Il fait beau, la ville déborde de touristes.
Autour du Colisée et tout au long du forum, on a du mal à se frayer un chemin. Une partie de la via Foro est oblitérée par des palissades (bientôt une nouvelle ligne de métro), mais la balade est toujours agréable dans ce cœur de la Rome antique de l’Arc de Titus au marché de Trajan.
Pour rejoindre le quartier baroque, il faut traverser le Capitole et la Piazza Venezia avec son monument grandiloquent : la "machina" (la machine à écrire), comme l’appellent les Romains, Ce rapprochement est évident et fait sourire.
De l’autre côté de la Place, la ville baroque. Petites rues aux couleurs chaudes, sol dallé d’épais pavés carrés, façades en briques et portails ouvragés. On est dans la Rome qu’on aime.
Au bout d’une rue, le Panthéon.
On arrive sur le côté, on le longe avant de se retrouver devant sa très belle façade à colonnes. Il y a un monde fou, les flash des appareils photos crépitent, de la musique, les gens sont assis autour de la fontaine, des amoureux s’embrassent, d’autres font des selfies, les enfants courent. Les restaurants de la place sont encore plus nombreux, il n’y a d’ailleurs que des restaurants, pas un bar où siroter tranquillement un Spritz.
On tourne à gauche, direction Piazza Navona. Très encombrée elle aussi, ses trois fontaines sont prises d’assaut, difficiles à voir ou photographier. La fontaine des quatre fleuves de Bernin est toujours aussi belle avec son géant qui a peur que l’église de Borromini lui tombe dessus.
Tout au bout, la fontaine des souffleurs, chaque personnage soufflant dans sa conque.
On s’attable devant pour dîner.
Après le repas, direction Trastevere, quartier qu’on n’est pas les seuls à trouver sympathique. Devenu hyper branché, il est envahi de touristes et de jeunes romains. La grande place avec l’église Santa Maria est fabuleuse.
Là encore, tellement de restaurants qu’on a du mal à trouver un bar pour boire un mojito. On en trouve quand même un sympathique sous une tonnelle. En longeant le Tibre, on retrouve l’île Tiberine qui s’est aussi étoffée de lieux de détente. Retour vers le Colisée (Collosseo, le colosse)
Le lendemain, Visite du Maxxi, le nouveau musée contemporain de Rome qui en manquait cruellement.
Grosse déception. L’architecture extérieure n’a rien de remarquable. Les œuvres qui l’entourent nous laissent un peu indifférents. Dedans, ça va mieux. L’idée de l’architecte Zahia Hadid de faire des escaliers noirs fonctionne, mais que de place perdue. Des passages, des allées pour rien, des salles informes où il doit être difficile d’accrocher quelque chose. D’ailleurs les collections semblent inexistantes. On dirait une exposition de travaux d’élèves de deuxième année d’architecture ou de Beaux Arts. L’architecte sait bien articuler les espaces, les lignes avec les perspectives, les courbes, les angles mais au service de rien d’intéressant. Pas une idée originale à part les escaliers noirs qu’elle surexploite à outrance.
Béton ciré lissé à la mode et lignes noires près du sol pour rappeler ses fameux escaliers. La pente est aussi son dada. Le sol de certaines salles et Toutes les circulations sont plus ou moins en pentues. Certains couloirs débouchent sur la grande salle du bas, celle de l’exposition temporaire : Gaetano Pesce : des formes foutraques en résine dégoulinante aux couleurs criardes, d’autres, des genres de fauteuils à boulets aux formes arrondies à la Niki de Saint Phalle. Le tout est posé en un vrac mal organisé où les perspectives n’ont pas été pensées. Il faut dire qu’avec ses murs courbes l’accrochage doit être difficile...
On continue à circuler, encore des petit couloirs en courbes pour arriver dans des surfaces où l’installation d’œuvres est possible : cabanes fabriquées de matériaux de récupération, genre bidonville avec des tôles ondulées, vues plusieurs fois à la Biennale de Venise, entre autres. Des dessins noirs sur les murs comme des ombres de personnage de bande dessinée vaguement érotique avec un cygne. Rien ou presque n’arrête l’œil à part les sculptures filmiques de Rosa Barba, très ingénieuses.
Heureusement, en fin de parcours, deux très belles salles : la première, présentant des peintures monochromes d’Ettore Spaletti aux couleurs tendres très pâles, bien accrochées, aérées, offrant une impression d’espace et de calme... Enfin quelque chose qui éveille un sentiment.
