De son ancien métier de mannequin, Christine Ferrer a gardé le goût des robes, mais celles qu’elle crée sont plutôt des ersatz, des fantômes, des simulacres de robes cousues de grilles ou de grillages.
Ces cottes de mailles d’une armure bien peu protectrice sont ensuite incrustées de raphia, de branches d’arbres, de différents matériaux qui s’attachent, se cousent ou s’imbriquent comme dans les tenues d’apparat brodées de pierres précieuses ou de bijoux. De toutes tailles et de toutes textures, encadrées ou sous cloches de verre, elles peuplent l’exposition à la manière d’un musée du costume très particulier.
Même si elles indiquent des anatomies féminines plutôt épanouies, loin des maigreurs mannequines, ses robes signent l’absence de corps (une d’entre elles est d’ailleurs intitulée : "Grand corps absent").
D’autres figures humaines, plutôt masculines, sont juste esquissés, fantômes de toile de jute éclairées de petits lumignons soulignant des silhouettes dansantes, telle la ronde lumineuse figurant sur l’affiche de l’exposition.
Christine Ferrer joue avec les mots comme avec les matières.
Son premier travail artistique, le mail art, était lié à l’écriture, à l’adresse, à l’échange d’objets-messages. Sa trajectoire du mail art à l’art de la maille s’est faite très progressivement en un grand nombre d’années.
Sur des tissus de fil de fer tressés, elle brode aussi des verbes d’action : résister, réparer, s’épauler, être en lien, manger, danser, etc.
Ses gestes princeps : coudre, broder, attacher, fixer, sont ceux d’une couturière ou d’une araignée qui tisse sa toile et enserre ses proies dans ses filaments.
Sa pratique lui permet aussi de relier matériellement et symboliquement son histoire familiale.
En cousant des vieilles photos entre elles dans un ordre déterminé par le sens qu’elle donne à chacune et par ses choix esthétiques, l’artiste les fixe pour une éternité librement déterminée.
De vieux objets, des miroirs tachés, servent aussi de support à des mots : Madre (anagramme de Dream), Attendre, Surgir, Se Dérober, etc. Sur d’anciens documents timbrés, elle complète les effigies de Marianne par de vagues silhouettes de corps flottants.
Pour mieux mettre en valeur les œuvres, Stéphanie Hugues, la Scénographe et Commissaire de l’exposition, a choisi de créer une atmosphère plutôt sombre d’où émergent les sculptures et dessins.
Son « Grand Corps Tremblant » à l’extérieur et l’installation au pied de la fontaine de dizaines d’embauchoirs à chaussures nous renvoient probablement à la danse, un des arts exercés par l’artiste dont l’ensemble du travail se réfère à la mémoire, à la féminité, la nature, la lumière, le temps qui passe.
A lire, le superbe texte poétique de Marie-José Mondzain où sont convoquées les figures d’Ariane, de la fileuse, du funambule, le fil de l’écriture, de l’épée, le filet de voix... Tous fils joliment tissés par l’auteure.