Chapitre 77 André Verdet et César Carré à la Fondation Maeght (PartIV)
Le samedi 14 juin à 10h, en marge du Festival du Livre de Nice, dans l’auditorium de la Bibliothèque Nucéra… (suite du poème d’amour de Jean Mas)
Flèches, marques,
Annotation, ici je te perds
Ici je te trouve.
Couverture, pages,
Je serre les lettres
les majuscules
Royaume des rois
Où le temps s’écoute
Attrape l’air qui passe
Dans la danse
D’une phrase là soulignée
Qui interroge ?
Il existe pour nous
Ce lieu des traces
Qui donne aux lèvres
Le souvenir des baisers.
Tu es là ...
Du bout des lèvres
Je lis,
Le mot qui s’échappe
M’échappe en se coulant
Si près qu’il disparait
Dans le mouvement
Du corps que je devine
Lorsqu’un encart
Marque l’insistance
Femme toujours voilée,
Toujours nue dans le passage
Où le son m’accroche
Par une ivresse qui m’emporte
La où tout disparait,
Près de la feuille blanche
Tisse la peau.
Tu es là ...
( Jean Mas à Catherine)
Sous la houlette de Luciano Melis, Claude Gilli vint ensuite rappeler qu’en mars 1967, dans sa galerie de la place Godeau à Vence, entre autres artistes Alexandre de la Salle (présent, et qui intervint), le fit cohabiter avec André Verdet pour la première fois. Evocation sensible de ce moment historique. Je ne sais si cela a été dit un jour, mais Claude Gilli a évoqué l’importance d’André auprès les artistes qui se rencontraient au Provence, André Verdet leur apportant toute une culture.
Tout de même, dans le Catalogue « Ecole de Nice, Document de 1954 à 1997 », André Verdet écrivait :
Étant membre de l’école de Nice, il m’est extrêmement difficile de me risquer à porter un jugement sur la dite École de Nice et préjuger de son avenir… Nous sommes en 1998 et cela fait des décennies qu’elle existe et trois de ces artistes conséquents sont du terroir niçois et sont reconnus comme, étant les primaux créateurs du Nouveau Réalisme dont le critique Pierre Restany a été le concepteur philo socitéal : Yves Elein, Arman, Martial Raysse.
Ben est devenu ensuite le porte voix parfois hors mesure de cette École de Nice dont les ramifications furent bientôt madréporiques.
Or, cette École, maintenant légèrement vieillissante en souffle d’élan, continue à engranger de nouveaux adeptes. Trouvera-elle encore un bon fortifiant, un élixir nouveau afin de consacrer de nouveaux et probes créateurs ?
Je crains, quant à moi, que nous en sommes arrivés à un rond-point où il va falloir épingler le vocable Post École de Nice afin de s’engager a posteriori dans une voie artistique débouchant à coup sûr sur une pré création autre. (André Verdet)
Et Pierre Restany de poursuivre :
Il faut aussi ne pas laisser oublier les années 1960 1967, nous ayant fait vivre un bouleversement quasi total de l’appréhension plastique, que l’œuvre de Verdet fut parmi les premières à provoquer le renversement des valeurs sur lesquelles nous vivions. Dès 1960, il exposait des tableaux vitrifiés sous polyester qui s’apparentaient, tout autant que ses reliefs en plâtre et en ciment, au nouveau réalisme. S’il reste marginal à l’École de Nice, c’est que sa recherche le dirigeait vers l’intégra¬tion murale et dans cet esprit, il fut le premier à présenter des œuvres de cette famille.
Peintre - proférateur
Le peintre des idoles de la Provence Noire, le sculpteur des pierres de Coursegoules, l’expérimentateur des émulsions et des superpositions de matières plastiques : tout l’André Verdet plasticien des vingt dernières années s’est sublimé lui même au souffle cosmique de sa vision
Le poète d’un coin de terre est devenu le poète de l’infiniment grand et de l’infini¬ment petit, l’explorateur vibrant du vide galactique entre les deux infinis.
La poésie visuelle d’André Verdet rejoint par le cheminement mystérieux des intuitions sensibles la recherche scientifique et ses hypothèses de pointe. Ses tableaux poèmes donnent aux équations de l’astrophysique ou aux formulations de l’énergie, la chair et le souffle de nos sens, le rythme alterné de nos joies et de nos doutes, la dialectique fondamentale de l’espoir.
La chair des mots s’est donnée toute entière à l’élan de la vision. Le poète ami des étoiles parle désormais le langage de ceux qui les découvrent : c’est le même amour, qui est foi en l’homme, qu’André Verdet traduit en métaphores humaines. Les formules mathématiques se constellent d’images en fleurs.
Jamais André Verdet n’a été aussi peintre que depuis qu’il a décidé d’écrire sur la toile, non de superficielles et clownesques lapalissades à la Ben, mais l’expression de la conscience créatrice à son paroxysme opérationnel : le message de la pensée planétaire dans son insertion cosmique. André Verdet peintre proférateur lit à haute voix notre destin collectif dans les constellations du ciel. Ses mots images ont la rigueur des équations scientifiques et le charme énigmatique de la beauté formelle, le secret éternel des poètes.
Ce commentateur des hyperboles vit la pensée en devenir au rythme des savants. L’intuition exclut sinon le drame au moins l’erreur. (Pierre Restany)
C’est que (Verdet ou la parole oraculaire) :
Verdet, alchimiste de nos interrogations les plus pointues ?... En témoignent les alluvions laissées par les rencontres avec ceux qui surent décrypter : en 1979, Philippe Delache, mais aussi Jean-Claude Pecker, ancien directeur des Recherches d’Astrophysique de l’Observatoire de Paris, qui écrit :
En vérité le concept, le mot, la lettre, sont les étoiles, les galaxies du monde pictural et poétique de Verdet.
Une sémiologie cosmique s’organise sous la main du poète.
« LES PRÉSÉANCES » illustrent cela, masse noire dans le bleu du ciel où se dessine le trajet elliptique d’une boule de matière, avec son double, son envers, et ce commentaire :
La distance stellaire prend
Toujours le pas sur le volume
L’espace sur l’objet
L’éloignement sur le voisinage
Ces vers énigmatiques viennent dire l’insaisissabilité, on n’est pas loin du koan zen ou du Yi-King que le mental roule en vue d’un ajustement tout en découvrant l’impossibilité de l’ajustement, et du mental et du réel...
(A suivre)