Axel Pahlavi ou la peinture de l’incarnation
DESCRIPTION /INTERPRÉTATION
À la première lecture de cette œuvre s’impose de manière évidente l’anecdote que propose l’artiste : le personnage principal, une jeune femme pratiquement nue, assise sur un lit, affublée d’un maquillage de clown, le regard pensif ; plusieurs thèmes surgissent en rapport avec le contact frontal d’une peinture aussi classique : le nu, l’amour, les clowns…la mort, évoquée dans le titre. Mais tout demande une réflexion à plusieurs degrés, relayée à la fois par le traitement pictural et par la mise en scène savante.
La virtuosité technique ne se contente pas de traiter le nu comme le ferait n’importe quelle peinture académique, car elle n’épargne ni les imperfections naturelles, ni les aléas de la pose qui ne privilégie pas vraiment la rigueur d’une esthétique idéale. Loin des Vénus du 19ème siècle, le corps ne reprend pas le canon des nus traditionnels, mais présente une femme « naked » et non « nude » comme le justifiait Lucian Freud dans la représentation de ses nus ou aucune concession n’était faite ; l‘incarnat de la chair ou l’aspect laiteux de certaines rotondités font preuve d’une véracité « naturaliste », ainsi que la position voutée de la femme de l’artiste. La mise en page décalée du corps laisse toute la place aux « indices » qui nous permettent une appréhension plus pertinente de la scène : la culotte bleue négligemment jetée sur le drap ou la poupée qui semble impliquer le spectateur par son sourire narquois font référence à l’enfance perdue, tandis que les accessoires qui couvrent certaines parties du corps (les gants ou les collants blancs), outre la connotation traditionnelle de la pureté matrimoniale semblent se référer davantage au fétichisme que l’on pourrait trouver sur les poupées de Bellmer.
Un amour ambiguë, donc, oscillant entre la pureté et le fantasme, la réalité et l’artifice, traduit par la problématique du clown qui laisse entrevoir ces deux aspects confrontés sur le visage de la femme, véritable centre d’intérêt de l’œuvre : tout se joue sur le regard porté vers la gauche (le passé, la virginité perdue, « la mort » ?) et le démaquillage progressif qui accentue la confrontation du réel et du factice, comme la chair et ce qui la cache avec la transparence trompeuse des collants blancs.
MORPHOLOGIE
La séparation en deux parties égales de la toile par la diagonale que forme le bras de la femme et sa jambe gauche semble vouloir regrouper les éléments pertinents de l’œuvre dans un même espace pour laisser une vaste zone de repos à droite, propice à la méditation ou à la réflexion que semble amorcer le personnage. Aucune information ou aliénation du décor ne semble perturber la limpidité de ce mur livide qui s’impose par son immatérialité.
Toute la liberté graphique est alors octroyée à l’espace de gauche, figure triangulaire à l’intérieur de laquelle se déploient abondamment les courbes et les contre-courbes du corps féminin opposées aux parallèles obliques qui dynamisent la composition.
CHROMATISME
À l’évidence, les variations subtiles des blancs les plus délicats constituent la part essentielle du chromatisme de l’œuvre : les nuances chaudes des collants, intensifiées par la peau sous-jacente des jambes de la jeune femme s’opposent aux blancs plus froids des ombres portées sur le mur ; les modulations ocrées des draps ou de l’oreiller multiplient les échos plastiques avec les reflets chatoyants de la chair.
Mais il n’y a pas que cela, car la virtuosité de l’artiste s’intéresse aussi à la matérialité des objets, comme si le rendu des textures rejoignait les préoccupations fondamentales des peintres animaliers du 18ème siècle, tels Jean-Baptiste Oudry et son Canard Blanc ou certaines natures mortes de Chardin. Car nous sommes réellement dans ce registre : la transparence du collant ou des gants, le velouté de la soie avec ses pliures abruptes, la matité du mur, l’aspect crémeux du maquillage, l’abat-jour du fond ou le visage blafard de la poupée constituent autant de variations texturales, à partir d’un même chromatisme, répercutées sur un éventail d’objets en rapport avec la « pureté ».
Cette redondance de signes évoque les Annonciations symboliques des primitifs flamands où le blanc virginal prédomine. La couleur vive joue alors le rôle de contrepoint : le rouge du nez de clown et de la bouche, repris par les tétons à travers un rythme ternaire n’est-il pas ici pour dénoncer l’impureté ? Alors que la culotte bleue, reprise par les reflets azur du drap, sert de point stratégique pour illuminer la scène… bleu virginal, sans doute ?
Pour en savoir plus
Expositions personnelles
2013. … car je suis malade d’amour – Galerie de la Marine, Nice
2012. Talitha Kum - Galerie Eva Hober, Paris
2011. L’amour transpercé par la mort - Galerie Eva Hober, Paris
2009. Planète interdite - Galerie Eva Hober, Paris
2008. La porte immobile - Galerie Eva Hober, Paris
2007. Requiem - Stephan Stoyanov Gallery (formerly Luxe Gallery), New York
2006. Fleur fanatique - Galerie Eva Hober, Paris
2005. Soleils crachés - Galerie Eva Hober, Paris
2002. Gratte-ciel - Galerie Alain Couturier et Lola Gassin – Nice
Exposition avec Florence Obrecht
2006. Les mondes engloutis – Galerie Solers - Sofia
2005. Fiction - Galerie Sintitulo - Mougins
2003. Je prends la vie, tu prends la mort – Galerie encours – Paris
Expositions de groupe
2012.
Beautiful painting is behind us - Maribor Art Gallery, Maribor
Voir en peinture - La Box - École Nationale Superieure d´Art de Bourges, Bourges
À l’origine, Nice… - Marlborough Monaco, Monaco
Summer group show, Galerie Eva Hober
2011
Arc-en-ciel - Galerie vom Zufall und Glück, Hannover
2010
Sic Transit Gloria Mundi - Galerie Eva Hober, Paris
Collection 3 - Fondation pour L’art Contemporain, Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex
2009
"Dialogue" sur "l’inquiétude du quotidien" - Anne-Marie et Roland Pallade - Art Contemporain, Lyon
2008
The Flowers Of Evil Still Bloom / Spleen : Les Fleurs Du Mal - Cueto Project, New York, NY
2005
Anthropography III - Frissiras Museum, Atenas
The Frissiras Museum Contemporary European Painting Award - Frissiras Museum, Atenas
Is Not about Sex - Stephan Stoyanov Gallery (formerly Luxe Gallery), New York
1999
Philia - Centre d’Art Passerelle, Brest
Film
Alex Pahlavi, l’Art et la manière de Joëlle Oosterlinck, 2010,
Joelle Oosterlinck propose un personnage touchant, pétri de culture rock et comme toujours grand amoureux de sa femme qu’il peint depuis des années. Elle le filme en famille et avec ses amis à Berlin. Elle le suit également l’élaboration d’une de ses toiles présentée finalement à la galerie Eva Hober dans le cadre de l’exposition collective Sic Transit Gloria Mundi.
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