Laurence De Leersnyder et la recherche du geste premier (2/2)
Les parcours
Laurence De Leersnyder explore une poésie de gestes, en interaction avec des matières. Elle les choisit « meubles » et volontairement peu nobles ; terreau, terre, plâtre, résine, polyuréthane, lycra, contreplaqué cintrable, béton,.., participent de son lot quotidien. C’est une position qu’elle défend de façon passionnée par les possibilités qu’elles ouvrent, faisant fi des souhaits habituels des galeristes : « Les plâtres de Brancusi, de Giacometti ont autant de valeur que les bronzes ».
Tous ces matériaux qu’elle utilise en expérimentant avec leurs caractéristiques physiques et leur texture propre la renvoient à la simplicité de la vie, presque à l’origine de la création… quand les premiers artistes du Néolithique prenaient appui sur les reliefs de la roche pour faire surgir leurs formes.
« Inventer mes propres gestes, en dehors d’un savoir-faire e ?tabli. Des gestes e ?le ?mentaires, sans virtuosite ? particulie ?re. Face au mate ?riau, mettre de co ?te ? les applications commune ?ment admises. Chercher parmi ses possibilite ?s celle qui a e ?te ? ne ?glige ?e. »
Son approche est toute à la fois brute et sensuelle. Chacune de ses œuvres est à décoder non pas comme une sculpture, au sens classique, mais comme une empreinte, née de la confrontation entre la main de l’artiste et la matière dans ses potentialités et ses caractéristiques.
Aucune approche frontale, Laurence De Leersnyder choisit pour chaque parcours le mate ?riau qui invite a ? un geste particulier. Ses formes résultent des tensions antagonistes entre leurs contraintes et sa propre volonte ?. Elle a choisi intentionnellement « d’accepter de ne pouvoir tout composer » ; elle laisse la matie ?re suivre son activite ? ou son identité propre, tout en cherchant une manière paradoxale de l’utiliser.
Elle réfléchit, dialogue, s’adapte simplement avec sa ou ses matières pour trouver un équilibre, une sorte de régulation qui lie chaque de ?tail au tout, éliminant [1] seulement ce qui, dans l’œuvre, n’a pas de pertinence structurelle.
« Dans cette généalogie, dans cette recherche du geste et du désir premiers à partir desquels toute création devient possible, l’empreinte d’un bras s’enfonçant dans la terre équivaut à l’empreinte en ciment d’un monticule de sable.
C’est un travail aussi hardi que difficile car de cette quête ne jaillit souvent qu’une forme ingrate ; empreintes difformes, fragments grossiers. Mais cette forme âpre révèle aussi les formes possibles de la matière soumise à la contrainte. »
Gilles Drouault
L’idée préalable de l’artiste est abandonnée au profit de la seule intuition qui induit la place du geste dans le processus de création. Cette démarche n’exclut pas la référence ; toutefois celle-ci n’est jamais première. Pour Laurence De Leersnyder, ce qu’elle nomme « le mental » peut se substituer a ? « l’intellectuel » des divers mouvements de l’ancienne Ecole de Nice, mais pas seulement...
Les oeuvres résultent des essais, des expériences ou des évènements, voire « des accidents » qui rythment la vie quotidienne de l’artiste dans son atelier.
« Je suis inspirée par toutes les formes naturelles et de paysages. Mais j’essaye de me distinguer du paysage comme simple vue ou représentation pour réaliser une forme autonome servant une pensée et un système. A l’instar des formes liées à l’Archi-sculpture (André Bloc).
D’une manière générale, j’ai une préférence pour les formes irrégulières et non stables. »