Né dans les années 50 en Angleterre à l’orée du Swinging London, sous l’égide de Richard Hamilton le Pop art a vite fait les beaux jours d’une Amérique en quête de rebond artistique après la seconde guère mondiale, d’une nation avide de donner sa réplique au vieux continent, leader originel du marché de l’art.
Mission accomplie en 1964. Sous l’impulsion de l’émérite mécène Peggy Guggenheim le Pop Art américain triomphe à la Biennale de Venise. Rauschenberg décroche le Grand Prix de Peinture. Le centre de l’Art vient de se déplacer de Paris à New York !
Same players shoot again !
Warhol a imposé la production en série dans son travail. Les multiples manufacturés ont détrôné la toile de Maitre. Les muses et les paysages ont été remplacés par les égéries du cinéma et des médias et par les icônes de la société industrielle de Coca Cola aux soupes Campbell. On connaît la chanson ! Mais 50 ans plus tard rien n’a changé. Same players shoot again ? Tous les ingrédients de la recette sont toujours là, plus que jamais ventousés à nos vies, à nos mégapoles comme des moules sur un récif. « ça existe les icônes populaires aujourd’hui ? Des stars à paillettes, oui ! Mais des icônes ? Pour moi une icône est anticonformiste, elle se bat pour ses convictions. En réfléchissant bien, Joey Star, est celui qui remplit le mieux ces critères ! En ce qui concerne le consumérisme, je taperai plutôt à la porte des géants de la téléphonie. Ils savent créer, chaque année, un nouveau besoin inutile à l’humanité, qui semble pourtant indispensable au monde…Il y a encore tellement de combats à mener aujourd’hui, le grand gaspillage, le polissage intensif de la pensée, la lutte contre la sinistrose ambiante, le racisme, la déforestation massive… »
Customisation et Street-art
C’est ainsi que l’artiste Niki qui expose actuellement à la Galerie « Entrée libre » à Dijon jusqu’au 28 février 2021 défend avec la fougue de sa trentaine l’engagement d’un Pop art qu’elle revisite depuis qu’elle est tombée dans sa marmite « je dessine depuis toujours. Tout autour de moi avait lien au Pop art, à la télé, à la publicité et aux dessins animés, aux pictogrammes des marques. Le Pop art était aussi dans mon quotidien : une boite de chaussure, la trousse de maquillage de ma mère, le vieux jerrican de mon père . »
Née dans les années 80, elle avoue s’être nourrie des figures encore vivaces aujourd’hui de son enfance, des jeux vidéo aux Mangas, reprenant ainsi le flambeau que Roy Lichtenstein défricha avec les comics US. « Mon chemin initiatique a croisé les œuvres de Basquiat, Haring, Duchamps, Niki de Saint-Phalle »
Quand à sa technique c’est par sa propre expérience de la matière et des outils que Niki l’acquiert : « Fille unique, je passais mon temps à dessiner dans ma chambre, à m’inventer un univers. Depuis j’apprends et me perfectionne de croquis en croquis. La maitrise de la bombe aérosol, je la perfectionne au quotidien, sur des morceaux de bois, ou des objets désuets pour réaliser des dégradés, des traits nets et maitriser les arrondis ou le relief. Je pense qu’on ne peut pas tout apprendre à l’école. Et pour moi ce serait comme rentrer dans un moule ! » Plus tard elle redonnera vie à des vieux meubles en les customisant. Un goût pour l’ancien qu’elle hérite d’un père dessinateur, passionné d’histoire et d’objets de la seconde guerre mondiale. Sa première peinture publique, Niki la réalise sur le mur de son collège : « elle représentait le système solaire. J’avais déjà envie de m’évader de l’école de cette manière, je pense. »
Autodidacte, un choix par défaut que Niki revendique !
