Une fois la collection constituée, Bernard Arnault a choisi un des plus grands architectes actuels, Frank Gehry, pour fabriquer son écrin. Le bâtiment se présente comme un bateau toutes voiles dehors, naviguant sur un lit d’eau, bordé d’une forêt et du jardin d’Acclimatation.
Conçue selon quatre axes sensibles : contemplatif, expressionniste subjectif, Pop-Art et musical, l’exposition à choisi de mettre en lumière des œuvres qui ont déterminé le goût contemporain.
Ainsi, la première salle (la plus riche et la plus émouvante) s’adresse directement à notre sensibilité. Ainsi, un homme sans visage de Malevich, isolé dans un paysage glacial habité seulement d’une maison prison, suivi de portraits dessinés de Giacometti (aux yeux vides) devant lesquels marche un de ces célèbres hommes de fer filiforme, renvoient à la barbarie de l’être (mal) pensant.
Au bout de la salle, les autoportraits anxieux de Hélène Schjermeck côtoient le très célèbre Cri de Munch, archétype de l’angoisse où le hurlement inaudible semble se répercuter sur l’ensemble de la toile et imposer sa pulsation au monde qui l’entoure.
Un tableau étonnant où le personnage principal privé de jambes, émerge comme une fumée. Cet être de peinture, spectre coloré, n’est lui-même qu’une vibration ondulatoire qui contraint même la mer à un tourbillon infini, un vortex qui va entraîner le naufrage de frêles esquifs pendant que deux êtres humains, insensibles finissent de traverser le pont.
A ce cri répond celui du personnage encagé de Bacon et de son premier nu traversant le rideau pour s’enfoncer dans le noir.
Autre détresse, celle de cette femme habillée d’une robe rouge qui lui colle à la peau de Otto Dix.
Une tension très forte règne dans cette salle qu’on a du mal à quitter, tant la force de subjectivité humaine est présente.
Les autres salles, forcément n’ont pas la même saveur. Dans la deuxième, des marines et des nymphéas de Monet sont reposantes pour l’œil et l’esprit. Dans la troisième graphisme et géométrie renvoyant au début de l’abstraction sont accompagnés d’un beau Rothko (qui n’y a pas sa place ou alors comme continuateur de la salle précédente.
Les portraits de Picasso (le sommeil, l’amour) sont tout simplement sublimes par le suavité des couleurs et par les traits fins et enlevés de l’artiste.
Un genre de déjeuner sur l’herbe de Bonnard paraît incongru dans cette salle.
Dans les salles suivantes, les travailleurs et acrobates de Léger, un univers urbain machinique aux contrastes chromatiques et formels puissants, des superbes toiles très colorées de Kandinsky, une Danse de Matisse (plutôt une ronde) et un personnage royal accompagné d’un joueur de guitare, en découpes de papier colorés d’une légèreté et d’une fraîcheur remarquables.
Avec l’accrochage 3, les immenses compositions (première salle) de Gilbert & Georges et des photographies de stand de Grands Prix de Formule 1 nous promènent au cœur de l’art actuel.
Dans les salles contemporaines, au gré des découvertes, une vidéo de Pilar Albarracin (bourgeoise espagnole fuyant une fanfare), une très étonnante de Christian Marclay qui nous met au centre d’une fusillade (il a prélevé dans les westerns, les films policiers ou de guerre, des coûtes séquences où les tireurs visent le spectateur... Un expérience musicale et anti-narcissique, un peu impressionnante néanmoins.
Au gré de la visite, une remarquable expérience d’immersion, une très grande installation où deux violonistes israéliens interprètent à Berlin la symphonie concertante de Mozart.
Sur les terrasses, "Where the Slaves Live", de Adrian Villar Rojas et les vues sur la capitale d’un côté (quartier de La Défense) et du Bois de Boulogne de l’autre.
Une sortie de la Fondation donne sur le très agréable Jardin d’Acclimatation où Lamas, ânes, chevaux, oiseaux, nous ramènent dans le monde antérieur de l’enfance, un autre type de re-découverte.