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Fin de cet événement Mai 2015 - Date du 23 avril 2015 au 30 mai 2015

Marcel Bataillard

Alain Amiel vous invite à découvrir l’exposition "Version originale sous-titrée" de l’artiste Marcel Bataillard accueilli chez Lola Gassin.

Marcel Bataillard, arrivé dans l’art dans les années 80 au moment du retour à la figuration, a très vite associé littérature et travail sur l’image.

Peintures, vidéos, écritures, performances, ses aller-retours permanents entre différentes techniques lui permettent de remettre en question divers aspects de la représentation.

Parallèlement, il fait de la musique. Bercé depuis l’enfance par les chants corses de sa mère, mais rapidement, c’est l’Improvisation qui l’intéresse, la trituration du son, la performance. Il participe à plusieurs aventures musicales collectives (Festival Manké, Les Insupportables, un trio musical avec Frédéric Brandy et Kristof Everart).

En 1993, il s’affranchit de la perception visuelle en s’autoproclamant peintre aveugle et développe alors une pratique où il réalise des œuvres plastiques autour des thèmes de la nuit, du toucher, de l’absence d’image.

Récupérant ensuite sa vision, franchissant en quelque sorte le pas entre la non-voyance et l’hyper voyance, ses récents travaux vont naître à partir d’images prélevées dans la rue, d’archives personnelles, de documents récupérés sur Internet, etc.

Disponible à la surprise, à l’étonnement, à l’inattendu, au cocasse, il cueille des images au gré de son humeur, de ses intérêts ou simplement parce que son œil a été attiré, qu’elles lui rappellent consciemment ou inconsciemment quelque chose ("On dit que j’imagine, c’est pas vrai, je m’en souviens", dixit van Gogh).

La série "Je suis une légende" rapproche images et écrits.

Chaque œuvre se constituant en trois temps : l’instant de la photo, le choix du texte, puis l’assemblage des deux pour une mise en confrontation ("parfois tout peut venir en même temps").
Comme des aphorismes, ces énoncés sont articulés aux images à la manière des signes orthographiques : point, virgule, point d’interrogation ou d’exclamation, voire contrepoint.

Simplement lus et interprétés, ils délivrent de nouvelles perceptions ou conceptions - Percept et concept assemblés pour un meilleur dire.

Dans certains cas, la confrontation peut être déjà à l’intérieur de l’image, comme pour cette photo d’un clochard endormi qui a pris soin de bien organiser sa couche sous deux caddies, ses chaussures bien rangées à côté de lui. Il est au bord de l’eau, d’un paysage paradisiaque sur lequel flotte un drapeau français accolé à un sens interdit, l’ensemble formant presque un rébus. Sous la photo, la phrase : "res publica, une chose publique en berne et bernée" accentue le propos.

© Marcel Bataillard

Autre aphorisme, avec ce ballon venant choir sur sur un trottoir tout juste réchappé, qui renvoie à "l’espoir du condamné" (à Miro).

© Marcel Bataillard

Une image trouvée dans ses archives, une déchirure, un accident de la photo qui a fait apparaître des formes de nuages dans un ciel immaculé évoque pour l’artiste un texte de Goethe, "la forme des nuages selon Howard", du nom du scientifique qui a donné leurs noms et leur typologie aux nuages.

Ou encore ce double stop illustré par cette maxime particulière : "Penser à autre chose et faire le contraire".

© Marcel Bataillard

L’exposition montre de nombreuses autres photos à découvrir et à comprendre comme un jeu de piste, un rébus à deux temps.

La série "Au passage" pourrait être considérée comme une variété de carnet de voyage, mais sans mention de date ni de rue, avec juste la ville et l’heure sous des photos de passages bouchés

Cette fermeture de portes ou de fenêtres, de passages (pas-sages ?), est réalisée en une variété de styles rappelant l’art brut, chacune racontant quelque chose et posant des questions sur ce qui a nécessité de boucher ces portes (appelées aussi portes aveugles, elles nous renvoient à sa pratique artistique de "peintre aveugle", où il dessinait et peignait les yeux fermés - pour mieux voir ?).

Chaque passage bouché raconte quelque chose de différent.

Ainsi, ce mur soigneusement lissé, sur lequel a été rajouté (brutalement) un compteur raconte ce que sont les hommes, leur rapport au travail des autres.

© Marcel Bataillard

ou cette fenêtre bouchée qui dit quelque chose de l’art ou du rapport à l’esthétique, la fenêtre vue comme un tableau.

© Marcel Bataillard

ou cette esquisse de porte, ou porte symbolisée. Est-elle le projet d’une ouverture ? Rappelant une marelle, elle a quelque chose d’enfantin...

© Marcel Bataillard

Ce qui m’intéresse, dit Marcel Bataillard, c’est "aller voir où je ne sais pas, où je n’ai pas appris", il s’amuse en faisant et s’ennuie dès qu’il sait.

Curieux de tout, associant images et textes, il se joue du sens, des sens, appréciant, le détournement, le décalage, la remise en question. Son regard affûté sait saisir ce qu’on ne voit pas et l’articuler à des écrits. Tout en s’intéressant à la rue, à l’agora, il pratique un art cultivé, réflexif.

De son savoir-faire de graphiste, il a le réflexe de réfléchir sur la présentation de l’œuvre (la forme adéquate au fond) et s’attache à rendre cohérent l’ensemble (chaque série a son propre format, sa présentation singulière). En rejetant l’anecdotique, il trouve la forme la plus juste pour mettre en valeur son propos et se concentrer sur l’essentiel.

Cette exposition pourrait se présenter comme un livre dont on aurait prélevé des pages, un genre d’autobiographie artistique mettant au jour ses racines, ses désirs, son regard complexe et amusé sur le monde.

Marcel Bataillard Version originale sous-titrée

Exposition du 23 avril au au 30 mai
chez Lola Gassin
49 rue Maréchal Joffre 06000 NICE
T : 04 93 88 68 25 (sur rendez-vous)

Photo de Une : Scholie-1453 © Marcel Bataillard

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