????? Alain AMIEL : En voyant l’exposition, « École(S) de Nice 1947-1977 » la première idée qui s’est imposée à moi, c’est qu’elle ne rendait pas assez compte de cette effervescence créatrice, récréative et jouissive, pré-mai-soixante-huitesque de cette "école" – on peut garder ce terme au sens "cour d’école" où chacun s’amuse comme bon lui semble et montre aux autres ce qu’il fait, ses projets, ses créations, ses idées pour en discuter et débattre.
???? Marcel ALOCCO : La vision muséale ne rend guère le vécu, elle donne une vision cloisonnée des travaux en cours dans la période envisagée. Dans cette mesure la « pagaille » que, malgré les efforts d’organisation de Maurice Eschapasse et Nathalie Brunet, Ben avait réussi à semer à Beaubourg en Février 1977 dans ce grand espace d’exposition qui avaient encore des allures de hangar, – de même dans le catalogue « bénique » au contenu pas très scientifique – cette « pagaille » donnait une image plus juste du phénomène sociologique.
Au moins pour notre cas, parler d’école n’est acceptable que comme un fait de sociologie de l’art… Dans la mesure où un artiste n’est vraiment intéressant que par l’originalité personnelle de son travail, la notion d’école ne peut répondre que d’un lieu d’ébullition pour une communauté de ressources faites des conditions de vie, d’idées en débats, de pratiques contradictoires…
La transmission au vingtième siècle n’est plus celle rectiligne du maître vers son atelier. Elle est faite de carrefours, de mélanges, d’interprétations légitimes, ou bien d’interprétations totalement fantasmées qui deviennent légitimes d’être mises en pratique. J’ai réfléchi comme Arman sur Marcel Duchamp et Kurt Schwitters, comme les « fluxmen » sur John Cage et George Brecht, comme les Supports-Surfaciens sur Jackson Pollock et Hantaï, etc. Les sciences sociales étaient en pleine remise en question. J’avais lu le gros volume d’André Malraux « Les voix du silence » publié en 1951 par Gallimard, qui reste encore dans ma bibliothèque, et je me savais donc avoir possession potentielle de la totalité du « Musée imaginaire ».
Les positions étaient plus confuses que voudraient le laisser croire nos petits génies sortis tout armés de la cuisse de Jupiter. Surtout ne jamais oublier que le mythique, le récit théorique et la réalité de l’histoire de l’art sont de niveaux différents. Le mythique partage de l’univers et le partage des éléments constitutifs de la peinture sont mythes bidons quand pendant les dix ans qui suivent on peint des palmiers ou des tableaux abstraits avant d’œuvrer sérieusement dans la couleur et l’objet. Le récit est séduisant, la réalité forcément plus laborieuse".
????? Alain Amiel : Trois œuvres pourtant donnent la bonne mesure : la colère d’Arman, la plage de Raysse et la salle Supports-surfaces. Tout le reste me semble aplati (mise à plat). Même la boutique de Ben semble éteinte. C’est comme si on avait « attristé » cette période.
???? Marcel Alocco : C’est sur cette exposition un regard possible, forcément aussi subjectif que le mien. La presque totalité des artistes présentés sont individuellement d’un bon niveau. Mais le parti-pris de fractionner en sections thématiques limite les panoramas personnels et mélange des œuvres à partir de critères superficiels ou anecdotiques. Confronter des travaux qui représentent des démarches plastiques totalement différentes ajoute à la confusion : ainsi, pour un visiteur non averti, c’est-à-dire qui n’est pas artiste, prof ou étudiant en art, la partie « ex-voto » pourrait sur l’apparence figurer dans une salle du Musée d’Art Naïf. Hors, il s’agit d’œuvres contraires par le sens à ce qu’est un ex-voto. Mises à part deux ou trois pièces manifestement inspirées par Laghet, les Gilli sont des objets hédonistes artisanalement jolis. Les Niki de Saint-Phalle sont plutôt violents, révoltés. Les Serges III sont contestataires, ou subversifs, les Raysse jouent avec l’artifice superficiel très Côte d’Azur. Dans le « identités » n°11-12 intitulé Lettres et le néon, en conclusion d’un texte remarquablement lucide, Martial Raysse dit : « Bien sincèrement je préfère les fleurs en plastique aux naturelles et le néon au soleil ».
