Sous la Promenade des Anglais se trouve la promenade des galets, un large ruban gris et minéral de près de 7 kilomètres de long qui s’incurve depuis la colline du château jusqu’à l’embouchure du Var.
S’appuyant sur une sélection de galets, des plus ordinaires aux plus rares, l’exposition explique la façon dont le galet est un produit de ce paysage : arraché aux montagnes à parfois près de 3 000 mètres d’altitude, dévalant les cours d’eau du fait de la gravité, perdant de sa substance au fur et à mesure de sa descente, pour finir sur la plage, déposé par les courants, et former un cordon littoral en perpétuel mouvement.
C’est à travers l’observation de ces galets et de leur grande diversité, que peut être racontée l’histoire parfois très ancienne, mais aussi toute récente, des paysages de la région qui ne cessent d’évoluer, tout comme le tracé des lignes du rivage. L’exposition dévoile également un monde naturel d’une grande richesse, un monde insoupçonné, d’une valeur paysagère et écologique certaine, un héritage unique dont il faut prendre soin.
La longue histoire entre l’Homme et le galet y est racontée, des sites préhistoriques niçois jusqu’aux oeuvres d’artistes contemporains qui s’en sont emparé.
LE NATUREL REVIENT AU GALET
La matière du galet
Les galets arrachés aux Alpes et Préalpes ont été roulés jusqu’à la mer par les fleuves Var et Paillon puis déposés sur la plage par les courants marins. Formés de matières minérales diversifiées - granites, gneiss, pélites, arkoses, grès, et surtout calcaires ils témoignent de l’histoire géologique agitée de la région. Cette histoire qui remonte à plusieurs centaines de millions d’années est caractérisée par une succession de paysages tantôt marins, tantôt terrestres, et par de puissantes forces tectoniques provoquant la surrection des reliefs.
Rondeurs et platitude du galet
Chaque galet provient d’un gros bloc initial de matière rocheuse brute et anguleuse ; roulé par les ruisseaux puis les fleuves il s’émousse, s’arrondit et devient généralement plat. Au final tout galet est appelé à devenir un grain de sable comme ceux qui tapissent le fond de l’eau à quelques mètres du bord.
Les galets à la trace
De nombreux galets comportent des fractures minéralisées qui se matérialisent par des filonnets clairs. Ces marques aux motifs très complexes résultent des forces tectoniques que la roche a subies au moment de la formidable surrection des Alpes, laquelle a débuté il y a environ 20 millions d’années. Véritables livres à ciel ouvert, certains d’entre eux comportent des traces fossiles témoins de la vie et des milieux passés : les plus vieux datent de plusieurs centaines de millions d’années.
Les hauts et les bas du rivage
Depuis 1 million d’années, le niveau marin fluctue au rythme des alternances des épisodes glaciaires et interglaciaires. Ainsi il y a 400 000 ans, les Hommes de Terra Amata ont-ils construit leurs cabanes « les pieds dans l’eau », à 26 mètres au dessus du niveau actuel, en face de la colline du château qui se présentait alors comme un ilot entouré par les flots.
Il y a 20 000 ans, au plus fort de la dernière glaciation (Würm), le niveau de la mer sur nos côtes était situé 110 mètres plus bas qu’aujourd’hui. Il remontera progressivement avec la fonte de la calotte glaciaire jusqu’à ce que la mer envahisse le « golfe de Nice ». L’amplification de l’érosion à cette époque est liée au recul de la végétation, associé au changement climatique, ainsi qu’à l’augmentation de l’activité des cours d’eau et au développement de l’anthropisation (agriculture, élevage). Elle a provoqué à partir de 7000 ans un apport massif de galets, socle du cordon littoral niçois.
LA BAIE DES ANGES, D’AZUR ET DE TURQUOISE
Courants et couleurs
Les fleuves Var et Paillon, lorsqu’ils débouchent en mer, abandonnent leurs galets à la force des courants marins. Leur direction s’observe parfaitement certains jours de l’année : après un épisode d’agitation, la mer prend une étrange coloration et montre des passées opalescentes couleur turquoise ; cet effet, dit effet de Tyndall, est dû à un phénomène optique : les particules de calcaire arrachées aux galets par les vagues, restent en suspens et dispersent les rayons solaires, ce qui a pour conséquence un changement de couleur de la mer contrastant harmonieusement avec le bleu azur alentour.
Une mer qui a ses humeurs
La baie des Anges est baignée par une mer presque sans marée (marnage de 50 cm maximum) caractérisée par des vagues courtes. Les hauteurs moyennes et significatives de ces vagues s’établissent entre 60 et 100 centimètres, mis à part quelques jours dans l’année où elle est balayée par des vagues de tempêtes dont la hauteur surprend : c’est au moment des équinoxes de printemps ou d’automne que de violents phénomènes peuvent se manifester, comme lors de la fameuse tempête de 2010 qui amena des vagues de près de 5 mètres de hauteur, venues inonder la chaussée et déposer des couches de galets jusque devant les immeubles.
L’ÉCOSYSTÈME LITTORAL
Sous les galets
Les galets forment un biotope relativement hostile pour les organismes vivants, mais c’est un milieu qui est pourtant peuplé d’une riche biodiversité, souvent méconnue, appelée la méiofaune, composée de biofilms, de puces de mer et autres vers annélides.Des fonds marins importants tout proches
Le plateau continental est très étroit et la mer montre des profondeurs importantes, à seulement quelques mètres du rivage et contrairement aux apparences, elles abritent une grande biodiversité avec une faune et une flore exubérantes, dont le fameux ange de mer, poisson cartilagineux, mi-raie mi-requin ; ce poisson rare et inoffensif était si fréquent par le passé que son nom à été donné à la baie de Nice. En pleine eau croisent de remarquables espèces pélagiques, et le poisson-lune à l’étrange allure n’y est pas rare, dormant près de la surface, de même que de nombreux cétacés, parmi lesquels le Grand dauphin, le dauphin de Risso ou le rorqual commun, cette imposante baleine qui s’approche parfois des côtes.
Non loin du rivage, de puissantes remontées d’eaux très profondes ou upwellings entraînent avec elles une faune étrange venue des abysses ; des espèces comme le spectaculaire régalec (ou roi des harengs), de quatre mètres de long, s’y rencontrent parfois.