Ce long-métrage argentin retrace le retour aux sources de Daniel Mantovani, prix Nobel de la littérature après presque quarante ans d’exil en Europe.
Faisant fi de toute consécration dans le monde, Daniel Mantovani accepte pourtant de se rendre à l’invitation de son village natal en Argentine, à Salas, haut lieu de tous ses romans pour y recevoir la médaille de citoyen d’honneur.
Est-ce vraiment une bonne idée de revenir à Salas dont les habitants sont devenus à leur insu les personnages de ses romans ?
Très vite l’écrivain passe de l’adulation à la déchéance. Il est sollicité pour tout et n’importe quoi et, dès qu’il exprime le fond de sa pensée, le cauchemar commence. Il s’aperçoit sensiblement qu’il n’est pas tout à fait bienvenu dans ce village : ce n’est pas pour rien qu’il ne voulait plus y revenir ! Mais sa curiosité malsaine était plus forte que tout ; il perçoit au fil des heures une jalousie et une envie féroces face à sa réussite sociale : il est traité de « gringo, traite à sa patrie, soldat à la solde du capitalisme ». L’émotion qui l’envahissait au début de son voyage, laisse place peu à peu à l’amertume.
Un mur le sépare de son pays où tout est politique et corruption. N’oublions pas que l’Argentine est un pays qui porte encore les stigmates de la dictature où la loi des hommes est plus puissante que la démocratie.
L’écrivain se trouve face à un dilemme : L’ignorance est-elle plus forte que la raison d’être ? La culture est-elle accessible à tous ? Faut-il souffrir pour créer un chef d’œuvre ? Où commence la fiction, où s’arrête la réalité ? L’écrivain ne se noie-t-il pas dans sa propre réalité ?
Le film ne cesse de nous surprendre en usant d’un sens de la parodie et de la dérision qui ne sont pas sans rappeler le thème du réel merveilleux, cher à Gabriel Garcia Marquez (1), duel entre le fantastique et l’extraordinaire.
L’acteur, Oscar Martinez est magistral dans ce rôle, on le confondrait presque avec l’écrivain. Il porte à la fois un regard détaché et perçant sur les gens de Salas.
Les deux réalisateurs peignent une satire sociale virulente des dessous de la célébrité avec une conviction qui nous dépasse.
El Ciudadano illustre (titre original) est un film vraiment jouissif et jubilatoire. Il confirme en tout cas le talent de Mariano Cohn et Gaston Duprat qui s’imposent de film en film (2) comme deux cinéastes majeurs.
Dans le même style de film, vous avez aussi la possibilité de visionner « les nouveaux sauvages » de Damián Szifron sorti en France en 2014 et disponible en DVD.
1/ « Cent ans de solitude »
2/ L’artiste (2011) et L’homme d’à côté (2009)