On peut ailleurs se demander ce que vient faire avec INterVENTION et sous le signe de « La peinture en question » la gentille toile abstraite de Martinez. Quant à la salle dédiée à Supports-Surfaces, elle me paraît terriblement silencieuse. Ne sont un peu bavardes que les pièces objets de Daniel Dezeuze, celle de Toni Grand, poutres et cordes. Et puis surtout celles de Bernard Pagès qui sont tout à fait dans le même esprit, d’ailleurs contemporains, que les travaux de l’Arte Povera.
Ce qui apparaît dans l’exposition, et encore mieux dans le catalogue, c’est le manque de maîtrise d’une vision globale du moment, du territoire, et surtout du vécu spécifique "niçard". Avec « La Cédille qui sourit » George Brecht et Robert Filliou ont, comme INterVENTION, vraiment participé et fécondé l’activité locale, alors que sauf à peine pour Viallat déjà parti à Limoges au moment où commençait à véritablement se poser le travail par lequel il est connu, et pour Saytour et puis Dolla, l’idée Supports-Surfaces comme position un peu définie s’est davantage pensé et manifesté ailleurs. Quant aux manques…
????? Alain Amiel : Les étiquettes ne viennent souvent qu’après-coup. Celles qui ont perduré ont été finalement validées. Les historiens, habitués de la complexité des choses, les utilisent tout en connaissant leurs imprécisions, leur bricolage.
Si on fait fi des étiquettes, restent les artistes dont le nom s’inscrit d’ailleurs plus durablement dans la mémoire que leur situation dans une « école » (Jean Mas parle des « colles de Nice »). Le vrai modèle de transmission, c’est la filiation.
Dans ce cas, qui sont les descendants de Yves Klein, l’illuminé quasi mystique dans sa quête d’absolu, ou de Arman, le bricoleur d’objets, ou de Raysse, l’ami des images... En ont-ils ? De qui es-tu le fils ?
???? Marcel Alocco : Je ne crois pas aux filiations. Si j’ai influencé des artistes plus jeunes, en leur parlant des travaux antérieurs, et d’abord surtout de Fluxus, ensuite en commentant leurs travaux, c’est principalement en les dirigeant sur autre chose que mon travail. Si mon travail les a influencés, c’est surtout comme aliment à réfléchir et transformer. Chacun des artistes d’une même génération a reçu un héritage culturel globalement équivalent, mais les créateurs ne perçoivent et n’acceptent que ce qui convient à leur pente. Les bons élèves font de bonnes carrières, les créateurs contestent et, en général, empruntent des routes plus compliquées. On observera que les artistes les plus remarquables de l’École de Nice ne sont pas passés par les écoles d’arts, ou ont eu avec des rapports marginaux ou conflictuels : par exemple, Arman qui les a fréquentées n’a pas été jusqu’à présenter un diplôme, donc à l’obtenir, ni aux Arts Décoratifs, ni à l’École du Louvre.
La lignée directe n’existe plus depuis au moins l’Impressionnisme. Les bons fils qui ressemblent à leur père sont sans intérêt. Je dois peut-être davantage à réfléchir avec Umberto Eco ou Malraux, à avoir un peu rencontré la psychanalyse et la linguistique à l’Université et aux lectures éparpillées pour ma culture générale, qu’à mes aînés. Eux m’ont surtout appris quels chemins étaient déjà carrossés autoroutes et privatisés, donc à éviter.
Si je me suis intéressé à Jackson Pollock, c’était parce qu’il jouait sur les limites, et la limite a toujours été un de mes problèmes, avec par exemple le rapport tache informe – forme, et la persistance de l’intérêt pour ce qui se passe « en marge », ce que Michel Butor avait désigné dans mon travail « équevilles », et la persistante idée de « La Peinture déborde ». La toile libre n’a aucun intérêt si on la travaille et l’expose telle que le sol et le mur béton remplacent le châssis. Sauf à être présentée en espace comme le montrait Sam Gilliam à Paris en 1968 – artiste que je signale en 1969/1970 dans mes textes intitulés en recueil, ce n’est pas hasard, « La (Dé)-tension ». Si Hantaï m’avait intéressé, et nous avait intéressés, c’est parce que chez lui la toile libre était opérationnelle : elle permettait de froisser le tissu pour distribuer les surfaces en cachées ou montrées au moment de poser la couleur.