Avant elle bien des artistes et notamment ceux issus du Street Art dont elle s’inspire également ont embrassé ainsi une carrière à l’image de Basquiat et plus tard de Jonone ou Sharp. « La panthère rose créée en 1963, est pour moi un chef d’œuvre graphique qui fait écho aux figures soulignées de noir de Keith Haring » Avec sa peinture « Grunge Panther » Niki s’inspire de ces deux univers : « La panthère rose exprime la vie anticonformiste de Keith Haring : défenseur des droits des homosexuels, le rose étant la couleur qu’ils portaient dans les camps nazis. La figure du chien ou loup de Haring, symbolise le fait que l’homme est un loup pour l’homme. La panthère rose fait référence, bien que le sujet soit dur également, au mouvement black panthers américain qui milita contre l’apartheid dans les années 1960. » A travers cette pièce Niki manifeste sa volonté d’illustrer la lutte du droit à la différence avec douceur. Une douceur récurrente dans sa pratique : « ma touche féminine, se traduit par une recherche sensorielle et instinctive. Le diktat de la pensée de l’artiste contemporain revient à prendre le spectateur par la main. Moi je préfère le prendre par le cœur et l’esprit »
Vers un Pop art éco citoyen ?
Cet engagement artistique singulier fait que Niki fraichement arrivée sur la scène artistique expose déjà avec des artistes confirmés, tel que Richard Orlinski qui la soutient depuis le début. Avec Ricardo Mosner et Michel Audiard elle réalise des œuvres à 4 mains. En 2020, elle crée la série « Cédez le passage » sur de vieux panneaux de signalisation dont des œuvres majeures furent exposés au Relais & Châteaux Bernard Loiseau à Saulieu. « Le Pop art du 21ème siècle conserve ses valeurs originelles, comme mes séries « Monkey » et « Cédez le passage », en partenariat avec l’association Jane GODALL qui se bat depuis des décennies pour la protection et la sauvegarde des grands singes et la conservation de leur habitat ».
C’est un autre animal menacé que Niki met à l’honneur lors d’une récente collaboration avec Laurent Moulin (Atelier STAMPI) : « J’ai voulu rendre hommage à François Pompon pour la célébration du centenaire de son ours blanc, en reproduisant en résine et façon Pop la tête de son emblématique Ours. »
Et si elle convoque parfois comme a pu le faire Warhol, des figures célèbres dans ses œuvres, tels que Frida Khalo, Gainsbourg, Basquiat ou Jim Morrison, ce sujet lui tient à cœur : « pour moi, les vraies icônes d’aujourd’hui ce sont les animaux en voie de disparition, les héros invisibles de notre temps, des survivants dans un monde de plus en plus hostile ! Je les représente, de leur vivant, afin qu’ils ne deviennent, pas un hommage, une nostalgie du passé, un dinosaure dans un muséum ou un ADN dans un tube à essai ! Pour moi le Pop art actuel est ancré aussi dans le présent. Il y a trop d’enjeux planétaires à soutenir et dénoncer…mais il ne faut pas oublier, qu’il y a également tant de beautés, de rires à partager et d’espoirs à dévoiler au monde que la source d’inspiration est loin d’être tarie. »
Du pain sur la planche pour cet artiste hyper-active qui finalise deux productions avec le sculpteur Michel Audiard, « … des portraits de David Bowie et Steve McQueen sur plaques inox découpées » et qui planche sur une nouvelle création avec le designer ANGO de tableaux K7, 100% bois 100% fait main, à l’effigie de Dali et d’autres icônes qui lui sont chères. « J’ai en projet de rouvrir ma propre galerie cet été à Saulieu qui connut un succès aussi inattendu qu’espéré et d’exposer à nouveau au Relais & Châteaux Bernard Loiseau en duo avec Richard Orlinski, cette fois-ci. Difficile de se projeter très loin en ce moment. Je ne m’inquiète pas, dès que le nuage COVID 19 se dissipera, les propositions arriveront bien assez tôt. Peut-être à Nice ou Saint-Tropez. Allez savoir ! »