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Axel Pahlavi ou la peinture de la réincarnation

L’artiste est encore jeune, pourtant sa production est déjà immense et sans cesse renouvelée d’exposition en exposition. Bien que multitâches, l’artiste privilégie désormais la peinture. Avec habilité, Axel Pahlavi met ses pinceaux au service de son imaginaire pour questionner la figure humaine, la mort, la chair dans la peinture. Au travers d’une production d’œuvres extrêmement variées, la démarche reste permanente et son projet double : donner un nouveau souffle à la narration d’une part, mettre en scène l’introspection, le cheminement autobiographique et la déclaration amoureuse, dans la recherche d’une liberté plutôt mystique d’autre part.

Axel Pahlavi, Energie, 2000, Galerie Galerie Eva Huber

Pour valoriser la dite « narration », l’artiste nous entraîne dans une disparité de registres dans des styles plus anachroniques les uns que les autres. Il peut puiser dans son quotidien ou/et faire référence à Géricault, Delacroix ou encore Goya. Cette disparité très calculée a pour référence tout aussi bien à la peinture classique ou la décoration religieuse auquel il revient de plus en plus fréquemment que, sans état d’âme, la bande dessinée, les films de science-fiction, la culture rock ou encore les univers gore américains.

« Je repense au XXème siècle, à Picasso, à Bacon. En mettant ensemble de nouvelles formes très différentes, ils recherchaient l’énergie plus que la représentation. C’est ce que je poursuis et malgré moi, au niveau de la forme, ça devient une figure violente. C’est du domaine de l’inconscient, de ce qui se passe derrière. Pour moi le tableau est réussi quand il y a vraiment une forte énergie à l’intérieur. Alors, est-ce qu’il y a moyen de mettre beaucoup d’énergie dans une figure et la laisser tranquille ? Je me pose la question. En même temps, j’utilise de plus en plus de figures qui viennent vers la mode. Chez mes jeunes filles, même s’il y a des choses monstrueuses, il y a quand même, qui flotte ici ou là, quelque chose de ce qu’on appelle le beau aujourd’hui. Mais ce beau est agressé par des gros coups de pinceaux, des coulées ; de belles choses mêlées à d’autres, très laides, dans une volonté d’en tirer encore d’autres, très différentes. En vérité, c’est nouveau et je ne connais pas ce qui va se passer ! Ce sont des tableaux difficiles à regarder. Mes prochains tableaux seront, un saint Sébastien et Florence en Olympia. Une peinture très XIXème, très peinture de chevalet, comme je n’ai encore jamais fait ! Je vais la photographier, d’une manière plutôt sensuelle mais je travaillerai ensuite sur une peinture épaisse, sur les transparences, les glacis… L’idéal serait que Florence pose, huit heures d’affilée mais c’est impossible. Les choses vont tellement vite aujourd’hui… Je me souviens qu’en Bulgarie, sans doute un héritage stalinien, on faisait encore poser les gens sans bouger des heures durant, une sorte de rapport de maître à esclave. Avec la photo, on évite cela mais c’est beaucoup moins bien. Le modèle est figé et pour mettre de la vie, de l’épaisseur, il faut l’exploser, le détruire !  »

Alex Pahlavi, Texte paru dans COTE Magazine, 2007

Axel Pahlavi, Charlotte, 2008

Tout dans la recherche immodérée de formes, ses thèmes demeurent centrés sur sa passion très amoureuse du Christ, de l’autre -dont sa femme- et de la peinture dont les contours semblent lui échapper et sur lesquels il revient en permanence comme dans un délire insaisissable.
Par exemple, Soleil crachés 2005 se présente comme retour en arrière introspectif, mené jusqu’aux origines adolescentes de son amour pour la peinture. Cette déclaration amante se traduit par cinq œuvres de reprise agrandies qu’il revendique comme ses jalons fondateurs. Ce mouvement de retour en arrière se veut incontestablement comme un toujours « plus », une volonté irrésistible de cheminer plus loin qui s’inscrit dans la recherche viscérale d’une liberté originelle qui trouverait son expression dans cette spontanéité, où seule en définitive la chair fait sens.

Axel Pahlavi, Autoportrait, 2006, Galerie Eva Huber

Planète interdite (2009) est également une histoire personnelle racontée grâce à des illustrations opulentes, accompagnées de portraits intimes.