Alors qui descend de qui ? Denys Riout a consacré en 1996 un livre à « La peinture monochrome. Histoire et archéologie d’un genre » montrant que les monochromes existaient bien avant que Yves Klein n’en produise de diverses couleurs pour ensuite se fixer sur le bleu. Ce qui tend à invalider le mythe initial du rapport au ciel… Qu’évoquait déjà Malevitch. Tous les bricoleurs viennent de Dada, d’un certain Surréalisme, des Arts Naïfs ou Arts Bruts, ou bien plus généralement des bien plus anciens arts traditionnels, et puis des arts premiers ou primitifs. Encore et toujours histoires de limites à briser… Complexité qui rend dérisoires les étiquettes : elles ne sont jamais que l’indication d’un lieu et d’un moment aux limites mal définies qui permet une première approche globale.
????? Alain Amiel : C’est cette complexité qui est intéressante car elle suscite des interrogations, de la réflexion. Pour inventer des choses qui n’existent pas, l’artiste doit avoir intégré (consciemment ou non) tout l’art du monde (pour jouer avec les limites de l’art, il doit les connaître). Son œuvre devrait nous faire réviser l’histoire de l’art. Mais pour comprendre une œuvre ou une « école » - c’est le travail des historiens, des amateurs et des critiques - il faut néanmoins tirer des fils.
C’est que qu’ont essayé (avec bonne volonté) de faire les responsables de cette exposition. Mais il semble qu’avec « l’École de Nice » dont on constate les richesses, le travail historique de fond ne soit pas encore fait.
???? Marcel Alocco : Je ne pense pas que, même avec une grande partie inconsciente, il soit possible d’intégrer tout l’art du monde, même si en imaginaire nous l’avons à notre disposition. Heureusement, car il n’y aurait plus de surprises, donc d’intérêt, à explorer le passé. L’artiste doit bien sûr en connaître, disons les structures principales. En avoir une image suffisante pour réagir en fonction aussi de son vécu. L’artiste, comme l’historien spécialiste de l’art. Partie de l’Histoire, mais partie inséparable de l’Histoire, l’histoire de l’art est toujours à refaire. Et d’abord à faire. Elle se constitue dans un premier temps avec les écrits fragiles d’actualité, les récits en direct, ceux des acteurs et ceux des témoins. Le récit que fait César de la conquête de la Gaule n’est pas l’histoire de la conquête. La réalité n’est jamais aussi claire, polie, brillante et solide que le récit.
Si mon livre Introduction à l’École de Nice publié par les éditions Demaistre pouvait prétendre être à peu près de l’histoire, c’était grâce à la modestie du projet : il ne dessine qu’un squelette, ne désigne que la structure vivante évidente. Faire l’histoire de la période École de Nice demanderait de vérifier. Demanderait de par exemple ne pas faire confiance aux journalistes qui parlaient de l’actualité d’après les communiqués de presse, publicitaires par définition, ni aux témoignages des acteurs – trop « intéressés ». D’explorer aussi tous les rapports à l’extérieur, d’inscrire cette recherche dans l’ensemble de l’art contemporain. Aux USA, il y avait Pollock, et Sam Gilliam, et les Pop’artistes, et Cage et George Brecht, et Fluxus à New-York et en Allemagne, et la « poesia Concreta, visiva e Sonora » et l’Arte Povera en Italie, et particulièrement à Milan et à Turin, et puis et puis… Faire cette histoire demanderait d’interroger les documents sur lesquels devraient être fondés les récits, confluer après vérification les récits partiels pour en faire un récit cohérent en avouant les trous d’ombre là où s’arrêtent nos connaissances. Les travaux qui existent sont tous très partiels et souvent superficiels ou produits de parties prenantes : ils font penser à ces journalistes qui vous disent la vérité sur la Chine ou le Japon après y avoir passé quinze jours. Faire une récolte de documents, comme il a été fait pour « Les chroniques niçoises » publiées par le Mamac, et par d’autres, c’est utile, mais ce n’est pas de l’histoire. Le sens n’est pas analysé, hiérarchisé : se mélangent des documents bruts peu ou mal situés, et des textes de niveaux différents, des témoignages et des dires, et des dires selon des dires… Et encore, je cite cet exemple de publication parce qu’au moins elle a fait l’objet d’un semblant d’ordre, et le titre dit bien que l’objectif de Claude Fournet était consciemment limité. Reste à trier, à contrôler, à évaluer, à reconstruire. Autrement dit : pour l’Histoire tout reste à faire. Et ce ne peut être qu’un travail mené avec des instruments méthodologiques, pas forcément par des professionnels ou universitaires, mais du niveau qu’on qualifie de « scientifique ». Et probablement un travail qui ne peut être mené que par un groupe, avec des croisements de regards et d’expériences, quelque chose que j’imagine comme un séminaire.