Encore une petite pente pour arriver à une très sensible installation de Penone. Les murs sont couverts de peaux de vache séchées découpées en carrés de même taille, une chaude texture rythmée par des tons légèrement différents, du marron doré au beige. Au sol, une ligne oblique constituée de troncs de bois creusés d’une rigole où stagne un liquide faisant penser à du sang (le sang de l’arbre). Le sol lui-même est constitué de plaques de marbre que Penone à sculptés en faisaient ressortir les nervures de la pierre. Une idée originale de cet immense artiste qui en a des dizaines. Cette installation présentée à la dernière Biennale de Venise a été récupérée par le Maxxi dont c’est de loin l’œuvre la plus réjouissante.
La visite finit au rez de chaussée où deux salles, presque invisibles en rentrant, présentent des photos ou dessins d’architecture, peu thématisés, incompréhensibles.
Au total, le musée ne présente pas beaucoup d’intérêt. De plus, le personnel n’est pas sympa et ils n’ont pas de dossier de presse.
Pour se remettre, en soirée, on va se promener vers la Piazza Boca Della Verita et le ghetto, un des plus vieux et des plus charmants quartiers de la ville. De l’autre côté, il donne sur le Campo dei Fiori, puis Navona. On est au cœur de la cité tout près du Tibre.
Le lendemain, visite de l’autre musée d’art contemporain, le MACRO.
Un peu excentré lui aussi, c’est le musée de la ville. Moins délirant que le Maxxi, plus cohérent mais aussi pauvre en collections. Une énorme structure rouge sur deux niveaux occupe le hall de l’entrée (ici le rouge et noir dominent ; au Maxxi, c’était le noir et blanc).
Au rez de chaussée, probablement un auditorium (fermé) et au premier étage, une belle forme toute rouge dont l’utilité semble être une zone de réunion ou d’installations temporaires, mais là, il n’y a rien qu’elle même. Au-dessus, un plafond transparent couvert de tâches de peinture renvoyant des ombres colorées.
Face à l’entrée, deux grandes galeries présentent des installations. Dans la première, un film est projeté sur un mur, les autres étant occupés par des photos, des documents sur le thème de la prescience du changement. La problématique est intéressante. Peut-on lire dans les événements, et particulièrement dans l’art, les changements profonds, les mutations avant qu’ils ne se produisent ? Dans le cas qui préoccupe l’artiste, pouvait-on voir arriver la seconde guerre mondiale ? Il tente d’y répondre, mais la complexité des flux qui traversent les hommes et le monde fait que le futur est indéchiffrable, strictement impensable. À posteriori, on peut toujours analyser et dire que l’avenir était écrit dans une somme d’événements politiques, sociaux, philosophiques, etc., et encore, il y a autant d’interprétations que d’historiens.
Une deuxième grande pièce très sombre du franco japonais Chittrovanu Mazumdar "And what is left unsaid", présente des volumes cubiques en fer noir sur roues, habillés de différentes matières : mousses, capitonnages, herbes, etc. Dans le prolongement de la salle, une autre installation avec les photos pendues au plafond (comme le fait Annette Messager).
Les formes sont belles et l’ambiance noir-rouge rend ces objets mystérieux.
On passe ensuite dans une salle plus petite où on doit se déchausser pour entrer. Licia Galizia y présente de grandes formes courbes et mouvantes qu’une ambiance sonore fait varier en fonction de nos déplacements.
Il faut traverser un grand escalier pour parvenir à l’autre partie du musée. la cour est envahie par l’immense structure de Toshiko Horiuchi MacAdam : des formes oblongues étirées en laines ou fils tissées avec boules. Cette sculpture textile fait penser au travail de Vasconcellos sauf qu’on peut s’y glisser et y crapahuter (en se déchaussant bien sûr).
De chaque côté de cette structure, deux bâtiments de deux étages où sont exposés des œuvres temporaires, des "studios" ou les artistes peuvent s’exprimer dans un espace large et rectangulaire.
L’œuvre de Giacinto Cerone, puissante, énergique est introduite par un film où on le voit œuvrer de ses doigts et de ses ongles pour creuser la cire des lithographies, puis avec ses poings, ses coudes et ses bras pour modeler des sculptures en terre. Il est très nerveux, toujours sa cigarette à la main, il combat la matière de toutes ses forces, la triture, la déforme, la bat avec des bâtons, un peu à la Barcelo.
