Jean-Antoine Hierro… aux pays des mille natures (3/5)
PRÉSENTATION/INTERPRÉTATION
Isaac au pays des natures mortes présente une silhouette fragmentée d’un personnage, la main tenant la tête d’un animal, qui ne se laisse deviner qu’à partir d’une certaine distance en raison des multiples séparations qui perturbent la lecture immédiate de la scène. Isaac se laisse imaginer à travers des références ambiguës (le sacrifice, la présence de la bête ?). De nombreux éléments décoratifs occupent la plupart des surfaces (les natures mortes ?). La forme générale de l’œuvre renvoie à la silhouette d’une robe, ce qui inscrit cette œuvre dans le contexte des Dress Code réalisées par l’artiste.
Cette œuvre est significative de la démarche artistique de Jean-Antoine Hierro : à partir d’une réalisation ancienne (en l’occurrence le tableau de 1998) l’artiste intervient matériellement par une série d’actions, de découpages, de déchirures, et de prélèvements. À ces actions succèdent un certain nombre d’opérations plastiques qui relèvent d’un savoir faire évident lié à une esthétique contemporaine. Le recadrage, l’assemblage et la mise en espace permettent une restructuration de l’image qui se donne à voir différemment, hors du cadre rectangulaire traditionnel de la peinture classique. L’œil du spectateur reconstitue les vides des décalages pour donner corps à la scène et imaginer le riche décor qui l’agrémente.
MORPHOLOGIE
Par la prégnance de l’image, la forme générale de la robe s’impose à l’évidence, soulignée par les courbes du vêtement du personnage qui reprennent en écho les lignes extérieures. La fragmentation des images, par opposition, s’effectue le plus souvent avec des lignes horizontales et verticales, ce qui permet de structurer davantage la composition en lui donnant une assise orthogonale, et pourrait se substituer aux encadrements anciens. Ici le cadre est intérieur, matérialisé par les œillets et les chaines d’acier qui servent d’éléments de liaison à l’ensemble de l’œuvre.
Toutes les surfaces sont animées par des éléments décoratifs, comme le pratiquait Matisse dans la période où l’art islamique le fascinait ; cette occupation de l’espace ad infinitum confère une planéité à la « robe » qui ne laisse apparaître l’illusion de la réalité qu’au centre d’intérêt de l’œuvre. Cette main posée devant la tête de l’animal renvoie à l’anecdote de la scène mais aussi à la pratique classique de l’artiste qui est ici revisitée.
CHROMATISME
L’opposition des deux couleurs complémentaires jaune et violet, réparties de façon équitable apportent un contraste lumineux à la « robe » et mettent ainsi en évidence les deux têtes : celle de l’homme et celle de l’animal, dont les reflets de terres de Sienne se répondent en écho sur l’axe de symétrie vertical de l’œuvre ; les graphismes subtilement alternés proposent des inversions de tonalités sur les zones violettes et jaunes d’or pour animer des aplats des vêtements et du décor extérieur. Le gris de l’ombre portée, ainsi que les reflets métalliques des œillets et chaines d’acier ne sont pas innocents dans la présentation de l’œuvre car ils permettent d’apporter un apaisement à la virulence des couleurs.
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