À partir de 1958, il rencontre Ben dans sa boutique, s’intéresse au Nouveau Réalisme, à Fluxus (1963 à 1968), échange avec George Brecht, Robert Filliou, Arman, Serge III.
"Jusqu’en 68, pour ce qui deviendra Support-Surface, il n’existait pas vraiment de théorie, mais des artistes qui discutent, débattent, élaborent... Si, pour les Nouveaux Réalistes, l’objet remplace la peinture (on peut "peindre" avec des objets), dans l’esprit Fluxus, le matériau n’est pas important : ce qu’on veut dire, on peut l’exprimer avec ce qu’on veut, y compris du son... et même avec de la peinture". Parallèlement, les artistes de Supports-Surfaces (Viallat, Saytour, etc.) travaillent à la déconstruction du tableau : toile, châssis, peinture sont revisités pour eux-mêmes.
Alocco participe à toutes ces réflexions, mais ce qui le préoccupe plus particulièrement, c’est le moment de bascule, celui où la tache fait sens et devient image.
Ses premiers "Ideogrammaires", créés à partir de taches sur lesquelles il agit, explorent de nouvelles formes dont une va progressivement s’imposer : un semblant de corps féminin dans l’espace, avec ses jambes repliées évoquant vaguement des pinces. Cette forme à la fois attirante et agressive est répétée dans des tailles différentes. Agrandie plusieurs fois, elle se détériore et prend des sens différents. Tamponnés sur un drap de lit (métaphore de naissance, de plaisir et de mort), généralement, « plus la forme gagne en extension, plus elle perd en précision », plus elle couvre de surface, moins elle signifie.
D’autres formes vont ensuite être adoptées, des images issues de son "musée imaginaire" : bisons de Lascaux, femme bleue découpée de Matisse, idéogrammes chinois, chiffres arabes, lettres romaines, fleurs de batik balinais , etc., et plus tard, à la suite d’une visite à Florence, le motif de l’Eve de Cranach s’impose (Adam apparaîtra seulement deux ans après).
Dans sa mémoire culturelle (sans limite de temps où d’espace), il choisit des sujets qui puissent se lire facilement et être reproduits en une couleur, être « des formes ombres ».
En empreintes ou en réserves, ils apparaissent comme un melting pot culturel, une sorte de poésie spatiale intemporelle. Cette grande "page" remplie de signes est ensuite déchirée en morceaux pas plus grands qu’une carte à jouer.
Ces fragments mélangés puis recousus façon patchwork perturbent la lecture des images.
« Il n’y a plus texte mais ensemble plastique ». Les images y sont, mais éclatées, quasi abstraites.
À la manière de Fluxus qui considère que tout ce qui a servi à réaliser l’œuvre doit en faire partie, il réintroduit les fils des franges détissées en les recousant sur la toile. Ils n’ont été en fait que déplacés.
Ce travail sur la fragmentation, la restructuration et la couture se poursuit jusqu’en 1995, où une phrase de Freud retient son attention : « les femmes n’ont rien inventé si ce n’est le tissage avec leurs cheveux ».
Animant une classe de collège, il demande aux jeunes filles de lui donner quelques cheveux qu’il va tisser à l’aide d’un petit châssis en carton (retrouvant ainsi les attributs de la peinture : châssis, toile, couleur).
Travaillant avec des matériaux issus du corps humain, Alocco a tenu à ce que chaque œuvre porte les noms des donatrices auxquelles il a offert quelque chose en échange.
En 2000, il décide d’arrêter, passe quelques années à reprendre l’écriture de romans, de poésie, jusqu’au moment où les dessins de sa petite fille (qui a cinq ans) attirent son attention sur ce moment particulier de la naissance de la figuration, en fait de l’écriture.
Dans ses travaux les plus récents, de silhouettes blanches sur fond blanc détissé, « jeu entre le presque plein du tissu et le presque vide de la seule chaîne », c’est la forme qui donne le sens, montrant ainsi la limite extrême entre peinture et sculpture.
À l’aube de ses quatre-vingt ans (dont plus de soixante consacrées à l’art et à la poésie), Marcel Alocco, reconnaît dans son œuvre une logique, « un enchaînement rationnel », une recherche « de la naissance du sens » poursuite d’une « même expérience (mais avec des choses différentes) qu’il a toujours recherchée ».
Mixant les représentations issues de l’histoire de l’art, ses œuvres subtiles et sensibles continuent de se "coudre" en une toile infinie.