Frédéric Ballester, excessivement passionné
– Frédéric Ballester
– 58 ans
– Directeur du Centre d’Art la Malmaison
– Se définit comme un montreur d’images
Excessif mais ne supportant pas les extrémismes, démocrate virulent et profondément croyant, fanatique de la chaine Arte mais détestant les romans … Entre un père catalan et une mère suisse, Frédéric Ballester ne pouvait être que compliqué, tiraillé entre deux mondes.
Un bonheur pour le portraitiste.
Portrait
« Je suis un démocrate virulent, aime à dire Frédéric Ballester. Mon père m’a légué sa virulence catalane. Comme lui, je suis républicain, sa profondeur révolutionnaire est toujours en moi ».
Originaire de Gerone, en Catalogne, et issu d’une famille bourgeoise, le père de Frédéric Ballester, de son vrai nom Delgado Ballester, était destiné à être prélat : il choisit le commerce et s’engagera bientôt dans le camp des républicains durant la guerre d’Espagne, quittant le pays en 1939 lors de la victoire des nationalistes pour se réfugier en France. Farouchement engagé pour la liberté, il est aussitôt récupéré par le réseau Frédéric Joliot Curie (d’où le prénom donné plus tard à son fils) et devient résistant.
C’est ainsi que naît Frédéric Ballester, à Paris dans le XIème en 1950, d’une mère d’origine suisse, elle aussi issue d’une « famille bourgeoise révolutionnaire ».
Bientôt, ses parents s’installent dans la région de Toulon : son père monte une affaire dans l’électroménager, gagne beaucoup d’argent, fait construire une maison et - on ne se refait pas - se lance dans la politique, jusqu’à sa mort en 1962. Drame, sa mère se retrouvant seule avec 5 enfants, Frédéric est mis en pension : il y restera jusqu’à 18 ans. Déjà, il aime l’art mais, pour se montrer sérieux, il commence par un baccalauréat technique dans le but de devenir ingénieur en céramique. Avant de choisir finalement de faire les Beaux-Arts de Paris : un premier cycle en architecture, suivi d’un diplôme national, avant d’étudier droit et histoire de l’art à la faculté d’Aix en Provence. De fil en aiguille, il est devenu expert en œuvres d’art contemporain auprès de la Cour d’Appel.
Avec sa première femme, danseuse, il s’installe à Sanary, dans un vieux moulin à huile, un bel endroit où il reçoit des enfants pour des « cours d’expression libre », alors à la mode dans les années 70 : ça marche si bien qu’il est un jour filmé par FR3 … Ce qui lui permet de se faire remarquer par Danièle Giraudy - c’est elle qui a inventé la pédagogie dans les musées - qui le convoque et lui propose un poste au musée Cantini de Marseille.
Nous sommes en 1973 : c’est là que commence vraiment sa carrière, il est chargé de mission au service pédagogique. Il y restera neuf ans, à « travailler comme une bête à la scénographie d’exposition ».
En 1983, il arrive à Cannes, appelé par Jean-Roger Soubiran, pour créer les Salons de la Malmaison, d’où il est expulsé quatre ans plus tard par un changement politique.
Il se fait alors Commissaire d’expositions à son compte, monte de nombreuses expositions à Paris, Berlin ou en Corée, travaille comme expert auprès de la Cour Européenne, et crée (en 1989) la première Biennale de la jeune peinture, regroupant 150 artistes, sur le thème « humour et révolution ». Bientôt, il ouvre sa propre galerie, qu’il fermera en 1996 à la mort de son fils Mathieu, un drame intime dont il ne s’est jamais remis.
En 2000, la ville de Cannes lui commande l’exposition « d’un rivage à l’autre » : à cette occasion, il rencontre David Lisnard, alors Adjoint à la culture qui l’embauche comme Directeur du centre d’art de la Malmaison ... ce qu’il est toujours aujourd’hui.
« Montreur d’images »
Frédéric Ballester se définit comme un montreur d’images, qui aime « donner du plaisir ou des questionnements » : « Je ne suis pas un extrémiste en art contemporain ». A la Malmaison, où il a carte blanche, il a exposé des artistes connus, reconnus, et (relativement) grand-public : Miro et Picasso, Masson le surréaliste ou Combas ...
« J’aime les créateurs, sans doute par masochisme. Moi-même, je ne suis pas un mec facile, mais je crois être généreux dans mon métier ».
Car Frédéric Ballester est un « gros bosseur », qui a derrière lui 150 expositions montées, et pas un jour de vacances ces sept dernières années. Dans son bureau de la Malmaison (devenu sa deuxième maison !), il a besoin d’être entouré de ses gris-gris, pour soigner sa « passion, sa maladie de la collection », voire son « fétichisme de l’objet ». Même si ses goûts sont extrêmement éclectiques, depuis la gravure du XVIIème jusqu’aux masques de Cote d’Ivoire en passant par une Marionnette Moya ou un dragon chinois. Eclectique autant que passionné, « combattant au quotidien, excessif, méditerranéen », capable de courir 24 kilomètres dans une journée car il en a « besoin », Frédéric Ballester ne fait pas les choses à moitié. Il adore ou déteste avec la même force : il a la passion du livre, qu’il pioche parmi les 30.000 que contient sa bibliothèque, est un fanatique d’Arte mais déteste lire des romans, même s’il a en ce moment « envie d’écrire un roman pour démystifier ses mensonges ».
Sa grande passion actuelle va au surréalisme, André Breton et Paul Eluard, son champ de lecture de 1900 à 1940 : c’est ça, précisément, et pas autre chose.
Mais qu’est-ce donc qui pousse Frédéric Ballester ? Qu’est-ce qui le motive pour déplacer des montagnes ? La foi bien sûr : conscient de la brièveté de la vie, il en apprécie d’autant plus la « chance de vivre ». Profondément croyant, très mystique, intéressé par toutes les religions et proche du bouddhisme, il se dit « attiré par la force que véhiculent les hommes qui croient » : « Dieu créateur, le mystère de l’univers, j’y crois. Dieu me ramène à ma petite existence. Je crois à l’esprit. Même quand je marche, je prie, je remercie la nature de ma donner la vie … Ma religion, c’est Dieu ». Mais qu’on ne s’y méprenne pas : Frédéric Ballester ne supporte pas les extrémismes. Passionné … mais réfléchi !
Informations pratiques :
Centre d’Art La Malmaison 47 boulevard Croisette 06400 Cannes
T : 04 97 06 44 90
- Exposition à voir absolument : « Le monde est fou, j’adore ! », Antonio Saint Silvestre, jusqu’au 30 novembre 2008, La Malmaison