Si l’homme préhistorique a vécu en symbiose avec l’animal au point de le sacraliser en le représentant par centaines dans ses peintures rupestres, l’homme moderne l’a déclassé, instrumentalisé, "esclavagisé" et transformé en produit de consommation. On n’est pas si loin du temps où l’homme vivait au milieu des animaux dont il se sentait proche et où La Fontaine utilisait la fable animalière pour instruire l’homme. De nos jours, les animaux sont parqués ou complètement « d’hommestiqués » (mot de Lacan).
Ensorcelé par la pornographie des marchandises et l’intégrisme de la loi du profit, empêtré dans les milliards d’images, l’homme, croyant s’élever en niant son animalité, s’est au contraire aliéné d’une partie fondamentale de son être.
En refoulant sa part animale, il s’est coupé de ses émotions, de son lien primordial avec la nature et du respect qu’il lui doit.
Voulant retisser les relations homme-animal, Davide Rivalta, né en 1974 à Bologne (études à Bologne et Munich), réintroduit dans les rues de nos villes des sculptures à taille réelle de différents animaux, nous enjoignant de repenser nos relations avec les différentes espèces qui ont autant droit au monde que nous.
Rivalta a soigneusement réparti ses créations dans les rues d’Antibes : ses buffles paissent tranquillement entre le port Vauban et le Pré des Pêcheurs, pas loin de son élégant cheval blanc. Sur le sable, au milieu de la plage, un rhinocéros à la taille imposante semble beaucoup plaire aux baigneurs pendant que l’aigle sur l’esplanade de la Gravette observe les passants.
Plus effrayants par leur apparence, les quatre loups du chemin des remparts, les ours des places du Barri et Revely, les guépards frôlant les murs des vieilles rues sont nettement plus inquiétants.
Rivalta semble percevoir quasi intuitivement la naturalité de ce qu’il représente. Il confère aux animaux une énergie, une allure remarquables, le matériau brut utilisé redoublant leur puissante présence.
De loin, s’ils paraissent réels et naturalistes, de près, la matière brute, rugueuse, dont ils sont faits, impressionne.
On sent que l’argile a été façonnée, malaxée, travaillée à grands coups de spatules ou à la main (on pense au travail de Barcelo ou de Dewar et Gickel). Plus qu’une maîtrise, Rivalta donne l’impression de faire corps avec la matière, de s’entendre avec elle pour exprimer le mouvement. Ses animaux ne paraissent jamais immobiles. Ils semblent vaquer pacifiquement à leurs occupations. Ils ne veulent pas qu’on les embête, on n’en a pas envie d’ailleurs. Leur masse et l’expression de leurs yeux fascinent.
À l’Espace Culturel des Arcades sont présentées des peintures de l’artiste où on retrouve sa manière de travailler la matière et sa gestuelle expressionniste.
Quelle que soit la technique utilisée : peinture, dessin ou sculpture, on sent une maîtrise qui n’est pas seulement le résultat d’une observation mais celui d’une réelle imprégnation.
Rivalta a choisi la localisation précise de chaque animal dans la ville, mais pour lui, le vrai sujet est plutôt la rencontre avec l’homme qu’il provoque.
C’est au dynamique et inventif Bernard Bonnaz que nous devons la découverte de cet artiste et l’organisation de cette exposition.
Alain Amiel