Dans la salle attenante, il y a ses grands dessins très gestuels aux murs et des meubles noirs à tiroirs ou on peut voir des centaines de ses dessins, des documents écrits de sa main, etc. On est frappé par la tension, l’énergie démesurée de toutes ses œuvres.
Un étage au dessus, un beau travail photographique de Cecila Luci, In acqua, Des formes simples sur des fonds monochromes, un bel ensemble qui se reflète sur le sol noir.
Deux autres installations, une avec quatre couples de danseurs miniatures, l’autre avec des figures tombantes. Il semble que les choses qui tombent soient au goût du jour. On a rencontré ce thème il y a quelques semaines au Palais de Tokyo avec All that fall, hier au Maxxi avec les photos de personnages tombant ou en situation de danger de tomber (récupérées dans la presse, rephotographiées et agrandies) et aujourd’hui ici avec cette sculpture de femme à la renverse ou de peintures de corps chutant dans l’espace.
Le MACRO se visite agréablement, on y rencontre des œuvres, mais rien d’exceptionnel. Rome immensément riche de son patrimoine antique et baroque ne peut tout faire...
Le soir, notre balade nous ramène vers Navona et l’église Sans Luigi dei Francese pour revoir les trois superbes toiles de Caravaggio.
Toujours aussi fraîches, puissantes avec de multiples personnages et leurs jeux de regards si vivants. Quelques rues plus loin, église San Augustino, il y a aussi une autre œuvre de lui.
On file ensuite sur l’île Tiberine dont on avait vu en passant l’animation. Il y a une grande fête d’un journal de gauche avec débats et projections. Au bord de l’eau qui court (il y a une chute artificielle pas loin), des petits bars sympas avec des formules "buffet". Pour 10 €, une boisson à votre choix (Spritz et Americano, l’apéro des romains) et un buffet ouvert ou on peut se servir de délicieuses salades, des pâtes, des petites boulettes, salades d’orange, toasts, etc. Un moment délicieux et reposant. Il y a de la musique et un peu plus loin, des couples qui dansent le tango. Tout au long de l’île, une dizaine de guinguettes cosy, lounge, certaines avec des lits rouges. Cette île qu’on avait connue vide il y a cinq ans est devenue un petit paradis pour les romains et les quelques visiteurs curieux comme nous. A priori, le gros des touristes n’a découvert que le Trastevere.
Cinecitta, son nom seul fait rêver.
Depuis quelques années, on peut visiter ces studios mythiques. Après l’incendie de 2007, ils ont été réaménagés et les trois bâtiments près de l’entrée présentent sous forme d’exposition l’ensemble des thématiques du cinéma : écriture du scénario, costumes, décors, sons, effets spéciaux, post production, etc. Le tout à l’aide d’extraits de films tournés dans les années, 50 (réalisme italien de Rossellini, de Sica, de Fellini, Visconti), et les péplums américains des années 60 (Ben Hur, Cléopâtre, Hélène de Troie). Puis, plus récemment, les Sergio Leone, les Nanni Moretti, Begnini,
La guide très sympa nous promène ensuite dans les énormes bâtiments où ont été et sont toujours tournés les films. Il y en a une vingtaine dont un plateau de tournage immense, le plus grand d’Europe, le numéro 5, celui où Fellini a tourné ses grands films et les américains leurs inoubliables péplums. On découvre ensuite deux immenses décors en extérieurs : des rues de ville, de New York (de Gangs of New Yprk), ou de Paris, juste les façades soutenues à l’arrière par des échafaudages, mais criantes de vérité. Les décorateurs sont géniaux et justes jusque dans les détails de murs ou de trottoirs salis, vieillis, d’entrées d’immeuble ou de passages. Les sols et les façades sont en ciment imprimés, bois et sable ou en résine, la même rue pouvant, en rajoutant quelques accessoires devenir Paris, Londres ou une ville italienne. On s’y croirait. Mais le plus beau, c’est la reconstitution du Forum romain avec ses temples, son tribunal, son arc de triomphe, ses fontaines, son decumanus, etc.
Ce décor a été spécialement créé pour le tournage de la série Rome. Certaines scènes nous reviennent immédiatement en mémoire. Se promener là au milieu des rues et des chariots antiques est jubilatoire.
