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Fin de cet événement Mars 2015 - Date du 16 décembre 2014 au 8 mars 2015

La lingua nostra

Surprenante exposition Canis Lingua Marc Alberghina dans l’atelier MADOURA à Vallauris jusqu’au 8 mars 2015.

La lingua nostra - Marc Alberghina à Madoura, lieu d’Art, d’Histoire et de Création

S’intéresser à la langue, étudier de près sa structure, sa logique, son fonctionnement, occupe de nombreux chercheurs depuis plus d’un siècle. Une discipline, la linguistique, est née, qui étudie de près ce moyen essentiel de communication. Mais cette langue dont le plus souvent on parle (et qu’on parle) n’est que la métaphore d’un organe essentiel, une des merveilles du corps humain, à la croisée de l’ingestion, du souffle, de l’articulation des mots et du sexuel. C’est celle qui intéresse Marc Alberghina.

Les artistes qui, pourtant, ont exploré le corps avec un intérêt tout particulier se sont rarement penchés sur la représentation physique de la langue.

Marc Alberghina lui redonne sa vraie place en sculptant des langues humaines impressionnantes par leur volume et leurs formes somptueuses.

Elles sont sublimées par des colorations éclatantes dues à des émaux outranciers, ceux utilisés dans les années 50 et 60 à Vallauris sur ces productions « kitsch » qui participèrent tant de l’identité de la ville.

Langue Madoura © Marc Alberghina

Continuateur donc de la riche histoire vallaurienne, Marc Alberghina en a expérimenté toutes les techniques : celle du jaspé et surtout celle du flammé, technique née au début du XXe siècle.

Ici, il se caractérise par l’utilisation d’un blanc laiteux sur un fond rose. Ces derniers sont devenus très rares (l’Hospieds, l’entreprise qui les fabriquait a disparu et c’est grâce à Anne Aureillan, fille de Robert Picault, célèbre fabriquant de Vallauris, qu’il a pu en obtenir).

La technique du flammé le passionne particulièrement car elle permet des mélanges finalement assez « border line », des écoulements, des effets de transparence et des matières spectaculaires. Leurs colorations puissantes (roses intenses, rouges sang) expriment un excès, une opulence, une profusion symbole des Trente Glorieuses. Elles font penser, dixit Marc, "aux films de Fellini, aux banquets avec des gros plans sur les bouches".

Langue 03 © Marc Alberghina

Musculeuse, mobile, habile, la langue est pour la bouche ce qu’est la main pour le corps.

Elle s’empare de la nourriture ou de la boisson, la malaxe, la prépare pour la diriger vers l’œsophage. Constituée d’une multitude de récepteurs sensoriels, les papilles, qui lui donnent sa texture particulière et transmettent au cerveau les informations sur les caractéristiques gustatives des aliments présents dans la bouche.
La langue joue aussi un rôle important dans la sexualité. Elle est sensuelle : Les baisers profonds renvoient à un lointain passé où la nourriture pour les bébés pouvait être transmise de bouche à bouche. Elle permet les rapprochements, le contact plus intime des corps.

Langue 5, vue d’atelier © Marc Alberghina

Le mot qui la désigne est chargé de très nombreuses significations et prête aussi à toutes sortes de métaphores populaires : une langue peut être vivante ou morte, mauvaise ou fourchue.

On peut la mettre dans sa poche ou la donner au chat. Mieux vaut quand même la tenir ou la tourner sept fois dans la bouche surtout si elle est bien pendue. On peut aussi la tirer devant l’objectif d’un photographe comme le fit Albert Einstein en 1951 devant Arthur Sasse et les Rolling Stones, avoir quelque chose sur le bout, être alangui, langoureux ou faire languir sa bien-aimée. Elle est aussi le marqueur de l’identité d’un peuple, de sa culture et doit être défendue car des centaines de langues parlées dans le monde ont déjà disparu.

Les langues de Marc Alberghina sont des sujets autonomes, dissociées du reste du corps.

Elles sont en tension, en action : tendues ou repliées, elles sont mouvantes et font penser, parfois, à un genre de mollusque.
Après son travail sur les os et ses remarquables squelettes en céramique, Marc Alberghina continue de nous interpeller sur le corps humain qu’il nous donne à voir crûment, mais embelli et étincelant de couleurs, comme pour nous dire le tragi-comique de la vie.

Langue A © Marc Alberghina

Photo de Une : vue de l’exposition © Marc Alberghina

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