Formée en histoire de l’art à l’Université du Pays Basque, puis à La Sorbonne, Lola Garrido se passionne très vite pour l’image : elle organise à Madrid le premier festival d’art vidéo avec Bill Viola et Gary Hill, devient conseillère au ministère de la Culture espagnol, puis directrice de projets de la fondation Banesto.
Critique d’arts spécialisée dans la photo, elle organise aussi des dizaines d’expositions et participe à de nombreuses revues et émissions. Elle est aussi l’auteur d’un ouvrage sur le marché de l’art.
En 1986, elle achète sa première photo (Kerte ?sz) et réunit en trente ans une collection de 700 pièces (du début du XXe siècle jusqu’en 1990) comprenant des œuvres historiques de Rodchenko, Man Ray, Cartier-Bresson, Robert Capa, etc., mais aussi d’avant-garde avec un attrait particulier pour les meilleurs repre ?sentants espagnols : Philip et Cristina Garci ?a-Rodero, Chema Madoz et Alberto Garci ?a-Alix.
Pour sa collection, Lola Garrido a privilégié un choix très subjectif d’images issues du quotidien, des portraits de femmes, des photos métaphores du monde, en liaison avec sa propre histoire, "au niveau du cœur". Des images sensibles, émouvantes (dans émouvoir, il y a voir), documentaires aussi, car devant toute photo-graphie (écriture avec de la lumière), on est toujours devant une temporalité, un temps arrêté, un temps passé. Elle est la preuve de quelque chose qui a existé (les premières images : portraits, paysages, monuments, etc., ont été réalisées pour immortaliser un événement).
La lecture d’éléments (vêtements, vitrines) qui composent chaque photo donne nécessairement des informations sur l’époque. Découpant la réalité par ses cadrages, elle impose aussi un point de vue, mais en même temps s’adresse à l’imaginaire, créant une émotion qu’il appartient au spectateur d’interpréter : "ce que vous voyez rejoint ce que vous avez dans la tête".
En provenance du Musée Pouchkine de Moscou, l’exposition montrée à Campredon est riche de 63 grands noms et de 94 photos. Elle comprend de très belles pièces : le mystérieux homme dans l’eau de Kerte ?sz, un très beau profil de femme de Mapplethorpe, l’iconique photo dans le rétroviseur de Elliott Erwitt, une des rares photos érotiques de Henri Cartier Bresson (la Besogne à Charnée), trois photos mystérieuses d’un homme jouant avec des chaises de Jurgen Klauke. On y retrouve aussi des personnalités célèbres : Anna Karina au milieu d’un marché parisien (Frank Horvatt), la jupe rayée de Varvara Stepanova (Rodchenko), une photo très graphique de Marlène Dietrich un verre à ses pieds (Milton H. Greene), une Maryline de Marti Cole, etc...
Autres ambiances particulières, le milieu de la nuit avec Nan Goldin : une prostituée devant son miroir "Joy in my Mirror at Horn Street", ou la petite série de Dorothea Lange de portraits de migrants montrant que la thématique des réfugiés a accompagné l’histoire humaine : images de bateaux, de manteaux, de groupes dans l’attente, de bas rapiécés ("Migrants mother").
La très belle affiche de George Hoyningen-Huene donne le ton : un couple de baigneurs scrute l’horizon, laissant deviner une attente, une inquiétude, une espérance...
Chaque collection laissant deviner le portrait du collectionneur, la sensibilité de Lola Garrido transparaît. Il n’y a pas (ou très peu) de paysages, de monuments à part une vue de pyramides sous une tempête de sable (à l’entrée), mais plutôt une recherche d’ambiances, d’atmosphères. Des œuvres liées entre elles comme autant de miroirs de ses émotions... Une "mémoire faite d’instantanés".
Dans la salle vidéo, plusieurs courts-métrages à ne pas manquer.
D’après une idée de William Klein, dans une série faite pour Arte, quatre photographes :
Elliott Erwitt, William Klein, Henri Cartier Bresson et Boubat, penchés sur leurs planches contact, font part de leurs réflexions, de leur analyses et de leur choix difficile de la "bonne photo" qui, pour Boubat, est toujours une aventure, un cadeau.