Plus loin, un quartier médiéval où ont été tournés des scènes de la vie de Jésus, de Saint François d’Assise et même de Roméo et Juliette (le fameux balcon). D’un décor à l’autre, on franchit les époques. Avec mon iPhone, j’ai filmé un peu les allées et les studios (j’ai tourné un film à Cinecittà !)
Le soir, "Son et lumière" à 22 h forum d’Auguste, où les ruines du forum sont projetées des images qui racontent sa vie.
Empereur entre 27 avant notre ère et 14 après, il a régné longtemps et donc à laissé une marque décisive pour la ville.
Il a fait construire un temple impressionnant, de plus de onze mètres de haut.
Les empereurs montraient leur puissance en érigeant des temples surélevés qui devaient impressionner le peuple. Ces bâtiments étaient ornées de statues ou de bas reliefs représentant des divinités pour montrer l’ascendance illustre des empereurs qui étaient de la famille des dieux et donc qu’on devait craindre et servir.
"J’ai trouvé une cité de briques, j’ai laissé une cité de marbre". En recouvrant les sols et les murs de pierre des bâtiments impériaux, il les protégeait en même temps du feu et souvent le peuple s’y réfugiait lors des incendies. Le "Siècle d’Auguste" a été une période culturelle très riche : les poètes Virgile, Horace, Ovide, l’historien Tite-live doivent beaucoup à la protection du fidèle conseiller d’Auguste : le fameux Mécène.
Le spectacle relate l’histoire des forum, explique leur conception architecturale et les techniques qui ont permis leur construction, notamment comment les ingénieurs romains faisaient pour élever à dix mètres de haut des blocs de pierre de plusieurs tonnes. Il évoque aussi la chute de l’empire, la déchéance de la ville la plus grande du monde antique, d’un million d’habitants à moins de 40 000 quelques siècles plus tard. Au Moyen Âge, les forums sont occupés par des paysans qui y ont bâti de petites fermes avec jardins. Enfin, de la Renaissance à nos jours, la ville redevient un centre important de pouvoir et de commerce et se couvre de magnifiques églises et places. Rome, ville éternelle qui renaît sans cesse.
Une cité aussi importante qui a conquis la presque totalité du monde antique nécessitait un port à sa mesure. À vingt kilomètres, au bord de la mer, Ostia fut la ville portuaire de Rome, Peuplée de nombreuses corporations d’artisans, de commerçants, d’un amphithéâtre, de temples, etc., elle est aujourd’hui une immense et très belle cité de briques traversée par de grands axes qui coupent le long decumanus maximus. Le site est couvert de pins géants, très agréable pour se promener. La plage n’est pas loin, on en profite.
Le lendemain, visite de la Centrala, une ancienne centrale électrique abandonnée qui a accueilli le temps de travaux, des statues, mosaïques et bas-reliefs de la Rome antique (qui en a des milliers).
Ces cultures entreposées au milieu de machines noires énormes ont créé un choc et les organisateurs ont décidé de faire perdurer le lieu. La salle des machines et la salle de la chaudière sont occupées par des machines impressionnantes qui font penser au film "Les Temps Modernes" de Chaplin : tuyauteries, robinets, turbines, écrans ronds, masses épaisses de machineries et de mécaniques complexes devant lesquelles trônent des bustes d’Auguste, de César et de nombreux bas-reliefs issus de tombeaux. Le contraste est bien agencé. Une autre manière de confronter les patrimoines...
Il y a bien sur une quantité imposante de très belles églises à Rome. La Basique San Clémente est étonnante avec ses trois niveaux superposées : au plus bas, un ancêtre de l’église, le Mithraum, un culte à mystères très couru dans l’armée romaine qui a duré plusieurs siècle et eu de très nombreux adeptes. Juste au-dessus, l’église paléo-chrétienne du quatrième siècle, très grande, avec des fresques du 9ème siècle et, au niveau actuel, la très belle église du 17e avec des sols de marbre de toute beauté. Un peu plus loin, dans le quartier, on visite une belle église toute ronde, San Stefano Rotondo, et sur une immense place, la Basilique de Latran, la première église de Rome et la mère de toutes les églises. Elle est presque aussi grande que Saint Pierre. L’évêque est d’ailleurs le pape lui même.
Architecture intérieure actuelle due à Borromini marbres, dorures, grandes sculptures de l’école du Bernin mais le plus beau, c’est le cloitre avec ses doubles colonnades d’une grande finesse. Certaines ont leurs torsades recouvertes de céramique colorées.
Une petite note de tendresse mystique pour clore cette balade à Rome.