On a trop confondu, parce que c’est primaire, plus facile, moins problématique, compilation et recherche. Compiler c’est entasser les documents, en général, au mieux, dans un ordre chronologique. Première étape nécessaire, mais très insuffisante. La recherche demande de les analyser et de les classer en fonction des contenus et du rapport aux autres documents, car le contexte peut en changer
radicalement le sens.
????? Alain Amiel : Belle idée... un séminaire sur l’École de Nice. Il faudrait lancer ce projet. Auparavant, il serait nécessaire de promouvoir des recherches en demandant par exemple à des jeunes doctorants en histoire de l’art ou à des étudiants ou des critiques d’y travailler. La ville de Nice, le MAMAC et la Villa Arson devraient pouvoir l’organiser. On y gagnerait en clarté. Ces recherches pourraient préciser la vraie place dans l’histoire de l’art de ce qu’on appelle (encore souvent avec un point d’interrogation) École de Nice.
Concernant l’intégration de tout l’art du monde par les artistes, je pensais à ceux dont l’ambition est d’en repousser les limites (il faut les connaître pour les dépasser). Mais n’est-ce pas la tâche de tout artiste digne de ce nom ?
???? Marcel Alocco : Il faudrait un groupe de recherche ayant une certaine autonomie, coordonnée par une personne ayant une forte reconnaissance de compétence, surtout hors du marché ou des publications impliquées dans le système publicitaire. Le champ de la recherche serait la création locale dans la région niçoise, un espace et un moment à partir de 1945. Parce que ce qui se passe autour du surgissement des avant-gardes, même en d’autres disciplines et aussi dans les activités plus conventionnelles, n’est pas innocent. Il se passait sur la Côte des choses concernant le cinéma, le jazz, les publications. Et l’association pour le théâtre ACTES, avec ses presque deux milles adhérents qui vont motiver la création à Nice d’un Centre Dramatique National et les petits jeunes groupes de théâtre que secouait le Festival d’Avignon, créaient un climat, une circulation des idées… Les artistes dits École de Nice ne surgissaient pas du néant. L’opposition ne suffit pas, il faut aussi avoir des points d’appui. Citer, comme Chubac ou Gilli ou Viallat, Matisse et les grands maîtres du vingtième en référence rassurait les amateurs, mais n’est guère évident. Pour le dire à grands traits, des proximités comme celles de Picasso, de Picabia et de Fernand Léger nous avait, plutôt que de nous influencer directement, préparé à recevoir le Pop’art, et Gutaï, et Fluxus.
Notre vision reste donc toujours partielle. Un jour Albert Chubac m’a dit « Nous n’ajoutons jamais à l’art qu’une virgule ». À quoi, en écrivain, j’ai répondu : « Parfois déplacer une virgule change le sens de toute la phrase ». Mais Albert avait raison dans la mesure où la phrase nous est imposée. En quoi les artistes qui se veulent « engagés » font un pari… Pascalien.
