre Louis XIV. En avril 1705 le roi de France envahit de nouveau le duché. Le siège commence le 14 novembre et se termine le 4 janvier 1706 par la destruction totale du château. Quelques jours plus tard Louis XIV ordonne la destruction complète du château et de ses fortifications ; les pierres récupérées des remparts seront réutilisées par la population, laissant la colline en friche.

Ce document a été réalisé avec l’aide du service Archéologie de la Ville de Nice.
www.nice.fr

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