Cette manifestation "Sur les pas de Van Gogh" qui va durer tout l’été, propose un très agréable circuit promenade comprenant les visites de l’Auberge Ravoux (où Vincent a vécu), de la Maison du docteur Gachet, du Musée et de la Maison de Daubigny et de l’adorable et instructif Musée de l’Absinthe.
Elle se clôt par l’admirable et originale exposition au Château d’Auvers d’Arnaud Rabier Nowart.
Un Van Gogh souriant
Streetartiste de la première génération, Arnaud a développé un vocabulaire graphique singulier fait de signes, de lettres, de tags, de graffitis aux couleurs éclatantes.
Sa "rencontre" avec Van Gogh dans les années 1990 a donné une nouvelle direction à son art. S’apercevant que Vincent peignait dans les mêmes coins que lui, il s’intéresse de près au célèbre artiste, lit ses lettres, étudie ses œuvres. Il revisite ses autoportraits et reproduit son visage sur les murs de son quartier ou des usines abandonnées dans lesquelles il s’aventurait avec ses amis.
La très belle exposition au Château d’Auvers sur Oise, la ville où Van Gogh a vécu ses deux derniers mois, rend justice au remarquable travail sur Vincent qu’il déploie depuis plus de vingt ans.
Sont présentées dans deux salles plus d’une trentaine de peintures : des portraits de Van Gogh mais aussi des grands peintres passés par Auvers ou qui y ont vécu (Pissarro - une magnifique toile, Cézanne, Daubigny).
À la touche pointilliste des Impressionnistes, Arnaud a substitué ses tags. Les mots sont devenus signatures, textures, matières, aplats et les pigments colorés, des verbes.
Arnaud est un lettrisme de génie, il met les caractères alphabétiques au service de la geste qu’il veut accomplir. Il couvre sa toile de mots, de signifiants en les faisant rentrer dans l’espace qu’il leur attribue. Il les adapte en les contorsionnant, en les contraignant à se serrer dans des formes déterminées. Les lettres s’imbriquent, se chevauchent, s’emmêlent, s’interpénètrent (c’est le corps colonisé par le langage, tatoué de signifiants, dont parle Lacan). Les mots se dé-chaînent, deviennent des objets, des fleurs, des rébus dynamiques où les écritures sont quelquefois difficiles à lire tant elles contractées, empilées, mais cela ne gêne aucunement le peintre qui poursuit son dialogue avec la toile.
Le portrait d’un Van Gogh souriant condense mots, couleurs, signes graphiques qui s’intègrent dans un visage tout à fait ressemblant où le nom de van Gogh est répété par toutes sortes de signes tracés : zébrures, griffures, graffitis, taches, etc.
On pourrait passer des heures à rechercher tous les mots écrits. Certains sont tellement enfouis qu’on en devine difficilement le sens. Ils constituent pourtant le discours, la poésie qui s’est déployée dans le temps de l’action pour que le portrait soit le plus complet possible.
Les touches, pixels de base de l’artiste, peuvent être aussi des fleurs... Voir son Van Gogh à la manière d’Arcimboldo, mais d’un Arcimboldo endiablé et délirant dont les fleurs danseraient au lieu d’être savamment et docilement disposées. Les yeux de Van Gogh sont des marguerites et il porte son nom sur le front.
Arnaud a aussi osé un Van Gogh souriant à son regardeur, complice. Un sourire qui fait entrer Vincent Van Gogh dans une seconde vie... Il est peut-être le symbole de cette exposition.