Il existe de nombreuses façons de décrire le monde. À une époque, au moyen âge, des artistes japonais travaillaient ce qu’on appelle je crois une perspective inverse. Il existait une perspective à vol d’oiseau qui donnait des objets de plus en plus grands en s’éloignant. Mais soyons modestes : les diverses visions de l’art sont davantage des conséquences que les moteurs des changements. Façons utiles de médiatiser en images les évolutions des mentalités, qui en cela contribuent, mais n’en sont pas à l’origine. Le Pop’art et Fluxus sont deux aspects d’une même société. Ne pas oublier le contexte : tous ces artistes ont vécu, enfants, ados, et adultes, dans le contexte des guerres : deuxième guerre mondiale, nombreuses guerres des décolonisations… Le socle des « trente glorieuses » de l’économie était plus gris que lumineux. Le Pop’ et le Nouveau Réalisme expriment l’action dynamique, tantôt positive, tantôt négative, alors que Fluxus dit à la fois la futilité du sérieux, les jeux souvent absurdes et aussi, sous l’ironie ou l’humour, la mauvaise conscience. Chaque expression porte ses contradictions. Bien sûr je schématise, tout serait à analyser cas par cas. Par exemple, en montrant le superficiel, la jolie « Raysse Beach » comme le « Soudain l’été dernier » ne sont pas sans dire que dans l’ombre il y a souffrance. Sans cet arrière plan, ces œuvres ne seraient que bonnes décorations pour vitrines de grands magasins. L’artiste, qui croit dire ce qu’il veut, dit surtout ce qu’il est. Il montre au présent ce qu’il est lui dans son lieu et son temps.
????? Alain Amiel : Les artistes de Nice, par la variété de leurs approches et de leurs travaux, ont probablement fortement impacté l’histoire de l’art. On le voit notamment dans l’exposition au 109 où on a l’impression de retrouver les thématiques support-surfaciennes, même si, comme le dit l’organisatrice, ces jeunes créateurs américains n’en ont pas fortement conscience et connaissent très peu de choses de ce mouvement. Cette exposition vient à point pour montrer que ces problématiques sont encore présentes. Tout comme celles des objets, de l’image, des jeux de mots ou des « constructions mentales », « mythologies personnelles », etc., qu’on retrouve dans l’art actuel.
???? Marcel Alocco : Si ces jeunes artistes américains n’ont pas conscience d’être sur un chemin balisé depuis déjà un demi-siècle, c’est grave. Il y a intérêt à reprendre une problématique ancienne que si c’est dans une posture critique. Lorsqu’en 1907 Pablo Picasso réfléchit sur le travail de Cézanne – dont si je ne m’abuse en 1905 et 1906 de nombreuses œuvres sont montrées – il peint Les Demoiselles d’Avignon.
Mais encore une fois, soyons modestes. Ce qui impacte encore l’art actuel, c’est l’ensemble des avant-gardes internationales auxquelles les artistes d’ici participaient : c’est le Pop’ et le Nouveau-réalisme et tout ce qui était plus ou moins proche, et c’est Gutaï et Fluxus, Arte Povera et Poésie concrète, sonore ou spatiale… à quoi les derniers numéros de « identités » et puis les trois de « Open » faisaient écho. Toutes ces avant-gardes sont elles-mêmes redevables aux avant-gardes de la première moitié du siècle, du Cubisme au Bauhaus en passant par les avant-gardes russes des années vingt, par Dada et le Surréalisme, dont les œuvres posent déjà toutes les problématiques que tu dis retrouver dans l’art actuel. Aucun mouvement n’est clos, les idées et les visions circulent en réseaux complexes qui se croisent, avancent, reculent, s’affrontent, s’ajoutent. Et même se contrarient : Cézanne part de la dilution de l’objet dans la lumière de l’Impressionnisme pour aboutir à l’image de l’objet dans sa matérialité géométrique. J’ai constaté qu’à l’affirmation de chaque mouvement nouveau on découvre des ancêtres une ou deux générations avant.
Cette réserve faite, d’accord : sur la Côte d’Azur ont été posées quelques unes des virgules remarquables participant à modifier un peu la phrase prononcée par l’art de la deuxième moitié du vingtième siècle.