Axel Pahlavi, Saint Michel, 2009, Galerie Eva Huber

« On entre dans l’œuvre d’Axel Pahlavi comme on « entre en religion », en acceptant qu’une force que nous ne pouvons pas nommer nous guide dans un récit, nous prenne par la main pour nous raconter une histoire de peinture. Pour l’artiste, toute création est affaire de transformation, mais aussi de relation à l’autre, à celui qui accepte de regarder. Alors, regardons…
L’exposition se présente comme un voyage dans une pensée qui s’incarne progressivement, et il faut suivre, de tableaux en tableaux, la force contenue des gestes mis en scène : de l’étrangeté d’une main pansée à la goutte de sang qui perle, à la simplicité d’une main pudique cachant légèrement un sexe laissé dans l’ombre, c’est une chorégraphie de la douceur qui se met en place. Faisant écho à un tableau précédent L’Amour plus fort que la mort, 2010, le peintre reprend la thématique de la femme clown ; mais, ici, le nez rouge est tombé et le visage barbouillé de blanc s’est relevé, ouvert, vers quelque chose d’autre que lui-même, sur un au-delà de la mélancolie. Tout près, le corps de la femme est encore là, nu, debout, en position d’attente éternelle. La toile, verticale, s’élance vers un sommet qui pourrait être un ciel. Avec pour seul décor un grand drapé froissé, elle bouleverse par son dépouillement, qui est à la fois plénitude.
« Talitha Koum », « Jeune fille, lève toi et marche ! », telle est la parole guérisseuse du Christ. Ce titre à l’impératif venu de l’araméen et du fond des temps, serait alors une exhortation au mouvement perpétuel de la vie. Cette jeune fille c’est justement la Vierge, femme encore enfant que Pahlavi représente dans une Annonciation de très grand format, dans la plus grande tradition de la peinture occidentale. Mais, à la différence de Fra Angelico ou de Botticelli, Marie, modestement représentée dans la partie inférieure gauche, est seule dans l’image. L’archange Gabriel s’incarne en une immense lumière qui envahit presque tout l’espace et évoque la peinture abstraite, pourquoi pas la profondeur perceptive d’un Rothko : le vide devient présence. L’artiste semble vouloir serrer dans ses bras ce petit corps qui ne peut pourtant pas se briser, cette incarnation de l’infinie beauté du monde, fragilement enveloppée dans son voile.
Puis, c’est au tour du Christ d’entrer en scène, le Christ en larmes supportant le corps d’un être chancelant, celui de l’artiste lui-même, figure du péché et du monstre, clown dévasté en jean et baskets, au corps de danseur laissant son poids se rendre enfin aux lois de la gravitation, entièrement évanoui et soumis à l’autre, celui qui a encore la force de le soutenir, de l’empêcher de s’écraser sur le sol. Ce que peint ici Pahlavi dans cet étrange autoportrait, c’est la rencontre de la liberté humaine et de la liberté divine, dans la communion de deux corps. Enfin, I.N.R.I, le Christ est sur la Croix, les mains clouées, dans un paysage chargé de bleus profonds ; la résurrection est à venir.
Ainsi, après la Crucifixion, Axel Pahlavi peint la plus douce révélation, celle de l’amour de l’enfance qui marche désormais, au centre d’une constellation heureuse, juste avant que l’aube d’été ne se lève humblement et fasse entendre le chant des oiseaux."

Léa Bismuth, critique d’art à propos de l’exposition Talitha Kum, 2012,
Galerie Eva Hober

En début de carrière, Axel Pahlavi prenait à bras le corps la peinture en mettant à mal le corps ! Avec puissance, le récit s’installait dans la forme.? Aujourd’hui, l’intrigue s’incarne dans une contemplation plus circonspecte, laissant alors les figures s’établir sur la toile. Plus calme et plus discret, l’artiste procure à l’observateur une situation ou retranscrit un état et… laisse la peinture raconte. Encore faut-il avoir « en tête » ses référents, or ils sont disparates (voir l’analyse d’une œuvre, la prochaine semaine).

Axel Pahlavi, Pahlavi, 2000, Galerie Eva Huber
Axel Pahlavi, Envahis mon cœur d’amour ce soir, 2012, Galerie Eva Huber

La suite dans la newsletter du 4 avril prochain...

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