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ANTHÉA - « Après la répétition » / « Persona » : un doublé amplement applaudi

Adapter des pièces de théâtre en films, c’est souvent arrivé, mais passer du cinéma au théâtre c’est très rare. Le grand metteur en scène Ivo van Hove a osé et réussi son pari ! Il a donc transformé 2 films de l’immense Ingmar Bergman « Après la répétition » et « Persona » en deux pièces, représentées à Anthéa en une seule soirée.

Après la répétition se passe dans un décor un peu bric à brac, où Charles Berling, seul sur un canapé, écrit des notes en évoquant à haute voix son travail de metteur en scène, avant de parler avec une de ses jeunes comédiennes (Mama Prassinos). Ils sont interrompus par l’arrivée très explosive d’Emmanuelle Bercot, une autre comédienne. Au milieu d’un flot de paroles, elle interroge son metteur en scène : «  Tu trouves que je fais l’actrice dans la vie ? » lui demande-t-elle avant d’évoquer leur antérieure relation intime.
Charles Berling a choisi de rester dans un jeu très sobre, qu’on n’ose comparer à celui, très nuancé, d’Erland Josephson dans le film suédois. Emmanuelle Bercot joue avec son corps très expressif, davantage qu’avec les mots, elle est entièrement vibrante.

Persona est un film superbement déroutant de Bergman et il semblait impossible d’en faire une pièce même s’il ne s’agit que d’échanges de paroles entre deux femmes, ou plutôt du monologue d’une infirmière qui s’adresse à la malade qu’elle a en charge

Emmanuelle Bercot est totalement nue, posée comme une statue, allongée sur une table d’hôpital. Elle interprète une actrice de grand talent qui a été soudain saisie de mutisme au cours d’une représentation d’ « Electre ». Le médecin déclare qu’elle n’est ni malade, ni hystérique, et la confie à une infirmière, Alma, qui ne doit pas la lâcher.
La patiente se lève après avoir poussé un cri, et se promène sur scène toujours nue. Elle ne dit rien, seule l’infirmière lui parle sans cesse, avant qu’elles ne décident de partir toutes deux au bord de la mer.
Sur scène, elles jouent avec l’eau en s’éclaboussant, avant que l’infirmière ne fasse la lecture à sa patiente qui reste toujours aussi silencieuse. Par contre, Alma parle constamment, jusqu’à ce que le vent se lève au bord de la mer et qu’elles ne soient ainsi arrosées (au moyen d’un mécanisme installé à droite de l’espace scénique), ce qui les obligent à courir.
Dans son flot verbal, Alma se confie, dit aimer les garçons et raconte le souvenir d’une rencontre éphémère qui l’a obligée à subir un avortement.

L’interprétation des deux comédiennes est étonnante, l’une (Emmanuelle Bercot) dans son silence, l’autre (Justine Bachelet) dans son perpétuel flot de paroles alors qu’elle passe de sentiments à d’autres contraires.

Peu à peu, l’une va s’identifier à l’autre, ce qui semblait plus évident dans le film de Bergman où la ressemblance entre les deux actrices (Bibi Anderson et Liv Ullmann) favorisait le croisement d’identités.
Ainsi, leur relation devient orageuse, bien que l’actrice reste toujours mutique, mais certains gestes en disent long.

Jamais le public n’était en si grand nombre à Anthéa où pourtant la salle est bien souvent complète. Pour ce spectacle, l’immense théâtre semblait près d’exploser, aussi les deux pièces ont-t-elles été amplement applaudies !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une ©ANTHEA
D’après les 2 films d’Ingmar Bergman
Mise en scène Ivo van Hove

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